Le 23 mai, l’avion de Ryanair qui se dirigeait d’Athènes vers Vilnius est intercepté par un avion de chasse biélorusse qui le force à se dérouter vers Minsk. Motif officiel invoqué par les services de sécurité bélarusses: une bombe serait à bord. Aucune bombe ne sera retrouvée. En revanche, voyageant à bord de l’avion, l’opposant bélarusse Roman Protassevitch, 26 ans, ex-chef de l’influent média d’opposition bélarusse Nexta, et qui vit en exil depuis 2019, est vite arrêté, ainsi que sa compagne Sofia Sapega. Il était recherché par les autorités bélarusses pour atteinte à l’ordre public. Il est passible de 15 ans de prison. Desk Russie a traduit des réactions, dans les médias du Kremlin, devant cet événement.
Cet acte de piraterie s’inscrit dans la spirale de la répression du dictateur Loukachenko. Il a ordonné récemment la fermeture du portail TUT.BY, une source fiable de ce qui se passait dans ce pays, dont la popularité dépassait, dans le pays, celle de YouTube. Il a également fait monter de toutes pièces un prétendu complot visant, selon lui, non seulement son éviction du pouvoir, mais carrément un assassinat de lui et de ses enfants. Mais qu’à cela ne tienne, les médias proches du Kremlin encensent l’habileté et la cruauté du dirigeant bélarusse à l’issue du détournement de l’avion de RyanAir. Voici ce qu’écrit sur son compte Twitter l’une des grandes propagandistes du Kremlin, la rédactrice en chef du réseau international d’actualités RT (ex-Russia Today) et de l’agence gouvernementale d’informations Rossia Segodnia, Margarita Simonian. Sa première réaction : « Je n’aurais jamais pensé que je pourrais envier le Bélarus pour quoi que ce soit. Mais, là, je l’envie. Loukachenko a fait un truc superbe ». Sa deuxième réaction n’a pas tardé, et puisait dans une référence populaire, une citation extraite d’une chanson de Vladimir Vyssotski : « Mon commentaire officiel à tous les médias qui bombardent mon téléphone de leurs questions sur Protassevitch : À Leningrad, au carrefour de Piat Ouglov, on a cassé la gueule à Sania Sokolov. Il faisait du grabuge et chantait faux, et on l’a traité comme il le faut ». Les réactions d’autres d’officiels russes, dont la porte-parole du ministère russe des affaires étrangères Maria Zakharova et le propagandiste en chef Dmitri Kisselev, étaient du même acabit.
Quant au Moscow Times, il rapporte ceci : « Le député de la Douma d’État Leonid Kalachnikov, qui préside le comité de la Douma sur les affaires post-soviétiques, a déclaré lundi que le Bélarus a le droit de choisir « les méthodes qu’il considère comme faisables et nécessaires » pour combattre les menaces à sa sécurité nationale. « C’est un État indépendant. S’ils voient une menace pour leur sécurité, ils doivent la combattre », a déclaré M. Kalachnikov, cité par l’agence de presse russe RIA Novosti. »
On citera ici un article particulièrement éloquent du média électronique Vzgliad qui se présente comme un « journal d’affaires » : « Il s’avère que les conséquences négatives de cette opération pour la Biélorussie seront minimes. Mais pour Minsk il s’agit d’un énorme succès. Premièrement, Roman Protassevich est une source d’information inestimable. En tant qu’ancien rédacteur en chef de Nexta, il peut apporter des renseignements sur les canaux de financement, les collaborateurs et, surtout, sur les personnalités biélorusses qui ont divulgué diverses preuves à charge. Ainsi, après avoir fait craquer Protassevich, les services spéciaux biélorusses découvriront un réseau d’agents dans leur pays. Deuxièmement, l’opération constitue une démonstration des capacités de ces services très spéciaux. Un député biélorusse bien connu a par ailleurs déclaré au journal Vzgliad que les services spéciaux biélorusses et russes méritaient des lauriers pour l’opération. Oui, Minsk a effectué la dernière étape de la capture — mais avant cela, il lui a fallu d’une manière ou d’une autre obtenir l’information selon laquelle Protassevich avait acheté un billet et était monté à bord de l’avion de la compagnie irlandaise. Il est possible que les services spéciaux biélorusses aient été aidés par leurs collègues russes, qui ont beaucoup plus d’opportunités de suivre les déplacements de certaines personnes à l’étranger. »
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