Une habitante de Kherson : « Nous avons peur »

Kherson, le 2 mars 2022. Photo : Херсон и окрестности

Lioudmila et ses deux petits-fils âgés de 13 et 5 ans sont tapis depuis plusieurs jours chez elle, à Kherson, ville ukrainienne portuaire de 300 000 habitants, sur la mer Noire, près de la Crimée. Après des combats acharnés, Kherson est tombée aux mains de l’armée russe le 3 mars. Cela ne signifie en rien que le calvaire de ses habitants a pris fin. Cet entretien a été réalisé le 1er mars 2022.

Propos recueillis par Natalia Kanevsky

Que se passe-t-il à Kherson en ce moment ?

Un convoi de chars est arrivé à Kherson, et un autre se dirige vers Mykolaïv. Les soldats russes pillent des magasins. Ils cherchent également de l’essence et du diesel. Nous sommes tous terrés dans nos maisons. Des bus sont arrivés pour nous emmener.

Les autorités locales ont-elles pris l’initiative de vous évacuer ?

Non, non, il s’agit des Russes.

Veulent-ils évacuer la population vers la Russie ?

Ils veulent se servir de nous comme boucliers humains. Ils tirent sur des maternités, ils tirent sur des habitants dans les maisons.

Avez-vous un abri où vous cacher pendant les bombardements ?

Nous n’avons aucun endroit où nous cacher. Certaines maisons ont une cave, mais pas la nôtre. Nous restons donc enfermés chez nous. Et eux, ils font ce qu’ils veulent. Ils tuent des gens dans la rue. Ils les mettent à genoux et ils les tuent.

Avez-vous vu ces actes vous-même ?

Nous avons vu les vidéos que des habitants ont filmées depuis leurs balcons et qu’ils nous ont envoyées. Ces assassins portent des uniformes russes.

Que font les autorités locales ?

Je n’en ai aucune idée. Elles sont probablement enfermées dans leurs bunkers. Nous, on voit des chars roulant dans les rues.

La télévision fonctionne-t-elle toujours ?

Oui, et nous avons encore l’électricité, l’eau courante, ainsi que le gaz.

Et la nourriture ?

La nourriture, on n’en a plus. Tout est fermé ici. Il nous reste des céréales, des pommes de terre et de l’huile, c’est tout. Nous n’avions pas stocké de provisions, car personne ne pensait que pareils événements puissent se produire dans notre ville.

Quelles consignes les autorités ukrainiennes donnent-elles à la télévision ?

On nous dit de rester calmes. Nous sommes calmes. Nous avalons des cachets et nous nous calmons.

Entendez-vous des tirs en ce moment ?

En ce moment, c’est calme chez nous. Il y a des tirs et des explosions dans les bourgs à proximité. Sniguiriovka, Zelenivka ont été bombardés. Là-bas, des maisons ont été endommagées. Nous avons peur.

Née à Sébastopol, elle a construit sa carrière en Israël et en France, en tant que journaliste et traductrice. Installée en France depuis 2013, elle était la correspondante de Radio Free Europe / Radio Liberty à Paris. Elle est à présent la correspondante en France de la radio publique d’Israël, ainsi que traductrice et interprète assermentée près la Cour d'Appel d'Amiens.

Quitter la version mobile