Bientôt un chancelier poutino-compatible à Vienne ?

Le premier week-end de cette année 2025, l’Autriche, pays alpin membre de l’UE, neuf millions d’habitants au centre de l’Europe, s’est réveillée dans une crise gouvernementale qui a de fortes chances de porter au pouvoir un chancelier de l’extrême droite dure pour la première fois depuis la création de la 2e République autrichienne le 27 avril 1945. Comment en est-on arrivé là ? Est-ce un pas de plus vers la désunion de l’UE face aux guerres impérialistes de la Russie de Vladimir Poutine ?

L’Autriche démocratique sur le point d’être gouvernée par un Chancelier d’extrême droite 

Premier coup de théâtre en Autriche le 29 septembre 2024 : les élections législatives au Parlement fédéral autrichien, le « Nationalrat », sont remportées pour la première fois — victoire historique — par le parti populiste sinon d’extrême droite FPÖ, avec 28,1 % des voix, devant les conservateurs chrétiens-démocrates de l’ÖVP (26,3 %), les sociaux-démocrates du SPÖ (21,1 %) le parti libéral NEOS (9,1 %) et enfin, les Verts (die Grünen, 8,2 %).

Deuxième coup de théâtre cent jours plus tard : l’échec des négociations de formation d’une coalition tripartite centriste de gouvernement ÖVP/SPÖ/NEOS, pour faire barrage au FPÖ au titre du « cordon sanitaire », entraîne une volte-face du parti conservateur ÖVP qui se tourne alors vers le FPÖ et compromet gravement sa crédibilité au passage.

Le chef de l’ÖVP Karl Nehammer, également Chancelier fédéral de l’Autriche depuis le 6 décembre 2021, est alors poussé à la démission ce 4 janvier avec effet au 10 janvier 2025. Le Secrétaire général de l’ÖVP Christian Stöcker déclare qu’il a été autorisé par son parti à entamer des pourparlers de coalition, cette fois avec le FPÖ d’extrême droite, alors même que l’ensemble du parti ÖVP s’était auparavant clairement prononcé contre le chef de ce parti jugé extrémiste, Herbert Kickl…

Rien d’exceptionnel, direz-vous… Puisque la culture du compromis existe en Autriche ; puisque le FPÖ est déjà associé à cinq gouvernements régionaux (les Landtage) sur les neuf que compte l’Autriche (soit une implantation plus forte du FPÖ en Autriche que son homologue allemande, l’AfD, chez son grand voisin) ; et enfin puisque le FPÖ, fondé en 1955, avait été déjà associé à plusieurs reprises au pouvoir : deux fois entre 2000 et 2006, en coalition « noire-bleue » avec l’ÖVP du Chancelier Wolfgang Schüssel (on se souvient que l’Autriche avait alors été ostracisée et frappée de sanctions par ses 14 partenaires de l’UE !) ; puis entre 2017 et 2019 en coalition avec l’ÖVP du Chancelier Sebastian Kurz.

Mais dans les coalitions gouvernementales précédentes, le FPÖ restait un partenaire minoritaire. En 2025, tout au contraire, il sera un partenaire majoritaire. Si leurs pourparlers de coalition aboutissent, ÖVP et FPÖ disposeront d’une majorité relativement confortable de 108 députés sur les 183 sièges de la chambre basse du Parlement, suffisante pour constituer un gouvernement viable et stable.

C’est à contre-cœur qu’Alexander Van der Bellen, Président fédéral (80 ans, écologiste du parti des « Grünen ») a dû se résoudre à recevoir le 7 janvier à la Hofburg de Vienne Herbert Kickl, chef du FPÖ, et qu’il l’a chargé de négocier avec l’ÖVP la formation d’une coalition de gouvernement qu’il serait appelé à diriger.

Pour sa part, l’ÖVP chrétienne-démocrate conservatrice est désormais prise au piège de son propre revirement, et ne dispose plus d’alternative à ce scénario de soumission au FPÖ. En effet, si les pourparlers de coalition entre ÖVP et FPÖ devaient échouer eux aussi, le Président fédéral serait contraint de convoquer de nouvelles élections législatives anticipées, et dans ce cas, le FPÖ est d’ores et déjà crédité non plus des 29 % des suffrages qu’il avait recueillis en septembre dernier, mais de 35 % des voix ! De son côté, l’ÖVP, parti resté au pouvoir sans discontinuer depuis 1987, ne peut que craindre de perdre de nouveau du terrain en cas de nouvelles élections.

Le probable futur Chancelier autrichien Herbert Kickl et ses options de politique intérieure

Très affaibli par ses mauvais résultats électoraux et déchiré par ses querelles internes de chapelles, l’ÖVP, dès lors réduit au rôle de partenaire minoritaire dans une coalition, saura-t-il — et voudra-t-il — modérer, sinon contrecarrer les options et les positions extrêmes d’un FPÖ en pleine ascension, dont son chef très radical, M. Herbert Kickl, a déjà donné des exemples éloquents ces dernières années ?

Mais qui est Herbert Kickl, candidat très probable à la Chancellerie ?

À 56 ans, ce fils d’un couple d’ouvriers de la mine en Carinthie, brillant élève, puis étudiant en philosophie, histoire et journalisme, éloquent, mais ombrageux, un brin ascétique, méfiant envers la presse, a déjà été ministre de l’Intérieur entre 2017 et 2019 dans le gouvernement de coalition du Chancelier conservateur Sebastian Kurz — poste dont il sera démis en mai 2019 suite au scandale de corruption impliquant son chef de parti Heinz-Christian Strache dans « l’affaire Ibiza ».

Ce sont surtout la personnalité d’Herbert Kickl et la radicalité des opinions qu’il assène qui posent un problème.

Digne héritier et admirateur de ses deux prédécesseurs à la tête du FPÖ, Jörg Haider puis l’ultra-nationaliste Heinz-Christian Strache, Herbert Kickl reste longtemps dans leur ombre, écrivant leurs discours et inventant leurs formules-chocs et leurs slogans d’un goût douteux, parfois à relents antisémites, ce qui lui vaudra même en 2009 d’être comparé à Josef Goebbels par Ariel Muzicant, le Président de de la communauté juive de Vienne. Haider et Strache s’étaient déjà illustrés eux-mêmes par leurs commentaires élogieux de la politique d’Adolf Hitler voire leurs allusions négationnistes.

Kickl a repris la panoplie de leurs obsessions — celles de toutes les extrêmes droites européennes : être anti-système, anti-immigration, anti-européen, s’opposer aux médias, aux « élites », aux LGBT+ (par exclusion légale des personnes transgenre), etc.

Le complotisme et le conspirationnisme décomplexés de Herbert Kickl vont se révéler pleinement pendant la pandémie du Covid : militant « antivax », il dénonce alors violemment la gestion de la crise par le gouvernement de l’époque en la qualifiant de « dictature » et promeut comme remède au Sars Covid l’ivermectine, un antiparasitaire administré aux chevaux, sans efficacité connue contre le virus, et dont la vente en pharmacie à des patients crédules va provoquer un bon nombre d’empoisonnements. Or, loin de le discréditer, cette campagne apporte beaucoup de voix supplémentaires au FPÖ et radicalise encore davantage Herbert Kickl en renforçant son goût déjà prononcé pour la provocation. Herbert Kickl n’a d’ailleurs jamais voulu prendre ses distances au nom du FPÖ avec certains groupements expressément extrémistes, comme le Mouvement identitaire (Identitäre Bewegung Österreichs ou IBÖ), qu’il a bienveillamment qualifié d’ONG de droite…

C’est en 2021 précisément qu’Herbert Kickl s’empare des rênes du parti FPÖ. Le grand sujet prioritaire et porteur de voix pour lui, comme pour tous les dirigeants des partis d’extrême droite en Europe, est celui de l’immigration. Herbert Kickl n’a pas caché que non seulement il souhaite la freiner drastiquement, mais qu’il souhaite que l’Autriche se mue en une forteresse imprenable, la « Festung Österreich », dont il ferait également expulser des Autrichiens d’origine étrangère, en recourant à la stratégie de « ré-émigration » — également prônée par ses homologues de l’AfD en Allemagne — à savoir, de déchéance de nationalité et d’expulsion des Autrichiens d’origine extra-européenne, une option clairement anticonstitutionnelle.

Une des devises préférées de Herbert Kickl étant : « C’est le droit qui doit être subordonné à la politique, et pas la politique au droit » (« Das Recht hat der Politik zu folgen und nicht die Politik dem Recht »), on peut craindre que, une fois à la tête d’une coalition dite « noire-bleue », il s’attaque aux principes mêmes de l’État de droit. 

Et ce n’est nullement une coïncidence qu’Herbert Kickl ait souhaité être désigné comme le futur « Volkskanzler » (le chancelier du peuple), soit le terme tant affectionné par… un certain Adolf Hitler, lui aussi né en Autriche ! 

Les répercussions internationales d’un gouvernement FPÖ/ÖVP dirigé par le Chancelier Kickl 

Le brusque changement de braquet de l’ÖVP du week-end des 4 et 5 janvier 2025 et sa position de négociation notoirement affaiblie face à son nouvel allié populiste d’extrême droite risque d’entraîner des choix de politique internationale qui ne peuvent qu’inquiéter les chancelleries occidentales.

La perquisition intempestive que Herbert Kickl, alors ministre de l’Intérieur, avait ordonnée en 2018 dans les locaux du BVT (Office fédéral de protection de la constitution et de lutte contre le terrorisme : Bundesamt für Verfassungsschutz und Terrorismusbekämpfung), notamment pour faire disparaître des documents compromettants sur les liens entre le FPÖ et les milieux d’extrême droite, ainsi que sur des questions de harcèlement sexuel et de malversations financières, avait déjà eu des conséquences hors des frontières de l’Autriche : les services secrets d’autres pays partenaires de l’UE avaient alors préféré interrompre leur coopération avec cette institution, au détriment des intérêts de sécurité de l’Autriche. Sans parler du fait qu’après avoir insulté le Président fédéral autrichien von der Bellen de « momie de la Hofburg, atteint de sénilité », Kickl avait également ordonné une perquisition policière à sa résidence…

Plus généralement, si le FPÖ parvient à imposer ses positions dans les négociations actuelles de coalition gouvernementale, c’est bien la cohésion même de l’Europe qui sera mise à mal dans une conjoncture de guerre impitoyable sur notre continent.

Cela d’autant plus qu’Herbert Kickl n’a jamais manqué une occasion de rappeler que Viktor Orbán, le chef du gouvernement hongrois était son modèle et qu’il rêvait d’appliquer en Autriche le « modèle hongrois ».

C’est d’ailleurs notamment avec le chef du parti Fidesz qu’Herbert Kickl a créé le 8 juillet 2024 le groupe des « Patriotes pour l’Europe » à l’extrême droite de l’échiquier politique du Parlement européen, rassemblant 84 eurodéputés issus de 12 pays différents (le Français Jordan Bardella, Président du Rassemblement National, assurant la présidence de cette 3e force politique du Parlement européen). Ce groupe déclare lutter contre l’immigration illégale et les mesures de l’UE en matière de dérèglement climatique, s’engager pour la sauvegarde de la « famille traditionnelle »… et pour la fin de la guerre entre l’Ukraine et la Russie.

Entre Vienne avec Herbert Kickl, Budapest avec Viktor Orbán et Bratislava avec Robert Fico peut se constituer désormais un « triangle des empêcheurs de tourner en rond » qui ne manquera aucune occasion d’entraver Bruxelles et l’UE. Et, comme le relève la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Kickl pourrait alors devenir « encore un bon petit caniche de plus pour Poutine », à côté des susnommés… 

Le brusque changement de pouvoir qui s’annonce à Vienne donne déjà des sueurs froides aux grands partis traditionnels allemands qui sont en pleine campagne pour les législatives anticipées du 23 février prochain et craignent que le succès du FPÖ en Autriche donne des ailes à l’AfD, son parti-frère allemand. Et si le « cordon sanitaire » (la « Brandmauer », ou littéralement : le mur pare-feu) a déjà sauté en Autriche contre le FPÖ, pourquoi ne serait-il pas rompu également en Allemagne face à l’AfD ? Enfin, l’incapacité des partis du centre à s’accorder sur des compromis et à former une coalition de gouvernement en Autriche est une bonne leçon à méditer par les partis allemands de l’arc républicain (CDU, SPD et FDP).

Le 30 juin 2024, Herbert Kickl, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán (à droite) et l’ancien dirigeant tchèque Andrej Babiš annoncent une nouvelle alliance politique  « Patriotes pour l’Europe »
Le 30 juin 2024, Herbert Kickl, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán (à droite) et l’ancien dirigeant tchèque Andrej Babiš annoncent une nouvelle alliance politique « Patriotes pour l’Europe » // Compte Facebook de Kickl

Kickl et le FPÖ face à la Russie et à l’Ukraine

Kickl et le FPÖ ont certes pris soin de prendre momentanément leurs distances par rapport à la Russie dans une énorme affaire d’espionnage au profit de la Russie, à laquelle étaient mêlés des agents du BVT autrichien (affaire Egisto Ott et Jan Marsalek), et qui a rebondi en mars 2024.

Il n’empêche : la bienveillance, voire la complaisance du FPÖ autrichien envers la Russie de Vladimir Poutine, très comparable à celle des partis allemands AfD et BSW, n’est plus à démontrer. En 2016, le FPÖ a d’ailleurs signé un « traité d’amitié » avec Russie Unie, le parti de Poutine, et entretient des liens étroits avec le chef du Kremlin et son parti, même si le FPÖ se défend de toute mise en œuvre dudit traité. 

Dès le début de l’année 2024, Kickl s’est prononcé pour « une normalisation des relations avec la Russie », et contre les sanctions qui lui sont infligées depuis 2014 par les démocraties occidentales. 

En amont du message adressé au Parlement autrichien et à la population autrichienne par vidéo le 30 mars 2023 par le Président ukrainien Volodymyr Zelensky, Herbert Kickl avait mis en garde l’ensemble des groupes parlementaires autrichiens contre le risque qu’ils encouraient de contribuer en l’écoutant à « une rhétorique de victoire finale aussi dangereuse que dénuée de nuances ». « Victoire finale » se dit en allemand « Endsieg », or c’était le terme même qu’utilisait le régime nazi pour désigner l’objectif final de son entreprise de soumission de l’Europe par la guerre et l’extermination. Kickl, reprenant à son compte le « narratif » de la propagande russe, assimilait donc délibérément la résistance de l’Ukraine à la geste militaire de l’armée d’Hitler ! Et au moment où Zelensky allait prendre la parole le 30 mars 2023, tous les députés FPÖ quittèrent en bloc l’hémicycle parlementaire, laissant sur leur pupitre des posters proclamant « Place à la paix » et « Place à la neutralité ».

La «  neutralité autrichienne  » en question  : une nouvelle neutralité à sens unique  ?

La neutralité ? Voilà bien une notion qui parle à chaque Autrichien depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

On se souviendra qu’après l’ Anschluss du 13 mars 1938 et l’adhésion avérée d’une partie non négligeable de la population autrichienne au rêve nazi de la Grande Allemagne, cette neutralité avait été imposée à la nouvelle Autriche par les Alliés occidentaux et l’Union soviétique. La « neutralité perpétuelle de l’Autriche » (« Immerwährende Neutralität Österreichs ») a force constitutionnelle depuis la « Loi pour la neutralité » (Neutralitätsgesetz), adoptée par le Nationalrat (Conseil national) de l’Autriche le 26 octobre 1955. 

On rappellera aussi que des trois États ayant rejoint la construction européenne en 1995, seule l’Autriche a conservé sa politique de neutralité et n’a pas demandé son adhésion à l’OTAN suite à l’invasion russe en Ukraine, contrairement à la Finlande et à la Suède. Il ne reste dans l’UE comme pays neutres que l’Autriche et trois îles : l’Irlande, Malte et Chypre.

Bruno Kreisky, très populaire Chancelier autrichien social-démocrate (SPÖ) pendant 13 ans à compter de 1971, avait mis à profit la neutralité autrichienne, inventant une pratique extrêmement ingénieuse dite de « neutralité active » (aktive Neutralitätspolitik) consistant à faire jouer à l’Autriche le rôle d’un petit État pacifique, bâtisseur de ponts (Brückenbauer) et plaque tournante entre les grandes puissances, souvent médiateur entre les deux blocs alors en pleine guerre froide

Jusqu’ici, l’Autriche ayant su tirer habilement parti de ce statut, son taux d’approbation par les citoyens se chiffre encore entre 70 et 80 %. En mai 2022, le Chancelier sortant Karl Nehammer a voulu clore toute discussion en déclarant que « l’Autriche était neutre, est neutre, et restera neutre », et en février 2023, les grands partis (ÖVP, SPÖ, et FPÖ), ainsi que les Verts, ont réitéré leur soutien à la neutralité. 

A contrario, on peut se demander si Herbert Kickl ne souhaiterait pas faire adopter par l’Autriche, en l’instrumentalisant, une neutralité cette fois très restrictive, voire unilatérale, consistant à lever toutes les sanctions édictées par l’Union européenne contre Moscou, à contrer les efforts de mise en place d’une politique de défense européenne (pas d’adhésion de l’Autriche au projet « European Sky Shield » de bouclier antimissiles européen !), et à empêcher le passage en transit sur le territoire autrichien d’armes occidentales, alors même que l’Autriche ne peut pas en principe s’y opposer dans le cadre de l’UE ! 

M. Kickl ne se sert-il pas d’ailleurs d’ores et déjà du statut de neutralité de l’Autriche pour éviter systématiquement de condamner l’invasion russe en Ukraine depuis 2014 ?

Mais comment est-on arrivé là  ? La faute à qui  ? Crise économique , crise de l’énergie , immigration , position du patronat autrichien  ?

Les réactions de nombreux médias, autrichiens ou non, au brusque revirement d’alliance programmé par l’ÖVP en faveur du FPÖ sont généralement très sévères : au-delà du simple constat de la profonde division entre les partis du centre (ÖVP, SPÖ net NEOS) ayant conduit à l’échec d’une première négociation de coalition, on met en cause leur incapacité à la recherche du compromis. Comme le relève Le Monde du 7 janvier 2024, le ministre de l’Économie et du Climat allemand Robert Habeck va plus loin, souhaitant tirer la leçon de cet « échec du centre » pour le futur proche en Allemagne et en Europe : « Si les partis du centre ne sont pas capables de s’allier et considèrent les compromis comme diaboliques, cela aide les extrémistes. »

Mais il s’est aussi agi de la difficulté pour ces partis « du centre » de se mettre d’accord sur la manière adéquate de réagir à une situation économique problématique de l’Autriche — qu’affrontent d’autres pays de l’UE — et de retrouver la voie d’un équilibre budgétaire par un assainissement des finances publiques : le déficit était de 3 % en 2024, la récession dure depuis début 2023, par effet domino sur l’industrie autrichienne des difficultés rencontrées par l’Allemagne voisine.

Le patronat autrichien, traditionnellement proche de l’ÖVP des chrétiens-démocrates, semble par ailleurs depuis quelques mois avoir poussé ce parti à envisager une alliance avec le FPÖ, dont il apprécie l’intention déclarée de refuser toute hausse d’impôt, car il est effrayé par la hausse des coûts de production, partiellement due à l’interruption annoncée par la Russie des livraisons de gaz à l’Autriche, la principale source d’énergie du pays depuis des lustres.

Enfin, la question de l’immigration reste évidemment un souci majeur : autant du fait du nombre important de personnes accueillies en Autriche ces dernières années qu’à la suite du constat de leur intégration insuffisante.

Conclusion

Dès lors que le FPÖ et l’ÖVP seront parvenus à négocier un accord de coalition gouvernementale, le Président autrichien Alexander Von der Bellen ne pourra que se boucher le nez lorsqu’il devra de nouveau accueillir à sa résidence officielle de la Hofburg M. Herbert Kickl, soit celui-là même qui l’avait déjà insulté à plusieurs reprises, et le soumettre au rite obligatoire de l’Angelobung, austrianisme désignant la prestation solennelle de serment avant sa prise de fonction de Chancelier.

Mais Alexander Von der Bellen lui rappellera alors plus impérativement que jamais les fondements et principes intangibles de la démocratie autrichienne auxquels il ne saurait déroger, dont principalement : respect de l’État de droit, de la liberté et de l’indépendance des médias, appartenance de la République d’Autriche à l’Union européenne.

Quant au résultat des élections législatives autrichiennes du 29 septembre dernier… Certes le FPÖ les avait clairement remportées avec près de 29 % des suffrages, mais n’oublions pas que dans le même temps, 71 % des suffrages exprimés l’ont été… en opposition aux positions du FPÖ déclaré vainqueur ! Comment imaginer dès lors qu’une majorité de citoyens autrichiens accepte de valider sans broncher en 2025 une politique du FPÖ qui serait diamétralement opposée à leur choix démocratique ?

Le journaliste et producteur populaire Peter Hajek se demande, lui, si le FPÖ sera capable de « se muer en un parti de gouvernement, capable d’assainir les finances publiques et de ne pas franchir les lignes rouges de l’ÖVP en termes de liberté des médias et de politique étrangère ».

villain bio

Agrégé d’allemand, Marc Villain a consacré sa carrière aux relations internationales, européennes et culturelles.

Abonnez-vous pour recevoir notre prochaine édition

Deux fois par mois, recevez nos décryptages de l'actualité.