Le 23 novembre, le prix Jan Michalski de littérature 2021 a été décerné à Mémorial International, ainsi qu’à quatre auteurs, Alena Kozlova, Nikolaï Mikhaïlov, Irina Ostrovskaïa et Irina Chtcherbakova, pour l’ouvrage collectif OST: Letters, Memoirs and Stories from Ostarbeiter in Nazi Germany, publié en russe en 2016 et traduit en anglais (Granta, 2021).
Un Ostarbeiter était un « travailleur de l’Est », raflé par l’Allemagne nazie dans les territoires occupés en Europe centrale et orientale. À la fin de la guerre, on a estimé qu’entre 3 et 5,5 millions d’Ostarbeiter avaient été contraints de travailler dans des camps de travail surveillés. Parmi eux se trouvaient près de 30 % d’adolescents âgés de 10 à 16 ans. Les Ostarbeiter travaillaient 12 heures par jour et mangeaient des rations de famine ; en tant que Slaves, ils étaient traités avec une immense brutalité par les gardes nazis qui les considéraient comme des « sous-hommes » selon les normes de la « race maîtresse » aryenne. Ils se distinguaient par l’étiquette « OST » cousue sur leurs uniformes. Après leur libération et leur retour chez eux, ils ont de nouveau subi de rudes épreuves : des camps de filtration et, pour beaucoup, le Goulag, pour le simple fait d’avoir vécu à l’étranger, en territoire ennemi. OST: Letters, Memoirs and Stories from Ostarbeiter in Nazi Germanys, qui leur est consacré, s’appuie sur plus de 200 témoignages, des centaines d’heures d’entretiens et plus de 350 000 lettres provenant des archives de Mémorial.
Comment Mémorial a-t-il pu constituer cette collection ? En 1989, l’académicien Andreï Sakharov, président de Mémorial, tout juste créé, a été approché par des députés verts du Bundestag allemand. Ils lui ont expliqué que les Ostarbeiter étaient les dernières victimes de la Seconde Guerre mondiale — des victimes oubliées. En avril 1990, l’hebdomadaire russe Nedelia a publié un article affirmant que les Allemands allaient verser une compensation aux citoyens soviétiques déportés en Allemagne pendant la guerre et appelant ces derniers à contacter Mémorial à ce sujet. L’association a alors reçu des centaines de milliers de lettres d’anciens travailleurs étrangers en l’espace de quelques semaines : des documents, des photos, des cartes postales et d’autres témoignages uniques relatant leur expérience de l’esclavage. Mémorial a commencé à les collecter et à les systématiser, puis il a été décidé d’enregistrer les souvenirs des anciens Ostarbeiter. Ce processus a duré de nombreuses années, mais Mémorial dispose aujourd’hui d’une énorme quantité de données, en partie publiées.
Cet ouvrage important garantira que les voix des Ostarbeiter brutalisés et déplacés ne seront pas oubliées. Elle constitue une preuve de plus de l’extrême importance de Mémorial.
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