« L’enfer avec tous ses démons »

Le SIZO-2 de Taganrog // f-atlas.ru

Depuis plus de deux ans et demi, le SIZO-2 de Taganrog, centre de détention provisoire qui, avant la guerre, accueillait des adolescents en détention ainsi que des femmes avec enfants, sert de centre d’internement pour les prisonniers ukrainiens. Ceux qui y ont été détenus témoignent de conditions inhumaines : dès les premiers jours, les gardiens les ont battus et torturés, souvent après les avoir suspendus la tête en bas. Mediazona raconte comment un simple centre de détention russe a été transformé, en pleine guerre, en camp de torture.

« La torture s’est déroulée comme suit. Mes yeux, mes mains et mes pieds ont été attachés avec du ruban adhésif. Ils m’ont suspendu la tête en bas par les pieds, ont enroulé des fils dénudés autour de mes doigts et m’ont connecté à un courant électrique avec un intervalle de temps de 5 à 7 secondes, a déclaré l’officier militaire ukrainien Oleksandr Maksymtchouk lors d’une audience au tribunal du district sud de Rostov-sur-le-Don. Après l’arrêt du courant, ils m’ont mis ce que je suppose être un sac à vide sur la tête et m’ont amené dans un état proche de l’asphyxie, tout en me frappant à coups de poing dans l’abdomen et les côtes. » Cela s’est passé le 11 septembre 2024.

Les gardiens qui ont battu cet Ukrainien de 30 ans ont exigé qu’il plaide coupable devant le tribunal pour participation à un groupe terroriste et entraînement à des activités terroristes. La partie russe a porté ces accusations contre Oleksandr parce qu’il a servi dans l’unité spéciale Azov, qui est reconnue comme une organisation terroriste en Russie.

En tant que membre du détachement, le sergent junior Maksymtchouk a défendu Azovstal à Marioupol. En mai 2022, il a quitté avec d’autres militaires ukrainiens l’usine assiégée par les forces russes. Au fil du temps, des poursuites pénales au titre d’articles antiterroristes ont commencé à être engagées contre des Ukrainiens du régiment Azov qui avaient été capturés – or parmi eux se trouvaient non seulement des militaires, mais aussi des cuisiniers et des ouvriers. De nombreux Ukrainiens, comme Maksymtchouk, attendaient leur procès dans le centre de détention provisoire de Taganrog.

Après le déclenchement de la guerre, ce centre de détention a été transformé en camp pour prisonniers de guerre. Très vite, il a acquis une réputation de centre de torture, où la violence à l’encontre des Ukrainiens est devenue une pratique quotidienne. Les prisonniers qui y ont séjourné ont déclaré qu’ils étaient constamment battus et torturés à l’électricité.

Oleksandr Maksymtchouk est l’une des rares personnes à s’être exprimée publiquement, pendant sa détention, sur les conditions insupportables du SIZO-2, et à avoir contesté les accusations portées contre lui. Début décembre 2024, il a été condamné à 20 ans de prison.

« En fait, je n’ai pas grand-chose à perdre, a déclaré Maksymtchouk au correspondant de Mediazona après le verdict. Je suis en prison depuis plus de deux ans et demi, je m’y suis tellement habitué que je ne peux même pas imaginer ce que c’est que d’être un homme libre, de marcher dans la rue. »

Contrairement à l’intraitable Maksymtchouk, les autres prisonniers ukrainiens acceptent généralement de reconnaître leur culpabilité afin d’adoucir l’attitude des gardiens. Ils espèrent être condamnés le plus rapidement possible par un tribunal russe et figurer sur les listes d’échanges de prisonniers de guerre.

Ceux qui ont la chance d’être détenus dans d’autres centres de détention provisoire où les conditions sont plus clémentes sont généralement menacés de transfert à Taganrog s’ils refusent de coopérer à l’enquête. Le centre d’isolement de cette ville est devenu un symbole de peur, d’impuissance et d’humiliation pour les Ukrainiens. Selon l’avocate Irina Soboleva, qui défend les anciens combattants d’Azov, « nos accusés ont entendu parler de Taganrog par leurs compagnons de cellule et sont prêts à tout pour éviter de s’y retrouver ».

Comment le centre de détention provisoire pour adolescents s’est transformé en camp pour prisonniers de guerre ukrainiens

Avant l’arrivée des soldats ukrainiens capturés, le centre de détention de Taganrog accueillait des mineurs, des femmes et des mères avec enfants. Pour faire de la place aux Ukrainiens capturés, près de 400 prisonniers russes faisant l’objet d’une enquête ont été retirés du SIZO-2 et répartis dans d’autres centres d’isolement, a déclaré Igor Omeltchenko, chef de la commission d’observation pour les droits de l’Homme en milieu carcéral de la région de Rostov.

À la fin du mois de mai 2022, environ 2 500 soldats ukrainiens qui défendaient Azovstal s’étaient rendus. Tous ont été peu à peu dispersés dans des centres de détention provisoire russes de différentes régions.

« Ces lieux sont nombreux, et je ne les connais pas tous, loin s’en faut. Il y en avait un dans la région de Koursk, mais je n’ai rencontré personne [parmi les prisonniers ukrainiens] de cette région. Dans la région de Kostroma, l’un de mes accusés a été emprisonné pendant un an et demi. Les régions de Riazan et de Belgorod ont ce genre de centres, mais cette liste n’est pas exhaustive », a expliqué à Mediazona Marina Garbouz, une autre avocate qui défend les Ukrainiens capturés. Selon les défenseurs des droits de l’Homme, en 2024, les Ukrainiens capturés ont été répartis dans une trentaine de centres de détention provisoire dans différentes régions de Russie : régions frontalières avec l’Ukraine, région de Moscou, région d’Ivanovo, à Irkoutsk et sur le territoire de Krasnoïarsk.

À partir de l’été, les centres de détention provisoire de Rostov ont manqué de place. Dès le début, des Ukrainiens ont été envoyés dans des prisons russes en contournant toute procédure légale, comme ce fut le cas pour Dmytro Lisovets, habitant de Marioupol. En avril 2022, il a tenté de quitter Marioupol, encerclée par les troupes russes, avec sa tante, mais n’a pas pu passer le filtrage dans la région de Rostov. Interrogé, Lisovets n’a pas caché qu’il avait servi dans l’armée des volontaires ukrainiens, puis sous contrat dans les forces armées de l’Ukraine. Il se dit ouvertement patriote de l’Ukraine, mais affirme ne pas avoir participé aux opérations de combat lors de l’invasion russe.

Jusqu’à la mi-juin, il a été maintenu dans le centre de détention provisoire de Taganrog sans aucun statut procédural, a déclaré son avocat Grigori Krechtchenetski à Mediazona. Ce n’est que plus tard qu’il a été inculpé de terrorisme, d’extrémisme et de participation à une formation armée illégale. En décembre 2023, Lisovets a été condamné à 16 ans de prison.

L’histoire de Dmytro Lisovets a été l’un des premiers témoignages publics montrant que le centre de détention provisoire de Taganrog avait été transformé en camp de prisonniers de guerre pour les Ukrainiens, où ils sont régulièrement torturés. « Dans ce centre de détention provisoire, les Ukrainiens ne sont pas du tout traités conformément au droit. Les gardiens font irruption dans la cellule, masqués, et frappent tout le monde sans distinction », a déclaré l’avocat Krechtchenetski.

Les premiers citoyens ukrainiens ont été amenés au centre de détention provisoire de Taganrog en mai 2022 ; il a été rapporté qu’il y avait 89 personnes dans le premier lot. L’accès au centre de détention pour les avocats et les défenseurs des droits de l’Homme a été immédiatement fermé. Un avocat de la défense ne pouvait entrer dans le SIZO-2 avec l’enquêteur que si, par exemple, ce dernier devait procéder à un autre interrogatoire. Toute possibilité de voir et de parler à son client en privé était exclue, explique à Mediazona Egor Iline, un avocat de Rostov-sur-le-Don, qui défend un Ukrainien toujours détenu à Taganrog.

Les Ukrainiens, mais aussi les Russes, sont détenus dans le même centre d’isolement. Au cours de l’été 2024, les accusés dans l’affaire de la prise d’otages à Rostov SIZO-1 ont été transférés à Taganrog. Selon des proches, dès les premiers jours, les détenus ont commencé à être torturés et, en plus des violences physiques, il a été interdit aux prisonniers musulmans de prier et de « prononcer à haute voix toute parole liée à l’islam ». Memorial note que les accusés n’ont pas été autorisés à voir leurs avocats pendant des mois.

L’avocat Egor Iline, qui représentait un citoyen ukrainien, a réussi une fois à obtenir le droit de rencontrer son client au centre de détention provisoire de Taganrog mais, le jour de la visite, l’employé du centre de détention a sorti un morceau de papier sur lequel l’Ukrainien avait écrit qu’il ne voulait pas parler. Comme l’ont expliqué les avocats interrogés par Mediazona, de telles notes sont rédigées sous la pression des gardiens pour couper les prisonniers de tout contact avec le monde extérieur.

Le département régional du service pénitentiaire fédéral n’a pas commenté les informations concernant la torture et la transformation du centre de détention de Taganrog en camp pour prisonniers de guerre pendant deux ans. Le lieutenant-colonel Alexandre Chtoda, qui dirige le centre de détention provisoire, a refusé de parler au correspondant de Mediazona. Les représentants de la commission d’observation locale n’ont pu se rendre pour la première fois dans le centre de détention provisoire qu’à l’automne 2024, alors que la plupart des Ukrainiens capturés avaient déjà été transférés dans d’autres centres de détention de la région de Rostov, afin qu’ils puissent participer aux audiences du tribunal. Il leur a finalement été possible d’accéder aux accusés, mais pas à ceux qui se trouvent toujours à Taganrog – eux sont toujours coupés de tout contact.

« Les avocats ont appris l’existence de Taganrog au début de l’année 2024, lorsque des prisonniers de guerre ont commencé à être transférés de cette ville vers les centres de détention provisoire de Rostov, où ils ont reçu le statut d’accusés et ont été jugés par le tribunal militaire du district sud, explique l’avocate Marina Garbouz. La plupart d’entre eux ont préféré ne rien dire au tribunal et ne pas reconnaître leur culpabilité, mais ils ont raconté à leurs avocats ce qu’ils avaient subi à Taganrog. Il ne s’agit pas de témoignages excessifs, mais bien d’une violence d’une ampleur inimaginable. De nombreuses histoires étaient si horribles qu’il était difficile d’y croire, mais des collègues ont ensuite entendu la même chose de la part d’autres prisonniers de Taganrog. »

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Le SIZO-2 de Taganrog // Service de presse de l’administration pénitentiaire de l’oblast de Rostov

Comment les prisonniers Ukrainiens survivent dans ces centres de détention provisoire

Depuis le milieu de l’année 2022, de plus en plus d’Ukrainiens sont détenus dans le centre de détention provisoire de Taganrog. Selon des résidents locaux, des gardiens en tenue de camouflage militaire et des camions transportant des prisonniers ukrainiens ont souvent été aperçus aux portes du centre de détention. Dès les premières minutes, les gardiens les battaient.

« Les mains liées et les yeux bandés, nous avons été jetés à l’arrière de camions KamAZ et, sous une pluie de coups, nous avons été alignés près d’un mur, où ils ont continué à nous frapper avec les mains, les pieds, des bâtons et des tasers », a écrit Mykola Kravtchouk, un soldat du bataillon Azov, à ses avocats. Si une personne perdait connaissance, elle était ramenée à la conscience avec de l’alcool ammoniacal, après quoi on continuait à la frapper. »

C’est ce qu’on appelait « l’accueil », a expliqué Mykola Kravtchouk. L’ancien prisonnier de guerre Artem Serednyak, également membre de l’unité Azov, a décrit « l’accueil » de manière similaire dans une interview accordée à la BBC. Selon lui, les prisonniers étaient battus non seulement avec des matraques, mais aussi avec des barres métalliques. « Bonjour, les gars ! Savez-vous où vous êtes arrivés ? Vous allez pourrir ici jusqu’à la fin de vos jours ! » a déclaré un officier russe qui accueillait les prisonniers de guerre.

Les prisonniers étaient ensuite conduits dans l’un des bureaux et étendus sur le sol, se souvient Mykola Kravtchouk. Allongé dans cette position, il devait réciter ses « données personnelles ». Ensuite, les Ukrainiens étaient déshabillés et envoyés à la douche, puis ils subissaient un test ADN et la prise d’empreintes digitales et étaient photographiés pour leur dossier. Après quoi, ils recevaient des sous-vêtements, un uniforme, une serviette et une tasse et étaient placés dans des cellules, souvent surpeuplées.

Selon M. Kravtchouk, les prisonniers étaient réveillés tous les jours à six heures du matin. Ils devaient d’abord nettoyer leurs cellules et, après le petit-déjeuner, les Ukrainiens étaient soumis à « l’enquête », qui s’accompagnait souvent de coups et de mauvais traitements. Les Ukrainiens étaient interrogés toute la journée, avec une heure de pause pour le déjeuner.

« L’attitude envers nous en captivité dépendait de la personne qui était de service dans la prison. Il y avait des gardiens qui battaient tous les prisonniers, a déclaré Youri Houltchouk à la BBC. D’autres gardiens faisaient sortir tout le monde de la cellule dans le couloir et demandaient qui avait plus de 50 ans, était malade ou blessé. Ces personnes étaient mises à l’écart des autres et n’étaient pas battues. Je considère qu’il s’agit là d’une manifestation d’une certaine humanité. »

Les « contrôles » et les interrogatoires « dans les bureaux », comme les appelle Kravtchouk dans sa lettre, étaient particulièrement cruels. Les « contrôles » consistaient en la visite des cellules par une équipe des forces spéciales. Les Ukrainiens, les yeux bandés, étaient placés contre le mur, on leur demandait d’écarter au maximum les jambes, puis on les frappait à coups de matraque. « Si je signalais ma blessure pendant la torture, ils commençaient à me frapper exclusivement sur la zone blessée », raconte Kravtchouk.

Selon Mykola Kravchouk, des agents du FSB ont participé aux interrogatoires. Il affirme avoir été attaché avec une ceinture de cuir et « enroulé dans un cocon », puis couché sur le sol, avec un sac de sable placé sur sa poitrine pour l’empêcher de respirer. Il était ensuite battu avec une matraque en caoutchouc et torturé avec un pistolet paralysant. Mykola Kravtchouk affirme que les « bureaux » ont travaillé dur de l’automne 2022 à mai 2023. Au cours de ces « procédures », ils ont reçu des aveux de « crimes de guerre », note-t-il dans sa lettre.

Kravtchouk a fini par passer près de deux ans dans le centre de détention provisoire de Taganrog. Ce n’est qu’en août 2024 qu’il a été transféré dans l’un des centres de détention provisoire de Rostov. C’est là qu’il a pu remettre à ses avocats la lettre dans laquelle il décrivait son expérience de captivité. Il a déclaré que même lors de courtes promenades à l’air libre, les prisonniers de guerre étaient battus. Ces promenades étaient autorisées une fois par semaine et consistaient en un jogging entre le bâtiment du SIZO et la cour d’exercice. Au bout de deux ou trois minutes, les prisonniers de guerre étaient ramenés dans leur cellule. « À chaque tournant du parcours, des gardiens nous frappaient avec des bâtons », se souvient Mykola Kravtchouk.

L’officier militaire ukrainien Artem Serednyak a eu un peu plus de chance. Il a passé moins d’un an à Taganrog, de septembre 2022 à l’été 2023. Pendant cette période, il a perdu du poids, passant de 82 à 60 kilogrammes, en raison du régime alimentaire du camp. « Ils étaient nourris une fois par jour, avec un bouillon de choux et des quartiers de pain noir ou blanc », a déclaré l’avocate Madina Iskhakova, qui défendait l’un des captifs ukrainiens.

Mykola Kravtchouk, par exemple, a écrit que le « repas » était placé dans une tasse en aluminium. D’autres avocats défendant des Ukrainiens interrogés par Mediazona racontent également que les captifs ont été « affamés ». « Il n’y avait que de l’eau en guise de soupe, pas de viande, pas de légumes, rien. Et les captifs ne recevaient pas de colis, explique Irina Soboleva. Des parents, des avocats et probablement des volontaires ont également essayé de leur envoyer de l’argent, mais les Ukrainiens n’ont rien reçu. On ne sait pas très bien où est passé l’argent. »

Des civils ukrainiens dans le centre de détention provisoire de Taganrog

Les centres de détention provisoire russes accueillent non seulement des militaires ukrainiens capturés lors des combats, mais aussi des civils. Les autorités ukrainiennes affirment que la Russie pourrait détenir en captivité environ 28 000 civils enlevés dans les territoires occupés. Dans le même temps, les organisations indépendantes de défense des droits de l’Homme qui étudient la situation des arrestations d’Ukrainiens n’osent pas citer de chiffres précis, estimant qu’ « aucune statistique n’est fiable ».

Les civils sont capturés par les Russes pour diverses raisons. Comme l’explique Anastasia Panteleïeva, de la Media Initiative for Human Rights, des personnes peuvent, par exemple, être kidnappées et isolées pour avoir aidé l’armée ukrainienne. Il suffit d’un léger soupçon pour être détenu.

En gros, les Ukrainiens sont arrêtés pour « opposition à l’opération militaire spéciale ». « Il s’agit de personnes qui, pour une raison ou une autre, ont été faites prisonnières parce qu’elles ne semblaient pas fiables. Ils ne sont accusés de rien et nous n’avons pas accès à eux », déclare Marina Garbouz.

C’est également l’avis de l’avocat Leonid Soloviev, selon lequel les militaires russes « ont simplement rassemblé tous ceux qui leur semblaient suspects ». Mais libérer un civil, ce serait admettre leur erreur et reconnaître que la personne a été retenue en captivité sans raison, estime l’avocat.

Ainsi, les militaires et les services spéciaux russes considéraient comme « suspecte » la journaliste Viktoria Rochtchina, disparue dans les territoires occupés à l’été 2023. Ce n’était pas la première fois que la journaliste était détenue. En mars 2022, elle avait déjà été détenue par les Russes, mais elle avait été libérée assez rapidement.

Lors de son voyage suivant, Rochtchina a recueilli des faits pour des articles sur les conséquences de la destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, ainsi que sur la situation à la centrale nucléaire de Zaporijjia qui était occupée. La journaliste est apparemment entrée dans les régions occupées par le côté russe. Le dernier contact avec elle a eu lieu le 22 août à Berdiansk, où elle a dit à son interlocuteur qu’elle avait l’intention de se rendre à Melitopol. Neuf mois plus tard, le ministère russe de la Défense a confirmé que Viktoria avait été arrêtée. Le ministère n’a pas révélé de quoi exactement elle était accusée. Les défenseurs ukrainiens des droits de l’Homme ont indiqué qu’elle s’était retrouvée au centre de torture de Taganrog et qu’elle y avait passé près d’un an.

Viktoria Rochtchina n’a pas survécu à sa seconde captivité : sa mort a été connue en octobre 2024. Il est probable qu’elle soit décédée au cours du transfert entre Taganrog et Moscou. Le corps de la journaliste se trouve toujours en Russie.

Viktoria Rochtchina. Photo de sa page Facebook

Hryhoriy Sinchenko, 33 ans, est un autre civil détenu dans le centre de détention provisoire de Taganrog. Il est accusé d’espionnage, de sabotage et d’attentat à la vie des forces de l’ordre de Donetsk. Il a été arrêté pour la première fois dans la république populaire autoproclamée de Donetsk (DNR) en 2016, puis libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers avec l’Ukraine. Quelques années plus tard, il est retourné dans la DNR, où il a été de nouveau arrêté et accusé d’avoir organisé une série d’explosions pour protester contre les violences organisées par les forces de sécurité locales à l’encontre des habitants. Peu après son arrestation, Sinchenko a réussi à s’échapper mais, un mois plus tard, il a été rattrapé et envoyé en Russie, au centre de détention provisoire de Taganrog. Sa mère a déclaré que son fils, un homme handicapé souffrant de nombreux problèmes de santé, avait été torturé et privé de soins médicaux.

La Russie ne répond pas aux accusations de torture systématique des Ukrainiens

En octobre 2024, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a publié un rapport accusant la Russie de torturer systématiquement les prisonniers ukrainiens. Le rapport indique que les Ukrainiens détenus dans les prisons russes sont battus, électrocutés, privés de sommeil et maintenus dans des positions inconfortables pendant des heures. « Les prisonniers ne sont pas autorisés à s’allonger ou à s’asseoir pendant la journée. Ils doivent marcher ou rester debout », a déclaré l’avocate Madina Iskhakova.

Le rapport fait également état de violences sexuelles à l’encontre des prisonniers. Cela est confirmé par les avocats, qui ont connaissance de cas où des Ukrainiens ont été violés à l’aide d’un bâton en caoutchouc et d’autres objets introduits dans l’anus. Dans l’une de ces lettres, un prisonnier ukrainien qualifie le SIZO-2 d’« enfer avec tous ses démons ». Selon lui, la définition de « camp de concentration » serait trop douce pour le SIZO-2.

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la torture, Alice Gill Edwards, a également parlé de la pratique systématique et approuvée par la Russie de la violence à l’encontre des prisonniers de guerre ukrainiens en septembre 2023. Au cours de l’été 2024, Vladimir Poutine a indiqué que 6 465 militaires ukrainiens étaient en captivité en Russie. L’organisation non gouvernementale ukrainienne Media Initiative for Human Rights a estimé qu’au printemps dernier, il pourrait y avoir plus de 10 000 militaires ukrainiens en captivité en Russie.

Les autorités russes n’ont réagi en aucune manière aux rapports des Nations Unies et des défenseurs des droits de l’Homme, alors que de plus en plus de personnes parlent des conditions de torture. Ce même Oleksandr Maksymtchouk, qui a refusé d’admettre sa culpabilité et a parlé ouvertement de la torture, a exigé que le tribunal procède au moins à une inspection du centre de détention provisoire où il a été traité de manière inhumaine pendant plus de deux ans. « Un environnement de terreur et d’horreur a été artificiellement créé contre moi, dans le but de me forcer à accomplir des actes contraires à mes intérêts et illégaux », a déclaré l’Ukrainien dans sa dernière déclaration au tribunal.

Traduit du russe et édité par Desk Russie

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Mediazona est un média en ligne indépendant russe, fondé en 2014 par les membres du groupe Pussy Riot Maria Alekhina, Nadejda Tolokonnikova et Piotr Verzilov, en collaboration avec le journaliste Sergueï Smirnov.

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