Elena Panina est la directrice de l’Institut de stratégies politiques et économiques internationales, Rousstrat, à Moscou. Dans ce billet d’opinion, elle tourne en dérision la politique étrangère de la France et s’attaque personnellement à Emmanuel Macron. Pour le Kremlin et ses relais d’opinion, la période électorale en France bat déjà son plein.
La double trahison de la France par le trio USA, Royaume-Uni et Australie, qui ont conclu l’alliance AUKUS dans le dos de Paris et annulé « l’affaire du siècle » qui prévoyait la construction de sous-marins français pour Canberra, acquiert de nouvelles dimensions. Illustrant le fait que les difficultés géopolitiques de la Ve République ne font que commencer.
Dans le contexte de ce scandale grandissant, Paris a déjà annulé les pourparlers des ministres de la Défense français et britannique. Et Emmanuel Macron a remis à une date indéterminée sa visite en Suisse, prévue pour novembre, en raison de l’annulation d’un autre accord industrio-militaire : Berne a préféré acheter des F-35 américains plutôt que des avions de chasse Rafale. Il est particulièrement amer pour Macron que les autorités militaires suisses aient poursuivi ces négociations avec leurs homologues français alors qu’elles avaient déjà décidé de choisir l’avion américain.
Comme pour le principal scandale récent, les partenaires de la France formulent à son endroit des propos lénifiants fondés sur une idée simple : la France ne réagira pas, elle va grommeler puis se taire. Tout cela est présenté avec les formules d’usage, les assurances d’amitié indéfectible, bien que, en réalité, l’on tienne de moins en moins compte des intérêts nationaux de la Ve République.
Dans ce contexte, Paris, qui se trouve aujourd’hui dans la position de parent pauvre, ne pourra qu’essuyer un camouflet après l’autre. L’on ne saurait considérer comme efficace le fait d’avoir bruyamment claqué la porte ou rappelé les ambassadeurs français à Washington et Londres [sic].
Et voilà, que, à en juger par l’exemple suisse, la France doit s’attendre de plus en plus à de telles gifles. Il est fort probable que l’Allemagne, sous peu, s’efforcera de démontrer avec éclat à la France qui a le premier rôle au sein de l’Union européenne. Que les relations de la France avec Ankara deviendront plus tendues. Que les ex-colonies françaises d’Afrique considéreront l’ex-puissance coloniale avec un scepticisme grandissant. Les problèmes actuels de la France ne font que diminuer son poids dans le « Format Normandie ».
De plus, sur l’arène nationale, Macron se heurte inexorablement à des difficultés à l’approche de l’élection présidentielle de 2022, car nul n’apprécie ce perdant que même les Australiens peuvent entourlouper.
Il va de soi que la Ve République s’efforce de prouver au monde entier que l’on doit encore compter avec elle. En ce moment, justement, Paris tente de faire pression sur Bruxelles pour que l’Union européenne cesse les pourparlers avec Canberra sur le régime de libre-échange commercial que les Australiens s’efforcent de mettre en vigueur avant la fin de l’année. Cette tentative entraînera probablement des tensions avec les autres pays de l’Union européenne, ne faisant ainsi que renforcer le climat d’exclusion dans lequel baigne la France. Tel est le destin de toute puissance aux ambitions démesurées, qui se retrouve soudain géopolitiquement isolée.
Mais que d’autres pays européens aux positions accommodantes ne se fassent pas d’illusions : le fait que Washington braque son projecteur sur la région Asie-Pacifique indique qu’une guerre entre les États-Unis et la Russie devient de plus en plus improbable, remplacée par une opposition globale à la Chine. Et, dans ce contexte, non seulement la France est exclue de l’AUKUS mais tout le Vieux Monde perd de son poids stratégique actuel.
Traduit du russe par Colette Hartwich
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