Fausses informations et nouvelle dissidence

Fin juillet 2022, cinq mois après le début de la guerre en Ukraine, plus de 116 personnes en Russie faisaient l’objet de procédures judiciaires au titre de l’article 207 du Code pénal concernant les « fausses informations », c’est-à-dire des informations visant à « discréditer et calomnier l’armée russe ». Un sinistre bilan présenté par un opposant russe sous pseudonyme.

Les affaires pénales qui relèvent de ce nouvel article du Code pénal ne se limitent pas à la capitale mais ont lieu dans d’autres villes russes. Elles ne visent pas seulement des personnes célèbres, des députés et des opposants. Les personnes poursuivies sont à présent des gens ordinaires, exerçant différentes professions — journalistes, avocats, chauffeurs, etc. Que se passe-t-il et pourquoi, dans la Russie du XXIe siècle, est-il possible de mener une répression contre un groupe aussi large de contestataires ?

La répression concerne des gens qui se permettent d’appeler la guerre la guerre contrairement à ce qu’ordonnent les autorités russes qui, dans les documents officiels, qualifient d’« opération militaire spéciale » la guerre de grande ampleur menée en Ukraine.

Une des affaires les plus marquantes, qui a sidéré tout le monde par son injustice, est celle d’Alexeï Gorinov, conseiller municipal âgé de 61 ans. L’affaire Gorinov a éclaté en avril 2022, à la suite des déclarations faites le 15 mars par l’intéressé lors d’une séance du conseil municipal de l’arrondissement Krasnosselski de Moscou.

Cette séance a été filmée et diffusée sur YouTube, et la présidente du conseil municipal Elena Kotenotchkina (qui a quitté la Russie avant d’être mise en accusation) et le conseiller municipal Alexeï Gorinov ont été dénoncés au Bureau du procureur. Ce sont le président du comité de la Douma chargé de la politique de l’information Alexandre Khinstein (du parti « Russie unie ») et le vice-Président du comité pour le développement de la société civile Oleg Leonov (du parti « Novye Lioudi » : Gens nouveaux) qui ont rédigé ces dénonciations. Tous deux ont insisté sur le fait que les élus municipaux, en discutant des projets de loisirs pour les Moscovites pendant les fêtes du mois de mai, s’étaient permis d’évoquer des choses inadmissibles.

gorinov pancarte
Alexeï Gorinov lors de son procès, avec la pancarte « Avez-vous encore besoin de cette guerre ? » // Sa page Facebook

Après vérification des faits, la commission d’enquête a engagé une procédure judiciaire le 26 avril 2022. Le chef d’accusation fait référence, entre autres, au « complot » fomenté par Elena Kotenotchkina et Alexeï Gorinov pour « diffuser publiquement » des informations délibérément mensongères sur les forces armées de la Fédération de Russie, motivées par « la haine politique ou l’hostilité ». Il s’agit des premiers élus du pays à faire l’objet de poursuites judiciaires en vertu des nouvelles dispositions du Code pénal. À l’annonce de ces poursuites, des dizaines de milliers de Russes ont quitté précipitamment le pays de crainte d’être arrêtés et emprisonnés.

Un peu plus tôt, le célèbre homme politique et journaliste russe Vladimir Kara-Mourza avait été arrêté au titre de ce même article. Il a été incarcéré pour s’être exprimé aux États-Unis lors d’une conférence où il avait parlé des événements en Ukraine, en particulier des atrocités commises par l’armée russe à Boutcha. À ce jour, c’est l’élu Alexeï Gorinov qui a écopé de la peine la plus lourde : sept ans de colonie.

Avant cela, en Transbaïkalie, un habitant de la région avait été condamné en vertu de la première partie du même article à une amende d’un million de roubles [près de 20 000 euros]. Un inspecteur du Ministère des situations d’urgence de Crimée a été condamné à cinq ans d’emprisonnement avec sursis au titre de la deuxième partie de cet article pour « diffusion de fausses informations » alors qu’il portait son uniforme.

Un procès de seulement deux jours

Le procès d’Alexeï Gorinov n’a duré que deux jours mais l’accusé devra passer sept ans dans une colonie pénitentiaire. Avant le verdict, Gorinov a fait une déclaration publique devant le tribunal :

« Je pensais — ou bien il me semblait depuis toujours — que notre passé commun nous avait livré quelques leçons importantes. Mon père est revenu de la Seconde Guerre mondiale invalide. Tout comme son frère. Et ils ont eu de la chance de revenir vivants. Mais ils ont rempli leur devoir sacré de défense de la Patrie contre l’ennemi…

Rentrés à la maison, ils ont été avares de paroles sur la guerre. Avec l’âge, j’ai compris pourquoi. Parce que la guerre en soi, en tant qu’activité humaine, quel que soit le synonyme que vous pouvez lui donner, est toujours la besogne la plus basse et la plus sale qui soit.

Je suis convaincu que la guerre est le moyen le plus rapide de déshumanisation, quand la frontière entre le bien et le mal se dissout. La guerre a toujours été violence et sang, corps déchirés et membres amputés. Le résultat est toujours la mort. Et cela, je ne l’accepte pas et je le rejette.

[…] Je pensais que la Russie avait atteint ses limites avec les guerres du siècle dernier. Or notre présent, c’est Boutcha, Irpine, Hostomel… Ces noms de villes vous disent-ils quelque chose ? Je me demande s’il existe encore quelqu’un pour ignorer ce qui s’y est passé. Et n’allez pas dire plus tard que vous ne saviez rien…

Cela fait cinq mois que la Russie mène une guerre sur le territoire d’un État voisin en la qualifiant de manière éhontée d’« opération militaire spéciale ». On nous promet la victoire et la gloire. Pourquoi donc, alors, une partie non négligeable de mes concitoyens ressentent-ils de la honte et de la culpabilité ? Pourquoi donc beaucoup ont-ils quitté la Russie et continuent-ils à partir ? Et pourquoi, tout d’un coup, notre pays a-t-il tant d’ennemis ?

Peut-être que quelque chose ne va pas chez nous ? Réfléchissez un peu ! Donnez-nous la possibilité, au moins, de discuter de ce qui se passe. D’échanger des idées. C’est en fin de compte un droit inscrit dans notre constitution !

En réalité, c’est ce que j’ai fait. Lors de la séance du conseil municipal, j’ai exprimé mon opinion [sur l’organisation d’un concours de dessins d’enfants]1. Cette opinion se fondait sur mes propres convictions. Et j’ai été soutenu par la majorité des personnes présentes !

Mais à présent, je suis au tribunal…

Pendant les années de terreur stalinienne, mon grand-père a été accusé d’appeler au renversement du système soviétique alors qu’il avait directement participé à la création et au renforcement de ce système… Mon grand-père a survécu jusqu’à sa réhabilitation complète — un demi-siècle plus tard. J’espère que je n’aurai pas à attendre si longtemps ma propre réhabilitation ».

Alexandre Tcherkassov, responsable de la branche défense des droits de l’homme de l’organisation Memorial, désormais interdite, a expliqué sur sa page Facebook les raisons qui ont rendu possible cette guerre.

« Un État qui viole les droits de l’homme de manière flagrante et massive à l’intérieur de ses frontières nationales devient immanquablement une menace pour la paix et la sécurité dans le monde. Ceci, si vous voulez, est un théorème qui semblait avoir été définitivement validé par l’expérience de la Seconde Guerre mondiale.

À partir de cette expérience, un système de coopération internationale a été bâti au cours des décennies suivantes, avec des organisations internationales qui étaient censées empêcher la répétition de 1939. Elles n’ont pas réussi : une guerre a de nouveau éclaté au centre de l’Europe.

Aujourd’hui, les naïfs s’interrogent : pourquoi le parlement russe n’a-t-il pas déclenché une procédure d’impeachment ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’interventions des leaders de l’opposition au parlement, ni de campagne anti-guerre dans les médias nationaux ? La réponse est simple : le système parlementaire a depuis longtemps été démantelé et il n’y a aucun parti d’opposition au parlement, il n’en reste qu’un semblant. Les médias, qui sont contrôlés par l’État, sont devenus des instruments de propagande … Les relais d’information qui auraient dû empêcher la guerre n’ont pas fonctionné.

Ces derniers mois, on se pose la question : pourquoi la Russie n’a-t-elle pas connu de manifestations de masse contre la guerre ? Comment l’État arrive-t-il à contrôler si efficacement la société ? La raison de cette situation — et elle n’a rien de négligeable —, c’est la répression politique elle-même, ces poursuites pénales et ces emprisonnements pour activités pacifiques… ».

Alexandre Tcherkassov énumère les journalistes et politiciens qui ont été tués depuis 20 ans sur ordre du président Poutine : la journaliste Anna Politkovskaïa, l’avocat et militant de gauche Stanislav Markelov, l’activiste de Memorial Natalia Estemirova, d’autres encore. « Après 2014, continue-t-il, l’homme politique d’opposition Boris Nemtsov a été un des leaders du mouvement anti-guerre en Russie, il a condamné les agissements russes en Ukraine. En 2015, il a été abattu. Ces morts et tant d’autres morts de journalistes, militants, opposants politiques pouvaient être attribuées à des groupes marginaux ou au pouvoir tchétchène. Mais après la tentative d’empoisonnement d’un autre leader de l’opposition, Alexeï Navalny, et en grande partie grâce à lui, un véritable système d’assassinats politiques par empoisonnement, commis par des agents du pouvoir central russe, a été mis au jour ».

L’affaire Dmitri Talantov

Une deuxième affaire de « fausses informations », qui a eu la même résonnance, est celle qui concerne l’avocat Dmitri Talantov.

Dmitri Talantov est un juriste de 61 ans qui a présidé pendant près de 20 ans le palais de justice d’Oudmourtie, dans la capitale de cette république, Ijevsk. Il y a lutté pour la « probité » de la profession d’avocat, contre la corruption du corps juridique, y compris à Moscou. Il s’est sans doute fait beaucoup d’ennemis. Avant de devenir avocat, Talantov exerçait les fonctions de juge à Ijevsk, mais il a troqué la robe de juge contre celle d’avocat et a défendu ses clients avec succès, dans sa propre république.

Peu à peu, Talantov a été remarqué par des collègues de Moscou plus connus que lui. Lorsque l’avocat Ivan Pavlov, qui avait traité presque tous les cas de « haute trahison » en Russie, a été contraint de quitter le pays après avoir commencé à défendre le célèbre journaliste Ivan Safronov, Talantov a pris la relève.

Après le 24 février, ébranlé par l’agression russe contre l’Ukraine, il a commencé à poster des déclarations audacieuses sur les réseaux sociaux, ce qui lui a valu d’être arrêté le 29 juin. Il a été incarcéré au centre de détention provisoire Lefortovo, où se trouve son ancien client, Ivan Safronov.

Pour quelle raison ?

Talantov a été arrêté à cause d’un post sur Facebook dans lequel il s’indignait des atrocités commises par l’armée russe à Kharkiv, Marioupol, Irpine et Boutcha. En somme, pour cinq lignes sur Facebook, il risque jusqu’à dix ans de privation de liberté.

Des dizaines de médias ont commenté « l’affaire Talantov », plusieurs confrères sont venus assister à la première audience du tribunal. Néanmoins, la cour s’est prononcée pour le placement de l’avocat en détention provisoire, malgré les malaises dont celui-ci avait été victime et qui avaient nécessité l’intervention des urgences.

L’expertise linguistique a découvert, dans les notes de Talantov, « des informations sur des meurtres de masse de civils sur le territoire de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie », et décelé « une attitude négative, hostile et méprisante à l’égard du président Poutine et de sa politique ».

L’affaire de l’opposant Ilya Iachine

Et pour finir, l’affaire Iachine. Ilya Iachine est un homme politique d’opposition, député municipal, compagnon de Boris Nemtsov et d’Alexeï Navalny. L’un des derniers opposants russes qui était encore en liberté.

Le 29 juin 2022, Ilya Iachine a eu 39 ans. Il a fêté son anniversaire dans un centre de détention provisoire, où il avait été envoyé pour 15 jours pour avoir soi-disant désobéi à la police. Ce soir-là, alors qu’il devait être relâché, des poursuites ont été intentées contre lui au titre du même article 207 du Code pénal. Il reste donc en détention provisoire.

Voici ce qu’écrit Iachine sur sa page Facebook depuis sa cellule :

« J’ai enregistré cette vidéo quelques heures avant mon arrestation. Je voulais montrer comment la guerre divise notre société, comment elle déchire des familles, transforme des amis en ennemis, montre qui est qui. Et cette fracture est particulièrement frappante dans le monde du showbiz.

Les vedettes populaires russes achetées par Poutine inspirent le dégoût. Baskov pleurnichant qu’il a cessé de considérer les Ukrainiens comme des êtres humains. Leps parti jouer à la guéguerre dans le Donbass en brandissant une mitrailleuse […] Gazmanov et Timati grimaçant aux meetings de Russie unie. Dioujev s’étouffant dans son propre pathos.

Mais toutes [les vedettes] ne sont pas prêtes à soutenir une guerre en échange de bonus offerts par l’État. Cette vidéo montre comment de vraies stars se comportent avec dignité en comparaison de ces pitoyables clowns. Ce sont des personnes qui ne transigent pas avec leurs principes et élèvent la voix contre la barbarie de l’« opération spéciale ».

Voici un post d’Ilya Iachine sur Facebook, daté du 16 juin, lorsqu’il a déjà été arrêté.

« Bonjour à tous depuis le centre de détention provisoire de Petrovka. Bien sûr, il n’y pas grand-chose d’agréable ici, mais c’est supportable. Des gens hauts en couleur, des destins incroyables, des discussions intéressantes. J’aurai encore beaucoup d’histoires à vous raconter. En attendant, je vais vous dire ce que j’ai pu apprendre sur mon dossier à partir de divers documents et de nombreuses conversations.

  1. Le pouvoir ne tenait pas à me mettre en prison. Comme je le supposais, il pensait que je serais un prisonnier problématique, qui ferait beaucoup de bruit. Les membres de l’administration présidentielle qui ont pris cette décision auraient ainsi préféré que je parte en émigration. Perquisition à la municipalité, pression sur les députés de mon équipe, surveillance appuyée de mes proches, un bouquet d’affaires administratives — tout cela pour me pousser à émigrer.
  2. J’ai déclaré publiquement à de nombreuses reprises que je ne quitterais pas la Russie mais la « direction » pensait que c’était du bluff et qu’il fallait simplement exercer encore un peu de pression. Ces gens ne croyaient pas qu’on puisse être vraiment prêt à aller en prison pour ses convictions. Franchement, c’est même un peu vexant qu’ils aient pensé cela de moi.
  3. La dernière goutte a été l’interview que j’ai accordée à Youri Doud (un des journalistes russes les plus populaires, déclaré « agent de l’étranger ») sur YouTube2. Cette interview a provoqué une forte irritation et la question a été carrément posée aux forces de l’ordre : si vous ne pouvez pas le renvoyer du pays, pourquoi est-il encore en liberté ? C’est après cela qu’il a été décidé d’ouvrir une action pénale.
  4. Le nom du membre de l’administration présidentielle qui a donné l’ordre de me mettre en prison ne m’a pas été communiqué. Je peux imaginer que c’était Sergueï Kirienko (ancien Premier ministre, actuel responsable de la politique intérieure au sein de l’administration présidentielle). Si tel est le cas, alors le destin nous livre un vrai scénario de film. Boris Nemtsov a été notre ami à tous les deux à des moments différents : c’est lui qui a invité Kirienko à quitter Nijni Novgorod pour rejoindre le gouvernement en 1997. Et voilà que Nemtsov a été assassiné et que l’un de ses amis en a emprisonné un autre.
  5. La personne chargée de mon dossier est le lieutenant-colonel Ivan Koutcherov. Il a laborieusement analysé mes émissions, mes vidéos, mes interventions, a enregistré mes propos et griffonné des rapports. Son travail a abouti à ces poursuites.
  6. L’accusation portée contre moi se résume à ceci. Le 7 avril, lors d’un direct sur YouTube, j’ai montré un extrait d’un reportage de la BBC réalisé depuis la ville ukrainienne de Boutcha, où les habitants parlaient des exactions commises par les soldats russes. Le Kremlin considère le massacre de Boutcha comme « une mise en scène et une provocation du régime de Kyiv », comme il est précisé dans le communiqué officiel du Ministère de la Défense de la Fédération de Russie (le communiqué est joint au dossier). Mais voilà ce qui est drôle : dans mon dossier, il est également indiqué que j’ai moi-même cité, lors de mon direct, cette déclaration du Ministère.

« Qu’y a-t-il de criminel, même au regard de vos lois insensées, à citer, après le sujet de la BBC, le Ministère de la Défense ? » — ai-je demandé à mon enquêteur.

« Eh bien, Ilya Valerievitch, tu n’as pas précisé que tu étais d’accord avec cette déclaration, n’est-ce pas ? » — a expliqué le lieutenant-colonel.

Et c’est là que réside mon crime, pour que vous compreniez : je n’ai pas dit que j’étais d’accord avec la déclaration du Ministère de la Défense. Article 207.3, partie 2, al. d), du Code pénal de la Fédération de Russie… Jusqu’à dix ans de prison ».

Outre le député municipal Alexeï Gorinov, l’avocat Dmitri Talantov, l’opposant Ilya Iachine et des dizaines d’autres, une autre personne a été accusée de diffusion de « fausses informations» et condamnée à quatre ans de colonie pénitentiaire. Il s’agit d’Andreï Pivovarov, l’ancien directeur de « Open Russia »3.

« On m’a envoyé en prison pour quatre ans. Mais rien n’est fini. Oui, c’est désagréable, mais je sais que la majorité des gens me soutiennent. Ce que j’ai fait et dit était juste. C’est précisément pour cela que je suis en prison. Je suis certain que notre pays va changer et que tout ira bien. Rien n’est terminé. On vaincra », a-t-il transmis au monde libre depuis sa cellule.

Le murmure du quidam

« L’adoption de la loi réprimant les déclarations anti-guerre a eu un effet « positif » incroyable pour le régime, explique le politologue Kirill Rogov. Les gens ont quitté en masse le pays, ils ont fermé leurs comptes sur les réseaux sociaux, ou effacé leur historique : la loi a fonctionné de telle manière qu’il n’était pas nécessaire de réprimer qui que ce soit.

Les données des enquêtes d’opinion l’ont prouvé : le soutien à la guerre dans la sphère publique a augmenté entre mi-mars et début mai. Cela signifie que les opposants à la guerre sont devenus de moins en moins audibles dans l’espace public, à l’inverse de ses partisans…

Mais l’on voit que cette tendance commence à s’inverser. Le régime a besoin de démontrer à la population que la loi est efficace et dissuasive. Or l’effet strictement informationnel de celle-ci semble épuisé. Le régime ne sent pas encore d’opposition ouverte à la guerre mais il perçoit l’inquiétant murmure inarticulé du quidam. Et il le craint. Aussi entend-il, avec l’exemple de Gorinov et de Iachine, montrer combien il est risqué pour tout un chacun de rendre ce murmure public », conclut Rogov.

Traduit du russe par Laetitia Kouzmenkov, revu par Fabienne Lecaillier.

Alexeï Timofeïev est un pseudonyme.

Notes

  1. Pour Gorinov, il aurait été indécent d’organiser un concours de dessins d’enfants à Moscou alors que des enfants ukrainiens mouraient dans des bombardements de l’armée russe.
  2. Cette interview a été visionnée plus de neuf millions de fois.
  3. ONG créée par Mikhaïl Khodorkovski, déclarée indésirable et dissoute.

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