La rhétorique de l’agresseur

Historienne, Françoise Thom décortique les discours d’Hitler, de Molotov et de Poutine afin de montrer à quel point les thèmes que ces trois protagonistes soulèvent et les raisonnements qu’ils suivent se ressemblent. Une plongée dans l’univers totalitaire.

Les justifications apportées aux guerres d’agression varient peu. Un certain nombre de thèmes que nous avons relevés dans les discours des trois personnages cités ici sont familiers à l’historien et reviennent à travers les siècles dans les propos des tyrans et des princes belliqueux : les offenses essuyées, la patience de l’agresseur mise à bout, la nécessité de se protéger. En revanche certains motifs sont spécifiquement contemporains : l’agresseur présenté en victime, la dénonciation de l’ordre international et des démocraties, le narratif de l’armée « libératrice » des minorités opprimées, l’altruisme mis en avant comme motivation de l’intervention. Et surtout, caractéristique des dictatures idéologiques, le mensonge énorme.

Ce sont les discours d’Hitler, de Molotov et de Poutine qui sont comparés ici.

  • Discours d’Hitler le 1er septembre 1939 : Hitler justifie sa décision d’agresser la Pologne. Ce discours est destiné à un large public. Il est intéressant de le comparer aux propos tenus par le Führer devant ses généraux convoqués à l’Obersalzberg le 22 août 1939, qui nous sont parvenus grâce aux notes prises par ceux qui étaient présents. Dans ces propos plus francs la similitude avec les arguments de Poutine et de ses propagandistes est encore plus frappante. Et enfin le discours du 11 décembre 1941, lorsque Hitler déclare la guerre aux États-Unis, développe certains thèmes ébauchés précédemment que la guerre ouverte avec les démocraties lui permet d’évoquer sans prendre de gants, thèmes que nous retrouvons dans la rhétorique poutinienne.
  • Discours de Viatcheslav Molotov au Soviet suprême le 31 octobre 1939 : Molotov justifie le pacte germano-soviétique, l’invasion de la Pologne orientale au moment où l’armée polonaise succombe sous les coups de la Wehrmacht, et l’abandon du slogan de l’« antifascisme ».
  • Discours de Poutine le 24 février 2022 : Poutine justifie son « opération spéciale » contre l’Ukraine.

Les principaux thèmes

Un pays innocent victime de puissances malveillantes

Hitler (1er septembre 1939) : « Depuis des mois, nous vivons tourmentés par un problème [le corridor de Dantzig], le même que celui qui nous fut autrefois causé par le traité de Versailles — ou plutôt le diktat de Versailles — un problème qui, par sa dégénérescence et sa dénaturation, nous était devenu insupportable. »

Poutine : « Quant à notre pays, après l’effondrement de l’URSS, malgré l’ouverture sans précédent de la nouvelle Russie moderne et sa volonté de travailler honnêtement avec les États-Unis et d’autres partenaires occidentaux, dans des conditions de désarmement réellement unilatéral, ils [les pays de l’Ouest] ont immédiatement essayé de nous enfoncer, de nous achever et de nous détruire pour de bon. »

Hitler (11 décembre 1941) : « Les deux conflits entre l’Allemagne et les États-Unis ont été inspirés par la même force et causés par deux hommes aux États-Unis — Wilson et Roosevelt. L’histoire a déjà rendu son verdict sur Wilson, son nom représente l’une des violations les plus graves de la parole donnée, qui a semé le trouble non seulement parmi les soi-disant vaincus, mais aussi parmi les vainqueurs. Ce manquement à sa parole a seul rendu possible le diktat de Versailles. Nous savons aujourd’hui qu’un groupe de financiers intéressés tiraient les ficelles derrière Wilson et ont utilisé ce professeur paralytique parce qu’ils espéraient améliorer leur business. Pour avoir cru cet homme, le peuple allemand a dû subir l’effondrement de son existence politique et économique. »

La dénonciation de l’arrogance, du cynisme et de l’hypocrisie des démocraties, la haine de l’Occident, la volonté de détruire l’ordre international

Molotov : « Les milieux dirigeants d’Angleterre et de France essayent de faire figure de champions des droits démocratiques des peuples contre l’hitlérisme ; ainsi, le gouvernement anglais a proclamé que, pour lui, la guerre contre l’Allemagne aurait pour but, ni plus ni moins, “l’anéantissement de l’hitlérisme”. II s’ensuit qu’en Angleterre, de même qu’en France, les partisans de la guerre ont déclaré à l’Allemagne quelque chose comme une “guerre idéologique”, qui rappelle les vieilles guerres de religion. […] Or, une guerre de ce genre ne saurait être justifiée en aucune façon. L’idéologie de l’hitlérisme, comme tout autre système idéologique, peut être reconnue ou rejetée — c’est une question d’opinion politique. Mais n’importe qui comprendra qu’on ne saurait détruire une idéologie par la force, qu’on ne saurait en finir avec elle par la guerre. C’est pourquoi il est insensé, voire criminel, de mener une semblable guerre, soi-disant pour “l’anéantissement de l’hitlérisme”, en la couvrant du faux drapeau de la lutte pour la démocratie. […] Les milieux gouvernants de l’Angleterre et de la France ont, comme de juste, d’autres motifs plus réels pour une guerre contre l’Allemagne. Ces motifs ne sont pas du domaine d’une idéologie quelconque, mais bien de la sphère de leurs intérêts, essentiellement matériels, de grandes puissances coloniales.[…] La crainte de perdre l’hégémonie mondiale dicte aux gouvernements d’Angleterre et de France une politique belliciste à l’égard de l’Allemagne. »

Poutine : « D’une manière générale, il semble que presque partout, dans de nombreuses régions du monde, là où l’Occident vient établir son ordre, il y laisse des blessures sanglantes, suppurantes, les plaies du terrorisme international et de l’extrémisme. »

Hitler (22 août 1939) : « La Pologne est maintenant dans la situation dans laquelle je voulais qu’elle fût… Je crains seulement qu’au dernier moment un Schweinehund [salopard] quelconque ne fasse des propositions de médiation… Nous avons commencé à détruire l’hégémonie anglaise. »

Poutine : « Les tentatives de persuasion et les demandes ne servent à rien. Tout ce qui ne convient pas aux puissants, à ceux qui ont le pouvoir, est déclaré archaïque, obsolète et inutile. Et vice versa : tout ce qui leur semble avantageux est présenté comme la vérité ultime, à faire passer à tout prix, sans ménagement, par tous les moyens. Les contradicteurs sont brisés. […] Un tel comportement de pipeur de dés est contraire non seulement aux principes des relations internationales, mais surtout aux normes de moralité et d’éthique généralement acceptées. Où sont la justice et la vérité ici ? Rien que des mensonges et de l’hypocrisie. […] On peut dire avec certitude que l’ensemble du soi-disant bloc occidental, formé par les États-Unis à son image et à sa ressemblance, est ce même “empire du mensonge”. »

Le catalogue des griefs

Poutine : « Cela inclut la promesse faite à notre pays de ne pas étendre l’OTAN d’un pouce vers l’est. Une fois encore, ils nous ont trompés ou, dans le langage populaire, tout simplement arnaqués. »

Poutine : « Dans les années 1990 et au début des années 2000, le soi-disant Occident collectif a soutenu activement le séparatisme et les bandes de mercenaires dans le sud de la Russie. Quels sacrifices et quelles pertes cela nous a coûtés, quelles épreuves nous avons dû traverser avant de pouvoir enfin définitivement briser les reins au terrorisme international dans le Caucase. Nous nous en souvenons et ne l’oublierons jamais. »

Hitler (11 décembre 1941) : « Systématiquement, il [Roosevelt] a commencé à monter l’opinion publique américaine contre l’Allemagne. Il a menacé d’établir une sorte de quarantaine contre les soi-disant États autoritaires. […] À partir de novembre 1938, ses efforts systématiques visaient à saboter toute possibilité d’une politique d’apaisement en Europe. En public, il feignait hypocritement d’être pour la paix ; mais en même temps, il menaçait tout pays prêt à poursuivre une politique d’entente pacifique de gel des avoirs, de représailles économiques, d’exigences de remboursement d’emprunts, etc. […] Il a commencé, à partir de mars 1939, à se mêler des affaires européennes qui ne concernaient pas du tout le président des États-Unis, car il ne comprend pas ces problèmes, et même s’il les comprenait et le contexte historique qui les sous-tendait, ils [les Américains] ont tout aussi peu le droit de s’inquiéter de l’espace d’Europe centrale que le Reich allemand n’a le droit de juger des conditions dans un État américain et d’adopter une attitude à leur égard. Mais M. Roosevelt est allé encore plus loin. En contradiction avec tous les principes du droit international, il a déclaré qu’il ne reconnaîtrait pas certains gouvernements qui ne lui convenaient pas. »

Poutine : « Les principaux pays de l’OTAN, afin d’atteindre leurs propres objectifs, soutiennent en Ukraine les ultra-nationalistes et les néonazis, qui, à leur tour, ne pardonneront jamais aux habitants de Crimée et de Sébastopol leur libre choix de se réunifier à la Russie. »

Une trop longue patience : les vains efforts de paix

Hitler (1er septembre 1939) : « J’ai tenté de résoudre cette insupportable situation par des propositions de révision pacifiques. […] Sur chaque point sans exception, j’ai pris l’initiative d’émettre des propositions de révision des situations intolérables, et ce, non pas à une seule occasion, mais à de multiples reprises. Toutes ces propositions, comme vous le savez, ont été rejetées. »

Poutine : « Il est bien connu que, depuis trente ans, nous essayons avec constance et patience de parvenir à un accord avec les principaux pays de l’OTAN sur les principes d’une sécurité égale et indivisible en Europe. En réponse à nos propositions, nous nous sommes constamment heurtés soit à des tromperies et à des mensonges cyniques, soit à des tentatives de pression et de chantage […]. Les forces qui ont réalisé un coup d’État en Ukraine en 2014, se sont emparées du pouvoir et l’ont conservé au moyen de procédures électorales essentiellement décoratives, ont définitivement refusé de résoudre le conflit de manière pacifique. Pendant huit ans, huit années infiniment longues, nous avons tout fait pour que la situation soit résolue par des moyens pacifiques et politiques. En vain. »

Hitler (1er septembre 1939) : « Depuis quatre mois, j’ai assisté à cette évolution avec calme, mais non sans adresser continuellement des avertissements. Ces derniers temps, j’ai renforcé ces avertissements. Voici plus de trois semaines, j’ai fait savoir à l’ambassadeur polonais que si la Pologne envoyait de nouveaux ultimatums à Dantzig, si de nouvelles mesures d’oppression étaient prises à l’encontre de tout ce qui est allemand sur place, si la Pologne essayait d’anéantir Dantzig économiquement par des mesures douanières, l’Allemagne ne resterait plus longtemps inactive ! […] J’ai finalement formulé les propositions allemandes. […] Ces propositions ont été rejetées. Et ce n’est pas tout : les réactions qu’elles ont provoquées ont été d’abord des mobilisations, et ensuite une terreur renforcée, avec une pression accrue sur les Allemands de ces régions et une lente lutte d’étouffement contre la ville libre de Dantzig sur le plan économique, douanier, et finalement, au cours des dernières semaines, aussi sur le plan militaire et des transports. »

Poutine : « En dépit de tout cela, en décembre 2021, nous avons tenté une nouvelle fois de parvenir à un accord avec les États-Unis et leurs alliés sur les principes de la sécurité en Europe et le non-élargissement de l’OTAN. Tout a été vain. La position des États-Unis n’a pas changé. »

Hitler (1er septembre 1939) : « J’ai encore essayé une dernière fois (bien que, je l’avoue, j’étais intimement convaincu que, face au gouvernement polonais et puisqu’il dépend d’une soldatesque sauvage et déchaînée, un réel accord n’était pas sérieux), j’ai essayé une dernière fois d’accepter une proposition de conciliation émanant du gouvernement britannique. Je dois insister sur un point : j’ai accepté cette proposition. J’ai mis en place les bases nécessaires à ces discussions, vous les connaissez. […] J’ai attendu durant deux journées entières pour voir si le gouvernement polonais allait ou non daigner nous envoyer un délégué. Hier soir, il ne nous a pas envoyé un délégué… Si l’on pouvait se comporter de la sorte envers le Reich allemand et son chef d’État ; si le Reich allemand et son chef d’État l’acceptaient, la nation allemande ne mériterait rien d’autre que de se retirer de la scène politique. Et là, on s’est fondamentalement trompé sur mon compte ! Mon amour de la paix et ma patience infinie ne doivent pas être pris pour de la faiblesse ou même de la couardise ! »

Le martyre des minorités

Hitler (1er septembre 1939) : « Dantzig fut séparé de nous, le corridor fut annexé par la Pologne, tout comme d’autres territoires allemands à l’est. Et surtout, les minorités allemandes vivant là-bas furent traitées d’une manière ignoble. Plus d’un million de personnes de sang allemand durent quitter leur patrie dès les années 1919-1920. »

Molotov : « Il convient de signaler l’effet de la débâcle militaire de la Pologne et de la désagrégation de l’État polonais. Les milieux dirigeants de la Pologne ne se sont pas peu targués de la soi-disant solidité de leur État et de la prétendue puissance de leur armée. Cependant, il a suffi que la Pologne reçoive un coup bref d’abord de l’armée allemande et puis de l’Armée rouge pour qu’il ne restât rien de cet avorton issu du traité de Versailles et qui ne vivait que de l’oppression des nationalités non polonaises. […] Inutile de démontrer qu’au moment où l’État polonais était en complète désagrégation, notre gouvernement avait le devoir de tendre une main secourable à nos frères ukrainiens et blanc-russiens, habitant l’Ukraine occidentale et la Russie-Blanche occidentale. C’est ce qu’il a fait. L’Armée rouge a pénétré dans ces régions, entourée de la sympathie générale de la population ukrainienne et blanc-russienne qui a accueilli nos troupes comme ses libérateurs du joug des seigneurs, des hobereaux et des capitalistes polonais. […] Les élections qui ont eu lieu dernièrement aux Assemblées nationales de l’Ukraine et de la Russie-Blanche occidentales, élections qui, pour la première fois, ont été organisées dans ces régions sur la base du suffrage universel direct et égal et au scrutin secret, ont montré que les 9/10 au moins des habitants de ces régions étaient prêts, depuis déjà longtemps, à être rattachés à l’URSS. Les décisions des Assemblées nationales à Lvow et à Bialystok, que nous connaissons déjà aujourd’hui, démontrent l’unanimité complète des élus du peuple dans toutes les questions politiques. »

Poutine : « Il est impossible de regarder ce qui se passe là-bas [dans le Donbass] sans compassion. Il n’était tout simplement plus possible de le tolérer. Il faut arrêter immédiatement ce cauchemar — le génocide des millions de personnes vivant là-bas. Celles-ci n’espèrent plus que [dans l’aide de] la Russie, elles n’espèrent plus qu’en vous et moi. Ce sont ces aspirations, ces sentiments et cette douleur des gens qui nous ont poussés à prendre la décision de reconnaître les Républiques populaires du Donbass. »

La nécessité de redresser une longue injustice : le dictateur est forcé malgré lui d’agir

Hitler (1er septembre 1939) : « On a essayé d’excuser l’attitude envers les Allemands par le fait que les Allemands de là-bas se seraient rendus coupables de provocations. J’ignore en quoi peuvent consister les provocations des enfants ou des femmes que l’on maltraite, que l’on déporte, j’ignore de même en quoi sont censées consister les provocations de ceux que, d’une manière bestiale et sadique, on a soit maltraités, soit tués. Je l’ignore. Mais il y a une chose que je sais : c’est qu’aucune grande puissance qui a un tant soit peu d’honneur ne resterait longtemps passive face à de tels faits ! »

Molotov : « Certes, nous ne pouvions rester neutres en présence de ces faits [l’effondrement de la Pologne sous les assauts de la Wehrmacht], puisque ces événements posaient devant nous avec acuité le problème de la sécurité de notre État. En outre, le gouvernement soviétique ne pouvait pas ne pas prendre en considération la situation exceptionnelle qui était créée pour la population sœur de l’Ukraine occidentale et de la Russie-Blanche occidentale, laquelle population était livrée au gré du sort, dans la Pologne désagrégée. »

Poutine : « Vous et moi n’avons simplement pas eu d’autre possibilité de défendre la Russie, notre peuple, que celle que nous serons forcés d’utiliser aujourd’hui. Les circonstances nous obligent à agir de manière décisive et immédiate. Les Républiques populaires du Donbass ont demandé l’aide de la Russie. […] J’ai pris la décision de mener une opération militaire spéciale. Son but est de protéger les personnes qui ont été soumises à des abus, à un génocide par le régime de Kiev pendant huit ans. »

Hitler (11 décembre 1941) : « Les efforts sincères de l’Allemagne et de l’Italie pour empêcher une extension de la guerre et pour maintenir des relations avec les États-Unis, malgré les provocations insupportables orchestrées depuis des années par le président Roosevelt, ont été vains. L’Allemagne et l’Italie ont été finalement obligées […] de mener la lutte contre les États-Unis et l’Angleterre conjointement et aux côtés du Japon pour la défense et donc pour le maintien de la la liberté et l’indépendance de leurs nations et de leurs empires. »

C’est la faute des démocraties

Hitler (11 décembre 1941) : « À cause de la politique du président Roosevelt, qui vise à la domination illimitée et à la dictature mondiale, les États-Unis et l’Angleterre n’ont pas hésité à utiliser tous les moyens pour contester les droits des nations allemande, italienne et japonaise à la base de leur existence naturelle. Les gouvernements des États-Unis et d’Angleterre ont donc rejeté, non seulement maintenant mais depuis toujours, toute entente juste destinée à instaurer un meilleur ordre nouveau dans le monde. »

Molotov : « Les rapports de l’Allemagne avec les autres États bourgeois de l’Europe occidentale pendant ces vingt dernières années ont été déterminés avant tout par le désir de l’Allemagne de rompre les chaînes du traité de Versailles dont les auteurs avaient été l’Angleterre et la France, aidées activement par les États-Unis. C’est ce qui, en définitive, a conduit à la guerre actuelle en Europe. »

Poutine : « En fait, jusqu’à récemment, les tentatives pour nous utiliser dans leur intérêt, pour détruire nos valeurs traditionnelles et nous imposer leurs pseudo-valeurs, qui nous rongeraient, nous, notre peuple, de l’intérieur, n’ont pas cessé. »

La guerre est seulement préventive, l’agression de l’ennemi était imminente

Hitler (1er septembre 1939) : « Cette nuit, la Pologne a tiré avec des soldats réguliers, pour la première fois, sur notre territoire. Depuis 5 h 45 des tirs de riposte ont lieu ! Et dès à présent, nous répondons à chaque bombe par une autre bombe. Ceux qui luttent avec du poison sont combattus de la même manière. Celui qui s’éloigne lui-même des règles d’une guerre humaine peut s’attendre à ce que, de notre côté, nous franchissions le même pas. Je continuerai à mener ce combat contre lui, jusqu’à ce que la sécurité du Reich soit assurée et ses droits garantis. »

Poutine : « L’Alliance de l’Atlantique Nord, malgré toutes nos protestations et nos préoccupations, ne cesse de s’étendre. La machine de guerre est en marche et, je le répète, s’approche au plus près de nos frontières. »

Hitler (11 décembre 1941) : « Aujourd’hui, nous avons des preuves accablantes et authentiques que la Russie avait l’intention d’attaquer ; nous connaissons parfaitement la date à laquelle l’attaque devait avoir lieu. Face à ce grand danger dont nous ne mesurons peut-être qu’aujourd’hui l’ampleur, je ne peux que remercier Dieu de m’avoir éclairé au bon moment et de m’avoir donné la force de faire ce qui devait être fait ! À cela, non seulement des millions de soldats allemands doivent leur vie, mais l’Europe son existence même. […] Si le Reich allemand n’avait pas affronté l’ennemi avec ses soldats et ses armes, un déluge aurait balayé l’Europe, ce qui aurait une fois pour toutes mis fin à la ridicule idée britannique de maintenir l’équilibre européen, conformément à sa tradition insensée et stupide. »

Poutine : « L’histoire nous apprend qu’en 1940 et au début de 1941, l’Union soviétique a tenté d’empêcher ou, du moins, de retarder le déclenchement de la guerre. Pour ce faire, il faut notamment essayer littéralement jusqu’à la dernière minute de ne pas provoquer un agresseur potentiel, ne pas prendre voire reporter les mesures les plus nécessaires et les plus évidentes pour se préparer à repousser une attaque inévitable. Et les mesures qui ont finalement été prises étaient désastreusement tardives. […] Tenter de plaire à l’agresseur à la veille de la Grande Guerre patriotique a été une erreur qui a coûté cher à notre peuple. […] Nous ne ferons pas une telle erreur une seconde fois, nous n’en avons pas le droit. […] Aujourd’hui déjà, alors que l’OTAN s’étend vers l’est, la situation de notre pays empire devient chaque année plus dangereuse. […] Ils renforcent leur position. Nous ne pouvons plus nous contenter de regarder ce qui se passe. Ce serait complètement irresponsable de notre part. »

Poutine : « Le problème, c’est que dans les territoires qui nous sont adjacents — je tiens à le préciser, nos territoires historiques — se crée une “anti-Russie” ennemie, placée sous un contrôle extérieur total, qui est intensivement colonisée par les forces armées des pays de l’OTAN et qui est gavée des armes les plus modernes. »

Poutine : « Le déroulement des événements dans son ensemble et l’analyse des informations qui nous parviennent montrent que l’affrontement entre la Russie et ces forces est inévitable. Ce n’est qu’une question de temps : ils se préparent et attendent le moment opportun. Maintenant, ils revendiquent également la possession d’armes nucléaires. Nous ne permettrons pas que cela se produise. »

L’armée a été reconstruite

Hitler (1er septembre 1939) : « J’ai œuvré durant plus de six ans à l’édification de l’armée allemande. Au cours de cette période, ce sont plus de 90 milliards qui ont été consacrés à la construction de cette armée. Aujourd’hui, elle est la mieux équipée et elle est bien supérieure à celle de 1914. Ma confiance en elle est inébranlable. »

Hitler (11 décembre 1941) : « Aujourd’hui, je suis à la tête de l’armée la plus puissante du monde, de la plus gigantesque force aérienne et d’une fière marine. »

Poutine : « Dans le domaine militaire, la Russie moderne, même après l’effondrement de l’URSS et la perte d’une grande partie de son potentiel, est aujourd’hui l’une des puissances nucléaires les plus importantes du monde et dispose en outre d’avantages certains dans un certain nombre d’armements de pointe. »

La solidarité des dictatures

Hitler(1er septembre 1939) : « Je suis heureux de vous annoncer ici un événement particulier. Vous savez que la Russie et l’Allemagne sont gouvernées selon deux doctrines différentes. Et un aspect des choses devait être clarifié : l’Allemagne n’a pas l’intention d’exporter sa doctrine. Étant donné que l’Union soviétique ne compte pas exporter sa doctrine pour l’instant, je ne vois plus de raison à ce que nous nous affrontions de nouveau. Et nous en avons parlé très clairement entre nous : tout combat nous opposant l’un à l’autre n’aurait aucun intérêt, sinon pour des tiers. Nous avons donc résolu de conclure un pacte. […] Chaque tentative à l’ouest pour y changer quoi que ce soit échouera. Je souhaite proclamer, en cet endroit, que cette décision politique représente un important tournant pour l’avenir et revêt un caractère définitif. »

Molotov : « Depuis la conclusion du pacte de non-agression soviéto-allemand du 23 août, il a été mis fin à la situation anormale qui a existé durant des années entre l’Union soviétique et l’Allemagne. L’hostilité, réchauffée par tous les moyens par certains États européens, a fait place à un rapprochement et à l’établissement de rapports amicaux entre l’URSS et l’Allemagne. […] En relation avec ces changements importants survenus dans la situation internationale, certaines vieilles formules dont nous nous servions récemment encore — et auxquelles beaucoup s’étaient tellement accoutumés — sont manifestement périmées et désormais impraticables. Il faut s’en rendre compte, afin d’éviter les erreurs grossières dans l’appréciation de la nouvelle situation politique en Europe. On sait, par exemple, qu’en ces quelques derniers mois les notions telles que “agression”, “agresseur” ont reçu un nouveau contenu concret, ont acquis un nouveau sens. On conçoit aisément que nous ne puissions plus aujourd’hui nous servir de ces notions dans le même sens qu’il y a trois ou quatre mois, par exemple. Si l’on parle aujourd’hui des grandes puissances européennes, l’Allemagne se trouve dans la situation d’un État qui aspire à voir la cessation la plus rapide de la guerre et à la paix, tandis que l’Angleterre et la France, qui hier encore s’affirmaient contre l’agression, sont pour la continuation de la guerre et contre la conclusion de la paix. Les rôles changent, comme vous le voyez. […] Aujourd’hui, nos relations avec l’État allemand ont pour base des rapports d’amitié, notre volonté de soutenir les aspirations de paix de l’Allemagne et en même temps notre désir de contribuer par tous les moyens au développement des relations économiques soviéto-allemandes à l’avantage réciproque des deux pays. »

Tout est une question de volonté

Poutine : « L’Union soviétique s’est affaiblie à la fin des années 1980 avant de s’effondrer complètement. Toute la suite des événements est aujourd’hui une bonne leçon pour nous ; elle a montré de manière convaincante que la paralysie du pouvoir et de la volonté est le premier pas vers une dégradation totale et une disparition complète. Il a suffi que nous perdions un temps notre confiance, et voilà le résultat, l’équilibre des forces dans le monde a été rompu. »

Hitler (1er septembre 1939) : « En tant que national-socialiste et soldat allemand, j’entame ce combat avec un cœur fort. Ma vie entière n’a rien été d’autre qu’un unique combat pour mon peuple, pour sa résurrection, pour l’Allemagne. Et ce combat a toujours été dominé par une profession de foi en ce peuple. Il y a un mot que je n’ai jamais appris, c’est le mot “capitulation”. […] Et je souhaite conclure en répétant les paroles que j’avais prononcées lorsque j’ai entamé la lutte pour le pouvoir au sein du Reich. J’ai dit à l’époque : “Si votre volonté est forte au point qu’aucune nécessité ne puisse l’influencer, alors notre volonté et notre puissance allemande domineront la nécessité !” »

Hitler (11 décembre 1941) : « Vous connaissez ma détermination inébranlable à mener à bien un combat une fois commencé. Vous connaissez ma détermination à ne me laisser décourager par rien dans cette lutte, à briser toute résistance qui doit être brisée. »

La réponse à une menace existentielle

Hitler (1er septembre 1939) : « Nous nous inscrivons tous dans le prolongement de cet ancien principe : il n’est pas important pour nous de vivre, pour autant que notre peuple vive, que l’Allemagne vive. »

Hitler (22 août 1939) : « Tout le monde devra se pénétrer de l’idée que nous sommes, dès le début, décidés à combattre les puissances de l’Ouest. C’est une lutte pour la vie ou la mort… Au premier plan, la destruction de la Pologne. Notre but est de supprimer des forces vivantes et non d’arriver à un certain point. Même si la guerre éclatait dans l’Ouest, notre but principal devrait être la destruction de la Pologne… Je donnerai une raison de propagande pour expliquer le déclenchement de la guerre. Qu’importe si elle est plausible ou non. On ne nous demandera pas, plus tard, lorsque nous aurons vaincu, si nous avons dit la vérité ou pas. Lorsqu’on déclenche ou qu’on poursuit une guerre, ce qui importe, ce n’est pas le droit, mais la victoire… »

Poutine : « Pour notre pays, c’est en fin de compte une question de vie ou de mort, la question de notre avenir historique en tant que Nation. Et ce n’est pas une exagération — c’est tout simplement comme ça. Il s’agit d’une menace réelle, non seulement pour nos intérêts, mais aussi pour l’existence même de notre État, pour sa souveraineté. »

Hitler (1er septembre 1939) : « Je veux éloigner des frontières allemandes l’élément de l’insécurité et l’atmosphère d’une éternelle situation de guerre civile. Je souhaite faire en sorte que la paix à l’est ne soit pas différente de celle que nous connaissons à nos autres frontières. »

Hitler (11 décembre 1941) : « De toute son histoire de près de deux mille ans, la nation allemande n’a jamais été aussi unie qu’aujourd’hui et, grâce au national-socialisme, elle restera unie à l’avenir. »

Et enfin : le mensonge impudent

Hitler (1er septembre 1939) : « Je l’ai proclamé solennellement, et je le répète : nous n’exigeons et n’exigerons rien de ces pays occidentaux. J’ai garanti que la frontière entre la France et l’Allemagne était définitive. J’ai proposé à plusieurs reprises une amitié à l’Angleterre et, si nécessaire, la plus étroite des collaborations. […] L’Allemagne n’a pas d’intérêts à l’ouest. Notre Westwall est pour toujours la frontière du Reich vers l’ouest. Nous n’avons pas d’ambitions sur ce point pour l’avenir. La situation du Reich ne changera plus. »

Poutine : « Nos plans n’incluent pas l’occupation de territoires ukrainiens. Nous n’avons pas l’intention d’imposer quoi que ce soit à qui que ce soit par la force. […] Notre politique est fondée sur la liberté, la liberté de choix pour chacun de déterminer son propre avenir et celui de ses enfants. Et nous pensons qu’il est important que tous les peuples vivant sur le territoire de l’Ukraine actuelle, tous ceux qui le souhaitent, puissent exercer ce droit — le droit de choisir. »

Hitler (1er septembre 1939) : « Je ne veux pas diriger le combat contre les femmes et les enfants. J’ai donné l’ordre à ma Luftwaffe de se limiter à des cibles militaires dans ses attaques. Mais si l’adversaire pense pouvoir en déduire qu’il peut de son côté lutter avec des méthodes opposées, alors il recevra une réponse qu’il n’oubliera pas de sitôt. »

Poutine : « Les événements d’aujourd’hui ne visent pas à porter atteinte aux intérêts de l’Ukraine et du peuple ukrainien. Il s’agit de protéger la Russie elle-même contre ceux qui ont pris l’Ukraine en otage et tentent de l’utiliser contre notre pays et son peuple. Encore une fois, nos actions relèvent de l’autodéfense contre les menaces que l’on fait peser sur nous. »

Études de lettres classiques, a séjourné 4 ans en URSS en 1973-8, agrégée de russe, enseigne l'histoire de l'URSS et les relations internationales à Paris Sorbonne.

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L’ampleur et l’atrocité de l’attentat de Krasnogorsk ont secoué le monde, en faisant ressurgir des images sanglantes d’autres...