Les mots de la guerre : « рашисты / rachysty »

Le néologisme rachysty permet aux Ukrainiens de désigner les agresseurs en les définissant politiquement et collectivement, et sans les ethniciser. Un citoyen russe opposé à la guerre ne fait donc pas partie des rangs des rachysty.

Un mot court tous les médias ukrainiens, à l’oral comme à l’écrit, pour désigner les agresseurs. On ne dit pas, ou presque pas, « les Russes ». Au plus neutre et au plus développé on écrit « les forces armées de la Fédération de Russie », mais on utilise beaucoup plus le terme rachysty (rachyst au singulier), contraction de « Russes » et de « fascistes ». Il faut entendre « les fascistes russes ».

La référence par l’assonance évidente avec le mot « fasciste » permet d’inscrire rachyst dans la continuité de la pratique soviétique, où l’ennemi qui avait attaqué l’URSS en 1941 n’était pas désigné comme l’Allemand, mais comme un fasciste.

Rachysty désigne aussi bien les militaires qui font partie de la force d’invasion que ceux qui, à l’arrière, organisent, commandent, justifient et parfois bénissent la guerre menée contre l’Ukraine démocratique. En bref, les combattants, organisateurs, propagandistes, auxquels il faut ajouter aussi les soutiens dans l’opinion.

Rachysty permet de désigner les agresseurs en les définissant politiquement et collectivement, et sans les ethniciser. Un citoyen russe opposé à la guerre ne fait donc pas partie des rangs des rachysty.

Il semblerait que le mot soit apparu pendant l’invasion russe de la Géorgie en 2008, puis ait été réemployé pendant la guerre du Donbass en 2014. Maintenant, il figure dans de nombreux communiqués ukrainiens, civils ou militaires, dans leurs versions en ukrainien comme en russe. Fortune de guerre d’un néologisme.

eckert

Denis Eckert est directeur de recherche au CNRS, Géographie-cités (Paris-Aubervilliers) / Centre Marc Bloch (Berlin).

À NE PAS MANQUER

Colloque « Chine-Russie : affinités et différences »

Le colloque se déroulera à l’amphithéâtre Descartes de la Sorbonne (au 17 rue de la Sorbonne, Paris) le samedi 5 octobre 2024, de 9 heures à 18 h 45.

Abonnez-vous pour recevoir notre prochaine édition

Deux fois par mois, recevez nos décryptages de l'actualité.

Dans la même rubrique

Munich à petit feu et le retour du féodalisme

Le temps perdu rend de plus en plus difficile la mise en échec du projet de vassalisation du monde que poursuivent Xi Jinping et Poutine.

Les trois fronts de l’Ukraine

Elle doit se battre non seulement contre l’ennemi russe, mais aussi contre les peurs, les préjugés et la procrastination de l’Occident.

Juger les génocidaires russes !

Rendez-vous le 25/09/24 à la conférence de presse : « Comment le parti de Poutine, Russie unie, planifie et organise la déportation et la russification des enfants ukrainiens. »

Les enseignements de Koursk

Qu’est-ce que cette opération audacieuse nous dit de l’état de l’armée russe ? De la mentalité des dirigeants russes ? De l’état de la société russe ?

Sur le même sujet

Les mots de la guerre : les « Orques », ou la désignation de l’ennemi russe en Ukraine

Deux chercheurs, l’un français et l’autre ukrainien, s'intéressent au nouveau vocabulaire de la guerre en Ukraine. Le terme « Orques »...