Appel aux amis israéliens

Les roquettes russes tirées sur le site de Babi Yar et l’apparition instantanée, dans les médias russes, d’informations décrivant un « crime ukrainien » sont révélatrices d’une propagande du Kremlin qui semble avoir été préparée spécifiquement pour l’opinion en Israël et en direction des communautés juives à travers le monde. Dans ce texte, Ioulia Smilianskaïa, directrice de l’Institut d’études juives à Kyïv (Institut Judaica, académie Mohyla), lance un appel à résister contre la déformation totale des faits.

Chers amis israéliens ! À tous ceux qui ont appelé, écrit, proposé leur aide et simplement pensé à nous pendant ces jours terribles. Votre aide est nécessaire maintenant !

La guerre que la Russie mène sur le sol ukrainien se poursuit. Des lance-roquettes multiples frappent Kharkiv, des missiles volent vers Kyïv, les combats continuent partout. Des chars roulent sur les routes ukrainiennes. Des gens meurent.

Dans le même temps, la Russie s’est instantanément lancée dans un jeu de propagande et de provocation sordide, bien connu depuis l’époque de Staline et de Goebbels. Ni sa méthode ni ses objectifs n’ont changé. Les occupants commettent des crimes — bombardement de quartiers civils, de jardins d’enfants et d’hôpitaux, de véhicules (voitures et bus). La propagande russe attribue immédiatement tous ces crimes à de mythiques « nazis ukrainiens » qui n’existent que dans l’imagination malade de Poutine et des Russes.

Les roquettes tirées sur Babi Yar [lieu de mémoire de l’Holocauste, où plus de 30 000 Juifs ont été exécutés par un Einsatzgruppe en septembre 1941, NDLR] et l’apparition instantanée, dans les médias russes, d’informations sur ce « crime ukrainien » sont révélatrices de la propagande russe délibérée, préparée spécifiquement pour Israël et les communautés juives du monde entier.

En rapport avec tout ce qui précède, je vous demande instamment de traduire les messages suivants en hébreu, en yiddish, en anglais et dans d’autres langues, et de les diffuser autant que possible.

  1. La Russie mène une guerre totale en Ukraine, dans le but de détruire l’État ukrainien simplement parce qu’il a choisi pour lui-même une voie de développement démocratique plutôt que la voie russe.
  2. La Russie commet des crimes contre l’humanité et contre la population civile d’Ukraine, tout en annonçant constamment que ces crimes ont été commis par de mythiques « fascistes ukrainiens » qui n’existent que dans le domaine de l’information russe.
  3. Il ne s’agit pas d’une guerre entre l’Ukraine et la Russie. C’est une guerre de la civilisation contre les barbares. C’est une guerre du XXIe siècle contre le XXe. Poutine est un digne héritier d’Hitler (qui a conduit son pays puissant et cultivé à l’effondrement total et la majorité de la population à la ruine). Et la propagande russe est une digne héritière de la propagande goebbelsienne qui forme une « image de l’ennemi » et transforme une population en maniaques agressifs et impitoyables.
  4. Et surtout : si les femmes et les enfants de Babi Yar n’ont pu être sauvés (à l’exception de quelques-uns, sauvés par des Ukrainiens), il reste encore possible de sauver les civils ukrainiens aujourd’hui. Si Israël fournissait à l’Ukraine le système de défense Dome capable de protéger les villes pacifiques contre les missiles russes, cela permettrait d’éviter une nouvelle catastrophe. Sinon, la destruction de civils innocents se poursuivra et la mort d’enfants au XXIe siècle sera une pierre tombale non seulement pour le « monde russe » mais aussi pour la conscience de l’humanité, qui n’a pas réussi à désamorcer ce « monde » sanglant.

Aujourd’hui, les rabbins et les membres des communautés juives d’Ukraine sont en danger de mort, tout comme le reste du pays, et pourtant ils organisent l’aide aux personnes âgées, aux enfants, aux réfugiés — ceux qui se trouvent au milieu de l’enfer russe. Aidez-nous vous aussi à les sauver et à sauver ceux qui aident. Ne laissez pas détruire ou profaner les sites associés à 2 000 ans de présence juive sur le sol ukrainien. Empêchez-les de bombarder les monuments construits au cours de l’existence de l’État ukrainien indépendant.

Nous vous rappelons que, sous l’Union soviétique totalitaire, il était impossible d’ériger un monument juif, d’étudier l’hébreu, d’aller ouvertement à la synagogue ou de célébrer Pourim. Dans l’Ukraine indépendante, au cours de ses trente années d’existence, une vie juive dynamique — religieuse, séculaire, éducative et culturelle — a été ravivée. Des synagogues ont été reconstruites, des centaines de monuments aux victimes de la Shoah ont été érigés, et des travaux de recherche et de protection des cimetières juifs ont été activement menés. Une école savante commence à se former, et des spécialistes sérieux des études juives apparaissent. Tout cela va maintenant être détruit par les « sauveurs de l’Ukraine » russes.

AIDEZ-NOUS À LES EN EMPÊCHER !

Ioulia Smilianskaïa est mathématicienne qui dirige actuellement l’Institut d’études juives (Institut Judaica) attaché à l’Académie Mohyla, à Kyiv

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