Du Rassemblement national à Éric Ciotti : le parti de Poutine

Andréa Kotarac interviewé par un média de propagande russe en mars 2022 // Izvestia, capture d'écran

À la faveur des élections européennes, le Rassemblement national a tenté d’infléchir son tropisme pro-poutinien alors qu’à Bruxelles, ce sont ses élus, dont Jordan Bardella, qui ont le plus souvent émis des votes favorables à la Russie. À la veille de ces législatives cruciales pour la France, Vincent Laloy dénonce des cas de collusion entre l’extrême gauche et l’extrême droite et parle de quelques « aficionados » de Vladimir Poutine.

Commençons par rappeler qu’en février 2023, les députés européens du RN se sont abstenus ou ont voté contre une résolution condamnant les conditions de détention inhumaines d’Alexeï Navalny, lequel en est mort. Comme ils se sont abstenus lors de l’accord franco-ukrainien, le 12 mars dernier à l’Assemblée nationale, France insoumise et communistes — toujours alignés sur Moscou — se prononçant contre. Et le 9 juin, le RN n’en a pas moins placé en position éligible le sortant Thierry Mariani, inconditionnel aussi bien de Moscou que du sanguinaire dirigeant syrien el-Assad. Le RN n’a pas hésité à attribuer la 35e place à un autre russophile patenté, Andréa Kotarac, conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes.

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Thierry Mariani, Hervé Juvin et Andréa Kotarac reçus par Bachar al-Assad en août 2021 // Page Facebook de Mariani

Kotarac, de Mélenchon à Le Pen

Il a été peu évoqué le parcours de Kotarac qui, lui aussi, est un transfuge de la France dite « insoumise » mais plus que soumise à Moscou et à l’islamisme. En effet, il a singulièrement navigué de la gauche à l’autre rive, comme tant d’autres extrémistes de gauche passés au service de la droite extrême.

Fils d’un militant CGT, il a appartenu successivement au Parti socialiste, au Front de gauche et, lors des élections régionales de 2015, est apparu en tant que tête de liste Parti de gauche – Europe Écologie – les Verts. Il célèbre Mélenchon qui « a eu une place importante dans [son] parcours politique et [sa] conscience du monde »1. Aux législatives de 2017, il est candidat de la France insoumise dans le Rhône.

C’est le 18 avril 2019 qu’il rencontre en Crimée Mariani, flanqué de Marion Maréchal, au forum économique de Yalta ; il déclare n’être pas en phase avec eux sur de nombreux sujets, sauf « sur la défense de la souveraineté nationale et sur la nécessité de s’allier à la Russie »2, ajoutant qu’une « partie de la gauche française ne considère pas la Russie en ennemi. Bien au contraire ».

Aux européennes de 2019, il appelle à voter « pour la seule liste souverainiste, qui met en avant l’indépendance de la France et qui est la mieux à même de faire barrage à Macron »3.

L’année suivante, Kotarac rendait hommage à « [son] ami Thierry Mariani » et à Mélenchon, « qui m’avait attiré parce que je voyais en lui le seul homme de gauche — mis à part Jean-Pierre Chevènement — qui était patriote, qui voulait une sortie de l’OTAN »4. L’hommage de Mélenchon est réciproque : « Quand je vois des jeunes, comme Elliott Aubin5 et Andréa Kotarac, prêts à prendre le flambeau, je me dis que la France insoumise a réussi. Je me dis que le fil rouge n’est pas près d’être rompu »6.

Trois fois de suite, en 2018, 2019 et 2021, Kotarac est reçu en Syrie, en compagnie de Mariani, Nicolas Bay et Virginie Joron ; à deux reprises (bien davantage pour Mariani), ils sont accueillis par el-Assad, coupable d’avoir, avec le concours de l’aviation russe, tué quelque 500 000 civils Syriens, un détail…

Thierry Mariani au repas de fin de carême à Moscou avec le patriarche Kirill, le député russe Leonid Sloutski et le patron des chemins de fer Vladimir Iakounine, en avril 2015 // Page Facebook de Mariani

Ciotti, admirateur de Chevènement et pour la sortie l’OTAN

À une question du Point du 28 octobre 2021 au sujet de l’homme de gauche qu’il admire le plus, Eric Ciotti répond : Chevènement, « pour sa droiture intellectuelle et son patriotisme républicain ».

Ce fidèle soutien de Fillon, autre russophile patenté, estime, peu avant la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine, que « l’OTAN a été créée dans le contexte de la guerre froide contre un ennemi qui n’existe plus. Par des réflexes pavloviens datés, elle prend la Russie qui n’est plus l’URSS pour ennemie alors que ce n’est plus le cas »7. On a bien lu : la Russie est devenue une sorte d’amie, pacifique ou presque, oubliés l’annexion de la Crimée de 2014 et le reste…

En octobre 2021, Ciotti publie un livre blanc proposant de rétablir des liens avec Moscou car il convient de « sortir de la spirale de la décennie du déclin dans les relations franco-russes, initiée par Hollande et perpétuée par Macron. Les Européens suivent aujourd’hui de façon trop manichéenne le sillage de la politique américaine. Renouons avec la maxime du général [de Gaulle] : “Pour la Russie et la France, être ensemble veut dire être forts. Être séparés veut dire être en danger”. »

Il se prononce carrément pour la sortie du commandement intégré de l’OTAN, tels les Mélenchon — Le Pen, préconise de supprimer les sanctions financières, lever les embargos ainsi que relancer un partenariat économique et culturel avec la Russie8. Comment s’en étonner pour ce partisan de l’Europe des nations et admirateur de Philippe Séguin, qu’il a suivi dans son vote contre Maastricht9 ? Mais, pour insister, à quelques mois de la guerre contre l’Ukraine, ces propositions ne relèvent-elles pas de l’inacceptable comme d’une coupable inconscience ?

Auteur, membre du comité de rédaction de Commentaire, ancien fonctionnaire et élu local.

Notes

  1. Le Figaro, 20 janvier 2021.
  2. M le magazine du Monde, 23 avril 2022.
  3. L’Obs, 15 mai 2019.
  4. L’Incorrect, septembre 2020.
  5. Militant de la France insoumise.
  6. Franceinfo, 15 mai 2019.
  7. Le Figaro Magazine, 1er octobre 2021.
  8. Valeurs actuelles, 14 novembre 2021.
  9. Le Figaro, 26 novembre 2021.
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