Texte d’une propagandiste de Poutine : « L’Occident lance une opération Barbarossa 2 contre la Russie »

Dernière mise à jour le 3 septembre 2023

Traduction d’un article d’Elena Karaïeva

Desk Russie veut donner à voir l’ampleur de la désinformation et de l’idéologie produites par le régime russe, leurs mécanismes et leurs délires. Nous avons traduit un article écrit par l’une des plus féroces propagandistes du régime, Elena Karaïeva, ancien membre de l’équipe d’Euronews et actuellement correspondante de l’agence russe RIA-Novosti en Europe. On y lit comment, avant même l’annonce de la livraison de chars allemands et américains à l’Ukraine, le régime poutinien grimait sa guerre d’agression contre l’Ukraine en prétendue guerre patriotique de défense contre l’Occident.

Lors d’une réunion le 20 janvier sur la base militaire américaine de Ramstein — quelle que soit l’appellation de cette rencontre entre les représentants de la cinquantaine d’États qui ont intégré la coalition armée antirusse — a été débattu un plan consistant à déclencher des opérations militaires de grande ampleur contre notre pays. Dans un avenir très proche.

Que les participants à ces discussions se donnent le nom de « groupe de consultation » ou de « société de maraîchage et d’horticulture », le fond des décisions prises reste le même. Il s’agit d’une déclaration de guerre. Sans restriction, quasiment sans limites dans l’utilisation de tel ou tel type d’armement.

Il est légitime et justifié de considérer que les opérations des forces de la coalition (et peu importe la présence ou l’absence de militaires de carrière de l’OTAN directement dans la zone des affrontements armés sur le terrain de l’opération spéciale menée par la Russie) signent le début de la guerre, lorsque l’on regarde la liste des livraisons prévues en Ukraine. Il n’y manque que les armes non lourdes et non offensives. Le complexe militaro-industriel américain et les instances à la barre — le Pentagone et le Comité des chefs d’état-major interarmées (l’équivalent de notre état-major) — n’ont plus de retenue, plus d’alternative et, par-dessus tout, n’ont plus le choix.

Le but est de mener à bien ce que n’a pas su faire la coalition du Reich dans les années 1940, et ce que n’a pas pu réaliser l’OTAN après la guerre en ouvrant la course à l’armement pour affaiblir l’économie soviétique, avec en sus une guerre froide de propagande puissante. Après avoir détruit l’URSS, ils semblaient plus près que jamais de l’anéantissement de notre pays, l’ayant morcelé en républiques et déclenchant des guerres intestines, mettant le feu ici ou là. Mais ils se sont trompés.

La nouvelle Russie a su (alors qu’elle pendait à la potence et rendait déjà son râle d’agonie) se défaire de la corde. Non seulement elle est parvenue à s’en tirer, mais elle a également réussi à rebâtir (une énième fois) le pays. Apportant une aisance, une stabilité et une confiance en l’avenir, certes moins opulentes que chez ceux qui ont tenté de nous annihiler.

Or les ramsteiniens, comprenant parfaitement du fond de leurs sièges qu’ils n’auraient pas droit à une quatrième tentative, agissent comme si les précédents essais n’avaient pas eu lieu.

Les Américains, car c’est bien eux qui dirigent ce petit bal de personnages médiocres et revanchards, hélas, connaissent bien mal notre histoire, au moins aussi mal que l’histoire des batailles remportées par l’URSS.

À Ramstein, on table sur une Blitzkrieg, pensant que la puissance des blindés est en mesure d’écraser la Russie. On peut affirmer quasiment sans craindre de se tromper que cette Blitzkrieg se déroulera à peu près comme suit : « Il convient d’anéantir les forces principales des troupes terrestres russes par des actions audacieuses des unités blindées ayant pénétré profondément dans le territoire, empêchant le retrait des troupes aptes au combat de l’adversaire à l’intérieur des terres. Grâce à un déplacement rapide des troupes, il faut parvenir à la ligne à partir de laquelle les forces aériennes russes ne pourront effectuer d’attaques sur site. L’objectif final de l’opération est la création d’un bouclier. […] Au cours de cette opération, la flotte […] russe sera rapidement privée de ses bases et, en conséquence, ne pourra prendre part aux actions de combat. L’intervention efficace des forces aériennes doit être empêchée dès le début de l’opération au moyen d’attaques puissantes à leur encontre. »

Il s’agit (hormis les corrections nécessaires) d’une citation tirée du plan de Blitzkrieg élaboré en 1940 et constituant la partie principale de l’opération Barbarossa. On peut presque la lire comme une correspondance envoyée à l’issue des consultations qui se sont tenues sur la base de Ramstein.

ramstein meeting
Réunion sur la base de Ramstein, le 20 janvier dernier. Photo : nato.int

Dans cette partie de l’opération, un rôle important était attribué aux unités blindées. C’est sur elles que la direction du groupe de Ramstein — oh, pardon, le commandement de la Wehrmacht — a fait reposer la mission de percer la ligne de défense des troupes russes sur la ligne de front, afin de gagner, comme on dit dans le jargon militaire, « du champ » pour mener une attaque.

Le jeu de « va-et-vient » pour persuader l’Allemagne de livrer ses Leopard comme aide militaire à l’Ukraine n’est pas un simple spectacle pour distraire le public (même si rien n’est décidé, pour l’instant) ; en réalité, sans ce type d’armement, l’attaque pourrait tout simplement échouer.

Selon cette même doctrine militaire, vieille de plus de 80 ans et dépoussiérée aujourd’hui par les Otaniens, il convient d’abord d’utiliser des chars légers (les AMX-10RC que Macron a l’intention de livrer à Kiev) pour effectuer des reconnaissances de terrain et parer à des attaques potentielles, puis de lancer les chars lourds, équipés d’un blindage puissant et d’un canon, mais lents au combat.

Tout ceci semble inquiétant ? Certes. Cela peut-il faire vraiment peur ? Seulement à ceux qui planifient cette Blitzkrieg. Il s’agirait d’une « guerre-éclair » non parce qu’ils sont plus forts que nous et nous surpassent en puissance. Que nenni. L’Occident se hâte car le chef d’orchestre principal de cette campagne militaire contre la Russie n’a plus de temps devant lui. Dans quelques semaines, les États-Unis entreront (partiellement tout d’abord, puis complètement) dans un nouveau cycle électoral, et ceux qui prennent les décisions politiques n’auront que faire de l’Ukraine. C’est la première raison.

La deuxième, c’est qu’une guerre par procuration (respectons l’hypocrisie tant vénérée sur les rives du Potomac) contre son ennemi géopolitique numéro 1, la Russie, anéantirait toutes les chances du résident actuel de la Maison-Blanche d’être réélu. Le Congrès, déjà aux mains des républicains, fera ce qu’il est courant de faire en Amérique avec les adversaires politiques : il lancera des enquêtes à différents niveaux, et l’on trouvera sans mal de quoi engager une procédure d’impeachment.

La troisième raison, c’est que ses suiveurs sont eux aussi à court de temps, c’est-à-dire les Européens — à savoir ceux que la Russie a déjà libérés par deux fois au moins, rappelons-le. En chassant Napoléon jusqu’à l’Elbe, sans oublier de passer par Paris, et en éradiquant la peste brune, détruisant l’hitlérisme jusque dans sa tanière.

Dans les deux cas, au prix de la vie de millions des nôtres. Pour notre plus grande tristesse.

En conséquence, la France s’est privée de son armée et de ses ambitions de pays conquérant (des chars à roues et des camions équipés d’un système d’artillerie, les CAESAr, voilà tout ce que Paris est en mesure de fournir aujourd’hui), et l’Allemagne, malgré ses propos belliqueux, n’acceptera probablement pas — sachant très bien comment se termine ce genre de petit jeu — d’envoyer ses Leopard contre les chars russes.

La quatrième raison, c’est que l’Europe unie d’aujourd’hui ne peut plus se permettre d’orgies sur le plan militaire en ne se refusant rien, car elle n’en a plus les moyens ni le matériel. Les déclarations de Macron concernant l’augmentation du budget de la défense de 400 milliards d’euros d’ici à 2030 ont à peu près autant de poids qu’une promesse d’apprendre à parler à un âne1. Les mots sont beaux, mais les actes ne suivront pas.

Cependant, même en tenant compte de tout ceci, il faut bien comprendre que la bataille sera des plus rudes, qu’il va falloir détruire le poing cuirassé que l’on s’apprête à nous asséner, et que cela nécessitera certainement du sang-froid et de la patience, en gardant à l’esprit que c’est le destin de notre pays qui se joue. Ni plus ni moins. Mais qu’à l’issue, le monde qui verra le jour sera celui dans lequel nous avons dû payer de notre sang, comme toujours, pour faire valoir nos intérêts et nos préoccupations sécuritaires.

Qui sait ce qu’ont imaginé les parties prenantes à la réunion de Ramstein, en tout cas nous pouvons affirmer avec certitude une chose : leur Blitzkrieg à base de Leopard et de CAESAr sera mise en échec. Non seulement par la puissance de l’armement russe et le fameux esprit militaire russe, mais aussi parce que nous avons appris l’art de vaincre non pas autour d’une table ou en construisant la ligne Maginot, mais sur le champ de bataille.

C’est une expérience qui ne rentre pas dans le budget public, et qu’on ne peut évidemment pas acheter avec des fonds étrangers. Tous ceux qui souhaitent en savoir un peu plus sur ce genre d’approche comptable peuvent se replonger dans l’histoire des défaites de nos ennemis. Et découvrir l’histoire de nos triomphes sur le champ d’honneur.

Traduit du russe par Nastasia Dahuron.

Version originale.

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Notes

  1. Référence à un conte tiré des histoires de Nasreddine Hodja, célèbre personnage du monde oriental et également connu en russe [NDT].

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