Y aura-t-il une nouvelle guerre ?

Au sein de la communauté internationale, on évoque de plus en plus la possibilité d’une nouvelle attaque venant de Russie et du Bélarus contre l’Ukraine. À ce jour, au moins 92 000 soldats russes sont massés aux frontières ukrainiennes. On parle même de janvier ou de début février, lorsque les marais de Polésie seront couverts de glace. C’est la route la plus courte vers Kyïv depuis le nord.

Les services de renseignements de l’OTAN ont été les premiers à en parler, tandis que l’Ukraine n’a accepté que plus tard les conclusions de ses alliés occidentaux. Un par un, les pays occidentaux mettent en place des formations mobiles qui peuvent être déployées en Ukraine dans les 48 à 72 heures si nécessaire. Des navires transportant des armements arrivent un par un dans le port d’Odessa. Le secrétaire général de l’OTAN et les chefs des principaux pays de l’Alliance déclarent avec force qu’ils ne laisseront pas l’Ukraine en danger. Et je suis sûr qu’ils disent vrai. Si la guerre éclate, ce sera une nouvelle édition de la guerre de Corée de 1949-1953. Mais au lieu d’une Europe détruite par six ans de conflit et d’une Amérique fatiguée de la guerre, ce sont les pays de l’OTAN, qui produisent la moitié du PIB mondial, qui défendront la démocratie. Et ils auront affaire non pas à la Chine rouge et à l’URSS entourée de ses satellites européens, mais à une faible Fédération de Russie qui produit 2 % du PIB mondial. La Chine n’enverra pas ses 2 millions de « volontaires » dans le Donbass cette fois-ci, comme elle l’avait fait en Corée.

Si la guerre commence, elle se terminera bientôt, en même temps que le régime de Poutine et celui de Loukachenko. Ces forces agressives néo-bolcheviques se noieront dans les marais de Polésie et seront dispersées dans les steppes de la région d’Azov. L’issue de la guerre est évidente.

Mais cette issue est-elle évidente pour le Kremlin ? Je pense que oui. Et donc il n’y aura pas de guerre. Comme la crise des migrants à la frontière polonaise, il s’agit pour la Russie d’une tentative pour rétablir sa réputation d’acteur fort et dangereux avec lequel il faut négocier et qu’il ne faut pas contrarier. La guerre détruira le régime de Poutine, alors que les négociations avec Biden, Johnson et d’autres dirigeants éminents du monde démocratique le renforceront. C’est exactement ce que veut le Kremlin.

Cependant, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Les eaux de la réunion de Genève, en juin dernier, se sont écoulées. Désormais, l’Occident ne parlera à M. Loukachenko et à son patron qu’en position de force : sanctions, renforcement de la capacité de défense de l’Ukraine, soutien aux membres frontaliers de l’OTAN (Pologne, Lituanie, Estonie, Lettonie).

À Genève, Biden a donné à Poutine une occasion de reprendre ses esprits. Il ne l’a pas fait. Il a désormais le choix entre une mort rapide dans les tranchées de la région frontalière ukrainienne et une mort lente sous les coups des sanctions et d’un isolement au sein de la communauté internationale. Connaissant le profil psychologique de Poutine, je suis sûr qu’il choisira la seconde voie dans l’espoir que quelque chose va craquer quelque part en Occident. Il n’y aura donc pas de guerre, mais il faut s’y préparer. Parce que, si nous ne nous préparons pas à la guerre, elle commencera certainement, comme en 2014.

Traduit du russe par Desk Russie

Andrey Zubov sur Facebook

Publié avec l’autorisation de l’auteur.


Tensions avec la Russie

Mise au point de Desk Russie

Alors que les Américains constataient, le 30 octobre, une concentration des troupes russes à la frontière ukrainienne, Kyïv a affirmé dans un premier temps qu’il n’y avait rien d’inhabituel. Puis, le 11 novembre, la présidence ukrainienne a reconnu la présence de près de 100 000 militaires non loin de la frontière ukrainienne. De leur côté, les États-Unis, puis l’Union européenne — la France et l’Allemagne —, ont appelé Moscou à la retenue.

Le 21 novembre, Kyrylo Boudanov, chef du département du renseignement au ministère ukrainien de la Défense, a déclaré à Military Times que la Russie avait concentré 92 000 militaires le long de la frontière ukrainienne et qu’elle avait l’intention d’attaquer l’Ukraine pendant l’hiver, fin janvier début février.

Combinant l’artillerie, l’aviation et les blindés, cette attaque, suivie d’une intervention des forces spéciales, pourrait intervenir dans le Sud, du côté de Marioupol et d’Odessa, mais aussi depuis la frontière bélarusse, bien plus proche de Kyïv. Boudanov n’exclut pas l’organisation de multiples manifestations pro-russes sur le territoire ukrainien, comme moyen de déstabilisation préalable. Ce scénario avait déjà été évoqué par Oleksiy Reznikov, le ministre ukrainien de la Défense, lors de sa visite aux États-Unis les 18 et 19 novembre. Reznikov a mis en garde la Russie contre une réaction sévère des États-Unis, du Royaume-Uni, ainsi que des États membres de l’Union européenne et de l’OTAN face à d’éventuelles actions agressives.

En effet, les mouvements militaires russes près de la frontière avec l’Ukraine interrogent à la fois les États-Unis et l’Union européenne. Cette fois, l’Europe semble prendre au sérieux la menace russe pesant sur l’Ukraine. Ainsi, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, invité du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro le 21 novembre, a affirmé que « toute violation de la frontière ukrainienne et toute intrusion auraient des conséquences extrêmement graves ». Le chef du Conseil de sécurité ukrainien, Oleksiy Danylov, lors de la rencontre entre la délégation ukrainienne et les représentants du Sénat américain au Halifax International Security Forum, le 21 novembre, a souligné que la Russie cherchait à déstabiliser la situation en prévision de futures négociations. Il a assuré que l’Ukraine n’accepterait pas la répétition de la situation de 2014 et serait en mesure d’apporter une réponse adéquate à toute agression.

Lors de la conférence de Halifax, l’ex-président de l’Ukraine, Petro Porochenko, chef du parti d’opposition Solidarité européenne, a appelé les partenaires occidentaux à donner à l’Ukraine davantage d’armes létales défensives, à l’accepter au sein de l’OTAN, à revoir leurs positions sur le Nord Stream 2 et à appliquer de nouvelles sanctions contre la Russie.

Historien, intellectuel, politologue et essayiste russe. Spécialiste de la philosophie de l’histoire, des idées religieuses et de l’histoire russe. En 2014, s’est prononcé contre l’annexion de la Crimée et la politique russe à l’égard de l’Ukraine, ce qui lui a valu la non-prolongation de son contrat de professeur au MGIMO (l’Institut d’État des relations internationales de Moscou). Personnalité engagée, vice-président du Parti de la liberté du peuple (Russian acronyme PARNAS) depuis 2016.

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