Joe Biden : « Nous nous trouvons à un point d’inflexion de l’histoire »

Desk Russie publie la traduction de l’allocution télévisée historique du président américain Joe Biden prononcée le 20 octobre. Dans leur compte-rendu de cette prise de parole, les médias ont généralement mis l’accent sur le montant de l’aide que Joe Biden s’apprêtait à demander au Congrès pour Israël et pour l’Ukraine. Mais l’aspect le plus important se trouvait sans doute dans la manière dont Joe Biden a cherché à montrer le lien entre ces deux conflits, ainsi que les enjeux qu’ils impliquent pour les États-Unis et leurs alliés à l’échelle mondiale. Ce discours comporte en particulier une allusion aux livraisons d’armes effectuées par les États-Unis aux forces anti-nazies pendant la Seconde Guerre mondiale.

Bonsoir, chers compatriotes américains. Nous nous trouvons à un point d’inflexion de l’histoire — un de ces moments où les décisions que nous prenons aujourd’hui vont déterminer l’avenir pour les décennies à venir. C’est de cela que je voudrais vous parler ce soir.

Ce matin, je suis rentré d’Israël. On m’a dit que j’étais le premier président américain à s’y rendre en temps de guerre. 

J’ai rencontré le Premier ministre et les membres de son cabinet. Et le plus émouvant, c’est que j’ai rencontré des Israéliens qui ont personnellement vécu l’horreur de l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre. 

Plus de 1 300 personnes ont été massacrées en Israël, dont au moins 32 citoyens américains. Des dizaines d’innocents — des nourrissons aux grands-parents âgés, des Israéliens, des Américains — pris en otage.

Comme je l’ai dit aux familles des Américains retenus en captivité par le Hamas, nous mettons tout en œuvre pour ramener leurs proches à la maison. En tant que président, il n’y a pas de priorité plus importante pour moi que la sécurité des Américains retenus en otage.

Le groupe terroriste Hamas a déchaîné le mal pur et simple dans le monde. Mais malheureusement, le peuple juif sait, peut-être mieux que quiconque, qu’il n’y a pas de limite à la dépravation des gens lorsqu’ils veulent infliger de la douleur aux autres.

En Israël, j’ai vu un peuple fort, déterminé, résistant, mais aussi en colère, en état de choc et en proie à une douleur profonde.

Je me suis également entretenu avec le président Abbas de l’Autorité palestinienne et j’ai réaffirmé que les États-Unis restaient attachés au droit du peuple palestinien à la dignité et à l’autodétermination. Les actions des terroristes du Hamas n’enlèvent rien à ce droit.

Comme tant d’autres, j’ai le cœur brisé par la perte tragique de vies palestiniennes, notamment par l’explosion d’un hôpital à Gaza — qui n’a pas été causée par les Israéliens. 

Nous pleurons chaque vie innocente perdue. Nous ne pouvons pas ignorer l’humanité des Palestiniens innocents qui ne demandent qu’à vivre en paix et à avoir une vie décente.

Vous savez, l’assaut contre Israël fait écho à près de 20 mois de guerre, de tragédie et de brutalité infligées au peuple ukrainien — un peuple qui a été très durement touché depuis que Poutine a lancé son invasion totale.

Nous n’avons pas oublié les charniers, les corps retrouvés portant des traces de torture, le viol utilisé comme arme par les Russes, et les milliers et milliers d’enfants ukrainiens emmenés de force en Russie, volés à leurs parents. C’est répugnant.

Le Hamas et Poutine représentent des menaces différentes, mais ils ont un point commun : ils veulent tous deux anéantir complètement une démocratie voisine. L’anéantir complètement. 

Le Hamas, dont l’objectif déclaré est la destruction de l’État d’Israël et l’assassinat du peuple juif, ne représente pas le peuple palestinien. 

Le Hamas ne représente pas le peuple palestinien. Le Hamas utilise des civils palestiniens comme boucliers humains, et des familles palestiniennes innocentes souffrent énormément à cause de lui.

Pendant ce temps, Poutine nie que l’Ukraine ait ou ait jamais eu un véritable statut d’État. Il prétend que l’Union soviétique a créé l’Ukraine. Il y a tout juste deux semaines, il a déclaré au monde que si les États-Unis et leurs alliés retiraient leur soutien militaire à l’Ukraine — et si les États-Unis se retirent, nos alliés le feront aussi —, il ne lui resterait, je cite, « plus qu’une semaine à vivre ». Mais nous ne nous retirerons pas.

Je sais que ces conflits peuvent sembler lointains. Et il est naturel de se demander : pourquoi est-ce important pour l’Amérique ?

Permettez-moi donc de vous expliquer pourquoi il est vital pour la sécurité nationale des États-Unis de veiller à la réussite d’Israël et de l’Ukraine. Vous savez, l’histoire nous a appris que lorsque les terroristes ne paient pas le prix de leur terreur, lorsque les dictateurs ne paient pas le prix de leur agression, ils provoquent encore plus de chaos, de morts et de destructions. Ils continuent, et le coût et les menaces pour l’Amérique et le monde ne cessent d’augmenter. 

Donc, si nous n’arrêtons pas l’appétit de Poutine pour le pouvoir et le contrôle en Ukraine, il ne se limitera pas seulement à l’Ukraine. Poutine a déjà menacé de « rappeler » — je cite — « rappeler » à la Pologne que son territoire occidental était un cadeau de la Russie.

L’un de ses principaux conseillers, un ancien président russe, a qualifié l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie de « provinces baltes » de la Russie. Ces États sont tous des alliés de l’OTAN.

Depuis 75 ans, l’OTAN maintient la paix en Europe et constitue la pierre angulaire de la sécurité américaine. Et si Poutine attaque un allié de l’OTAN, nous défendrons chaque centimètre carré de l’OTAN, comme l’exige et le demande le traité.

Nous aurons quelque chose que nous ne cherchons pas — soyons clairs : nous ne cherchons pas —, nous ne cherchons pas à ce que des troupes américaines se battent en Russie ou contre la Russie. 

Au-delà de l’Europe, nous savons que nos alliés et, peut-être plus important encore, nos adversaires et nos concurrents nous observent. Ils observent également notre réaction en Ukraine.

Et si nous nous détournons et laissons Poutine effacer l’indépendance de l’Ukraine, des agresseurs potentiels à travers le monde seront encouragés à essayer de faire de même. Le risque de conflit et de chaos pourrait s’étendre à d’autres parties du monde — dans l’Indo-Pacifique, au Moyen-Orient… en particulier au Moyen-Orient. 

L’Iran soutient la Russie en Ukraine, ainsi que le Hamas et d’autres groupes terroristes dans la région. Et nous continuerons à tenir ce pays pour responsable. 

Les États-Unis et leurs partenaires dans la région s’efforcent de construire un meilleur avenir pour le Moyen-Orient, un avenir dans lequel le Moyen-Orient sera plus stable, mieux connecté à ses voisins, notamment grâce à des projets innovants tels que le corridor ferroviaire Inde-Moyen-Orient-Europe que j’ai annoncé cette année, lors du sommet des plus grandes économies du monde. Des marchés plus prévisibles, plus d’emplois, moins de colère, moins de griefs, moins de guerres, c’est ce qu’apporteront ces liaisons. Les populations en bénéficieront — les populations du Moyen-Orient — et nous en bénéficierons. 

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Compte X @POTUS, capture d’écran

Le leadership américain est ce qui maintient l’unité du monde. Les alliances américaines sont ce qui assure notre sécurité, celle de l’Amérique. Les valeurs américaines font de nous un partenaire avec lequel les autres nations veulent travailler. Mettre tout cela en péril, ce qui se passerait si nous nous détournons de l’Ukraine, si nous tournons le dos à Israël, cela n’en vaut tout simplement pas la peine.

C’est pourquoi, demain, j’enverrai au Congrès une demande urgente de budget pour financer les besoins des États-Unis en matière de sécurité nationale, pour soutenir nos partenaires essentiels, y compris Israël et l’Ukraine. 

Il s’agit d’un investissement intelligent, qui portera ses fruits pour la sécurité des États-Unis pendant des générations, qui nous aidera à maintenir les troupes américaines à l’abri du danger et à construire un monde plus sûr, plus pacifique et plus prospère pour nos enfants et nos petits-enfants.

En Israël, nous devons nous assurer qu’ils disposent de ce dont ils ont besoin pour protéger leur peuple aujourd’hui et toujours.

Le paquet de mesures de sécurité que j’envoie au Congrès et que je lui demande d’adopter est un engagement sans précédent en faveur de la sécurité d’Israël, qui renforcera l’avantage militaire qualitatif d’Israël, auquel nous nous sommes engagés — l’avantage militaire qualitatif.

Nous allons veiller à ce que le Dôme de fer continue de protéger le ciel d’Israël. Nous veillerons à ce que les autres acteurs hostiles de la région sachent qu’Israël est plus fort que jamais et nous empêcherons ce conflit de s’étendre.

Dans le même temps, le Premier ministre Netanyahou et moi-même avons à nouveau discuté hier de la nécessité cruciale pour Israël de respecter les lois de la guerre. Cela signifie qu’il doit protéger les civils au combat du mieux qu’il peut. La population de Gaza a un besoin urgent de nourriture, d’eau et de médicaments.

Hier, lors de discussions avec les dirigeants israéliens et égyptiens, j’ai obtenu un accord pour une première livraison d’aide humanitaire des Nations Unies aux civils palestiniens de Gaza. Si le Hamas ne détourne pas ou ne vole pas cette cargaison, nous ouvrirons la voie à un acheminement durable de l’aide humanitaire vitale pour les Palestiniens.

Et comme je l’ai dit en Israël : Aussi difficile que cela soit, nous ne pouvons pas renoncer à la paix. Nous ne pouvons pas renoncer à une solution à deux États.

Israël et les Palestiniens méritent tous deux de vivre dans la sécurité, la dignité et la paix.

[…]

Hier, lorsque j’étais en Israël, j’ai dit que lorsque l’Amérique a vécu l’enfer du 11 septembre, nous nous sommes aussi sentis enragés. Bien que nous ayons cherché et obtenu justice, nous avons commis des erreurs. J’ai donc averti le gouvernement israélien de ne pas se laisser aveugler par la colère.

Et ici, en Amérique, n’oublions pas qui nous sommes. Nous rejetons toutes les formes de haine — toutes les formes —, que ce soit à l’égard des musulmans, des juifs ou de quiconque. C’est ce que font les grandes nations, et nous sommes une grande nation. 

En ce qui concerne l’Ukraine, je demande au Congrès de veiller à ce que nous puissions continuer à envoyer à l’Ukraine les armes dont elle a besoin pour se défendre et ce sans interruption, afin que l’Ukraine puisse mettre fin à la brutalité de Poutine. 

Ils [les Ukrainiens, NDLR] remportent des succès.

Lorsque Poutine a envahi l’Ukraine, il pensait prendre Kyïv et toute l’Ukraine en quelques jours. Plus d’un an plus tard, Poutine a échoué et continue d’échouer. Kyïv tient toujours grâce à la bravoure du peuple ukrainien.

L’Ukraine a repris plus de 50 % du territoire occupé par les troupes russes, avec l’appui d’une coalition dirigée par les États-Unis et composée de plus de 50 pays du monde entier, qui ont tous fait leur part pour soutenir Kyïv.

Que se passerait-il si nous nous détournons ? Nous sommes la nation essentielle.

Pendant ce temps, Poutine s’est tourné vers l’Iran et la Corée du Nord pour acheter des drones d’attaque et des munitions afin de terroriser les villes et la population ukrainiennes.

Dès le départ, j’ai dit que je n’enverrais pas de troupes américaines combattre en Ukraine.

Tout ce que l’Ukraine demande, c’est de l’aide — des armes, des munitions, la capacité de repousser les forces d’invasion russes hors de son territoire et des systèmes de défense aérienne pour abattre les missiles russes avant qu’ils ne détruisent les villes ukrainiennes.

Que les choses soient claires : nous envoyons à l’Ukraine des équipements qui se trouvent dans nos stocks. Et lorsque nous utilisons l’argent alloué par le Congrès, nous l’utilisons pour réapprovisionner nos propres magasins — nos propres stocks — avec de nouveaux équipements — des équipements qui défendent l’Amérique et qui sont fabriqués en Amérique : les missiles Patriot pour les batteries de défense aérienne sont fabriqués en Arizona ; les obus d’artillerie sont fabriqués dans 12 États du pays — en Pennsylvanie, dans l’Ohio, au Texas — et bien d’autres choses encore. 

Vous savez, tout comme pendant la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui, des travailleurs américains patriotes construisent l’arsenal de la démocratie et servent la cause de la liberté.

Permettez-moi de conclure par ceci. Au début de cette année, j’ai embarqué à bord d’Air Force One pour un vol secret à destination de la Pologne. Là, j’ai pris un train aux vitres occultées pour un trajet de 10 heures aller-retour jusqu’à Kyïv afin de me tenir aux côtés du peuple ukrainien à l’approche du premier anniversaire de son courageux combat contre Poutine.

On m’a dit que j’étais le premier président américain, depuis le président Lincoln, à entrer dans une zone de guerre non contrôlée par l’armée des États-Unis.

Je n’étais accompagné que d’un petit groupe de personnel de sécurité et de quelques conseillers.

Mais lorsque je suis sorti du train et que j’ai rencontré Zelensky, le président Zelensky, je ne me suis pas senti seul. J’apportais avec moi l’idée de l’Amérique, la promesse de l’Amérique aux personnes qui se battent aujourd’hui pour les mêmes choses que celles pour lesquelles nous nous sommes battus il y a 250 ans : la liberté, l’indépendance, l’autodétermination.

En marchant dans Kyïv avec le président Zelensky, alors que les sirènes d’alerte aérienne retentissaient au loin, j’ai ressenti plus fortement que jamais une chose en laquelle j’ai toujours cru : l’Amérique est un phare pour le monde entier, et c’est pour cela qu’elle est une source d’inspiration. L’Amérique est encore un phare pour le monde. Encore.

Nous sommes, comme l’a dit mon amie Madeleine Albright, « la nation indispensable ».

Ce soir, à travers le monde, des innocents ont de l’espoir grâce à nous, croient en une vie meilleure grâce à nous, veulent désespérément ne pas être oubliés par nous et nous attendent. 

Mais le temps presse. 

Je sais que nous avons des divisions chez nous. Nous devons les surmonter. Nous ne pouvons pas laisser la politique mesquine, partisane et agressive nous empêcher d’assumer nos responsabilités en tant que grande nation. 

Nous ne pouvons pas laisser des terroristes comme le Hamas et des tyrans comme Poutine gagner, et nous ne le ferons pas. Je refuse que cela se produise. 

Dans des moments comme celui-ci, nous devons nous rappeler — nous devons nous rappeler qui nous sommes. Nous sommes les États-Unis d’Amérique — les États-Unis d’Amérique. Et il n’y a rien — rien — qui dépasse notre capacité si nous agissons ensemble.

Chers compatriotes américains, je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé.

Que Dieu vous bénisse tous. Et que Dieu protège nos troupes.

Traduit par Desk Russie. Version originale.

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