« Un symbole de la résistance de l’Homme face à la violence »

Alexandre Skobov au tribunal où il refuse de participer aux audiences. « Je ne reconnais pas et ne respecte pas votre tribunal. Il ne sert pas la justice, mais la dictature nazie de Poutine — un meurtrier, un scélérat, un tyran. Mort à Poutine ! Mort aux envahisseurs russo-fascistes ! Gloire à l'Ukraine ! » // SOTAvision

Alexandre Skobov, 66 ans, est un ancien prisonnier politique soviétique qui s’est ouvertement opposé à l’invasion russe de l’Ukraine. Condamnant la guerre impérialiste russe, Skobov s’est notamment prononcé en faveur de la destruction du pont de Crimée, de la flotte de la mer Noire et des aérodromes militaires. Le 3 avril 2024, il a été arrêté à Saint-Pétersbourg et accusé de « justification publique du terrorisme ». Il est emprisonné à Syktyvkar (république des Komis), en attente de son procès. Il encourt jusqu’à 7 ans de prison. Desk Russie publie un large extrait de sa lettre à sa femme Olga Chtcheglova, dans lequel il explique pourquoi il a refusé de partir à l’étranger. 

Chère Olia,

[…] Je veux expliquer une fois de plus pourquoi j’ai dit non aux nombreuses personnes qui me sont proches et qui me pressaient de saisir l’occasion de partir.

J’appartiens à la génération des dissidents soviétiques, des politzek (prisonniers politiques). Bien que peu nombreuse, elle est devenue un phénomène historique significatif. Elle est devenue un symbole de la résistance de l’Homme face à la violence. Elle a influencé l’agenda international.

Et même si j’ai toujours été un « mouton noir » dans cette génération en raison de mon passé « rouge », en faire partie est la chose la plus importante de ma vie. Elle était composée de différentes personnes, bonnes et moins bonnes, fortes et faibles. Elle avait son « envers du décor », comme dans tout groupe d’opposition à toutes les époques. Mais son visage était celui de personnalités exceptionnelles, devenues des modèles de force d’esprit et de moralité.

Elles ont presque toutes déjà quitté ce monde. Nous étions peu nombreux et il ne reste plus que quelques-uns d’entre nous aujourd’hui. Notre génération occupe une place historique pour des raisons tout à fait naturelles. Et face au nouveau drame historique en cours, elle s’est retrouvée complètement en marge.

Longtemps, on ne nous a pas dérangés. On se disait : ils mourront d’eux-mêmes. Ou ils partiront et vivront des intérêts du capital politique et moral acquis autrefois (tout à fait mérité). Le coup est tombé sur d’autres personnes, en majorité beaucoup plus jeunes.

Je suis sceptique quant aux phrases pompeuses sur la transmission des traditions et de l’expérience. Ce mécanisme a toujours très mal fonctionné en réalité. Chaque nouvelle génération préfère faire ses propres erreurs. Mais je veux que ces jeunes gens, qui prennent les coups, le sachent : les derniers dissidents soviétiques se sont tenus à leurs côtés, étaient avec eux, ont partagé leur chemin.

Je ne sais pas quelle utilité pratique cela aura du point de vue des enjeux tactiques et stratégiques du moment. Je veux simplement que quelqu’un en retire un peu de chaleur. Je veux que ma génération termine son histoire ainsi.

21 juillet 2024.

Traduit du russe par Desk Russie. Version originale

À lire également : Alexandre Skobov : « L’essence impériale de l’État russe doit disparaître » • Desk Russie

Ancien dissident et prisonnier politique soviétique. Après sa libération en 1987, il a enseigné l’histoire à l’école et participé aux activités de diverses associations d'opposition. Homme de gauche, il est un blogueur influent et chroniqueur régulier pour les sites grani.ru et kasparov.ru.

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