Anna Politkovskaïa, une douleur qui ne passe pas

Photo : Novaïa Gazeta

Le 7 octobre 2006, Anna Politkovskaïa, une journaliste qui avait été la première — dès 2001 — à parler d’une fascisation de la Russie, fut abattue froidement par un tueur à gages. Cet assassinat eut lieu après une série de tentatives d’éliminer cette femme intrépide, dont un empoisonnement qui l’avait plongée dans le coma. 

À l’époque, on était surtout fasciné par l’audace d’Anna qui, malgré des menaces pesant sur elle, a refusé de quitter la Russie. Aujourd’hui, avec du recul, on est surtout frappé par son esprit critique, par sa lucidité et sa perspicacité. Elle a percé à jour le système Poutine et compris comment ce système corrompt les élites gouvernantes et intellectuelles. C’est cela qui lui a coûté la vie.

Anna va rester pour l’éternité âgée de 48 ans, alors que l’homme qu’elle abhorrait, Vladimir Poutine, prend de l’âge. Le jour de son assassinat, lui fête son anniversaire : à 71 ans, tout en menant une guerre d’agression meurtrière contre l’Ukraine, ce génocidaire va se représenter une cinquième fois à la présidence, malgré le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

Plus que jamais, les textes saisissants d’Anna méritent notre attention. Tous ses livres ont été publiés en France, ainsi qu’un recueil d’hommages. Ses reportages de la Tchétchénie décrivent une guerre qui a été la matrice de toutes les guerres de la Russie poutinienne à venir : la barbarie, la cruauté, la torture, la destruction, les meurtres délibérés de civils, la subversion et la corruption des élites locales. Ses descriptions du pouvoir poutinien frappent par leur exactitude : une intuition de dissidente lui a permis de voir les germes du potentiel terrifiant du régime. Son regard sur l’opposition russe, divisée et incapable d’élaborer une plate-forme commune, sont hélas toujours d’actualité. 

Desk Russie a rendu hommage à Anna et a placé sur sa chaîne YouTube le meilleur film réalisé sur Anna, Goût amer de la liberté, de Marina Goldovskaya, sous-titré en français, qui retrace son itinéraire depuis la perestroïka jusqu’à sa mort. 

Pour ceux qui l’ont connue, le meurtre d’Anna est une douleur qui ne passe pas. 

Née à Moscou, elle vit en France depuis 1984. Après 25 ans de travail à RFI, elle s’adonne désormais à l’écriture. Ses derniers ouvrages : Le Régiment immortel. La Guerre sacrée de Poutine, Premier Parallèle 2019 ; Traverser Tchernobyl, Premier Parallèle, 2016.

Quitter la version mobile