Dernière mise à jour le 22 octobre 2023
Pour la prochaine élection présidentielle, Moscou mise apparemment sur un nouveau cheval de course : Éric Zemmour, dont les thèses en matière politique et sociétale sont très largement partagées par le régime de Poutine. Si Zemmour arrive au pouvoir, il a déjà promis de quitter l’OTAN et de démanteler l’UE : deux des principaux objectifs de Moscou en Europe.
Voici par exemple ce qu’écrit sur Zemmour le site de Russtrat, le nouvel institut politique russe, qui se positionne comme ouvertement conservateur, dirigé par l’économiste Elena Panina, une femme politique membre du Comité des affaires internationales de la Douma d’État :
« Selon M. Zemmour, la France est encore traditionnellement perçue sur la scène internationale comme une “grande puissance”, mais elle “s’affaiblit clairement”. La lutte incohérente contre la pandémie de coronavirus en est une illustration. Mais surtout, la France est attaquée de l’intérieur, submergée par une vague migratoire extraordinaire, et subit une transformation sociale sans précédent dans son histoire. Ce constat s’impose à Zemmour et explique le pessimisme des Français, qui pensent qu’ils ne peuvent rien y faire.
Zemmour s’est positionné en tant que candidat qui rendra la souveraineté nationale à la France et aux autres États européens. Ainsi, il a soutenu Varsovie dans sa guerre contre Bruxelles pour la primauté du droit polonais sur le droit européen. “En plaçant la Constitution polonaise au-dessus du droit européen, le Tribunal constitutionnel polonais ne fait qu’exercer son pouvoir en exerçant sa prérogative de décider quelles lois sont applicables en Pologne et lesquelles ne le sont pas”, a déclaré M. Zemmour.
Selon les journaux français, le publiciste a une haute opinion de Moscou. “Quand nous étions aux côtés de la Russie, nous avons gagné des guerres, quand nous étions contre la Russie, nous avons perdu des guerres”, a déclaré Zemmour. “Une alliance de la France, de l’Allemagne et de la Russie marquerait la fin de la domination de l’Europe occidentale par les Américains. Par conséquent, les Américains feront tout leur possible pour trouver des différends entre la France et l’Allemagne d’un côté et la Russie de l’autre.”
Compte tenu de sa popularité croissante, Zemmour pourrait affronter Macron au second tour de l’élection présidentielle. Et dans ce cas, il n’est pas impossible que nous assistions à une alliance entre Moscou, Paris et Berlin, qui affrontera les Anglo-Saxons menés par les États-Unis et la Grande-Bretagne. »
Russtrat est loin d’être seul à tenir ce discours. Voici ce qu’écrit Vzgliad, un important journal en ligne également conservateur, qui vilipende et humilie le président Macron :
« Une nouvelle humiliation de la France [le conflit sur la pêche avec les Britanniques, NDLR], multipliée par les embarras précédents, fait que le président Macron n’est plus respecté même dans l’alliance occidentale, comme en témoigne par exemple le sommet sur le climat de Glasgow. “En fait, tout le monde s’essuie les pieds sur les Français, ils sont considérés comme des moins que rien. M. Macron n’a d’ailleurs pas pris part à la photo commune, ni à la réception royale qui a suivi la première journée du sommet sur le climat. La presse britannique s’en moque en disant qu’il n’a pas été invité”, explique Anastasia Popova, responsable du bureau européen du VGTRK [holding de la radio et télévision d’État, NDLR]. »
En revanche, Vzgliad vante les qualités d’Éric Zemmour :
« Toutefois, le revers le plus désagréable de l’indécision de Macron en matière de politique étrangère ne sera pas la colère des Américains, mais celle des électeurs français. Le soutien à Macron oscille autour de 40 % — et risque de tomber encore plus bas en novembre grâce à l’action des Britanniques. Or, en avril, la France sera confrontée à l’élection présidentielle, où Macron risque d’affronter un adversaire très dangereux. Le candidat de l’extrême droite, Éric Zemmour, est bien plus charmant et bien moins toxique que Marine Le Pen. Un candidat qui, s’il gagne, pourrait vraiment réaliser le potentiel de la France et essayer de créer un axe continental Paris-Berlin-Moscou. »
Citons encore le portail populaire Rambler, qui parle de Zemmour comme d’un « charmant intellectuel » qui « pourrait devenir le meilleur ami de la Russie au sein de l’UE ».
La situation actuelle rappelle l’élection présidentielle de 2017. À l’époque, les propagandistes du Kremlin ont misé sur tous les principaux candidats, sauf Emmanuel Macron, vilipendé en permanence. Lorsque leur candidat de prédilection, François Fillon, ami personnel de Poutine, n’est pas passé au second tour, ils ont déclaré à plusieurs reprises que « l’affaire Fillon » aurait été montée de toutes pièces pour l’éliminer de la course présidentielle. Certains médias russes affirment que Zemmour pourrait être éliminé lui aussi de la course présidentielle pour paver le chemin à la réélection de Macron. Nous ne sommes pas enclins à partager des thèses conspirationnistes. Pour l’instant, le rêve de Moscou de voir Zemmour à la tête du pays a peu de chances de se réaliser, même si aucun scandale le concernant n’éclate, mais le pouvoir russe est passé maître dans la guerre hybride, et il faut redoubler d’attention devant la propagande poutinienne.
Née à Moscou, elle vit en France depuis 1984. Après 25 ans de travail à RFI, elle s’adonne désormais à l’écriture. Ses derniers ouvrages : Le Régiment immortel. La Guerre sacrée de Poutine, Premier Parallèle 2019 ; Traverser Tchernobyl, Premier Parallèle, 2016.