Dernière mise à jour le 15 septembre 2023

Niels Ackermann, Sébastien Gobert, New York, Ukraine. Guide d’une ville inattendue, Éditions Noir sur Blanc, 2021. Un photographe suisse et un journaliste français explorent ensemble une bourgade du Donbass côté ukrainien, en montrant la réalité de la guerre et le désir de changement chez ses habitants. Un livre surprenant !

La deuxième collaboration du photographe suisse et du journaliste français (on leur doit déjà Looking for Lenin, Éditions Noir sur Blanc, 2017) a de nouveau pour terrain d’exploration l’Ukraine. Le titre inattendu suscitera le premier étonnement du lecteur, qui voit accolé le nom d’une ville universellement connue à l’Ukraine, soit à des milliers de kilomètres des États-Unis. Il s’agit pourtant bel et bien de New York, mais d’une New York ukrainienne, une petite bourgade à quelques kilomètres de la ligne de front dans l’est du pays.

Fondée par les mennonites allemands au XVIIIe siècle, rebaptisée pendant la guerre froide en Novhorodske (qui n’est que la traduction calque de « Nouvelle Ville »), la cité retrouve son nom d’origine par la volonté de ses habitants pendant l’été 2021. Ce changement est la manifestation non seulement d’une rupture avec le passé, mais aussi de l’espoir d’une nouvelle vie que les activistes tentent de réinventer pour échapper à une réalité peu réjouissante. On a vu ainsi briller récemment sur les réseaux un festival littéraire de New York, soutenu par des auteurs prestigieux, ou un marathon, en clin d’œil malicieux au vrai marathon de New York, que tout le monde pouvait courir sans forcément se rendre dans l’Est ukrainien.

La ville se découvre par de nombreuses photographies qui ont saisi les paysages urbains et les habitants dans leur existence quotidienne, et par les textes qui retracent sa genèse et son présent rythmé par la guerre depuis 2014. Empruntant les codes d’un guide de voyage, avec des rubriques telles que « Que voir », « Où manger », « Où sortir » ou encore « Où dormir », mais aussi l’indication de « budget moyen » ou des « numéros utiles », les auteurs n’en sont pas moins conscients que la plupart de leurs lecteurs n’iront jamais dans ce lieu perdu de la steppe ukrainienne, sous la menace directe de la guerre du Donbass qui est loin d’avoir dit son dernier mot. Mais la valeur du symbole est au-delà de la réalité, dans cette volonté d’écrire une nouvelle page, dans une ville nouvelle, une New York ukrainienne.

Iryna Dmytrychyn, spécialiste de l’Ukraine, enseignante, essayiste et traductrice littéraire. On lui doit notamment Le voyage de Monsieur Herriot: Un épisode de la Grande Famine en Ukraine (L’Harmattan, 2018).

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