Riposte laïque, la poutinolâtrie au quotidien

Dans cet article, Vincent Laloy, attaqué par Riposte Laïque pour un article qu’il a publié il y a un an et demi sur Desk Russie, revient sur les engagements fortement marqués de ce média et dénonce ce porte-voix du Kremlin. Un exercice salutaire à l’heure où « la chorale pro-russe » est de plus en plus audible en France.

Le site d’extrême droite a mis un an et demi pour découvrir notre papier à lui consacré le 25 novembre 2023… Nul doute qu’il mettra aussi longtemps pour lire l’excellent article de Yann Barte dans Franc-tireur du 9 avril 2025, qui rappelle que ledit site est hébergé en Russie. Seulement hébergé ?

Deux répliques à notre papier précité, dont celle d’un certain Oulahbib, qui paraît se décrire lui-même dans son titre « Vincent Laloy, symbole d’une France qui devient un pays sous-développé intellectuellement », car dans le style confus et amphigourique, c’est un modèle du genre. Du reste, parmi les réactions à sa prose, celle signée Paringaux la juge « toujours aussi illisible, on frole (sic) la masturbation intellectuelle, essaye de faire simple ». Rappelons que ledit Oulahbib titrait « Poutine n’avait aucun intérêt à tuer Navalny… » (18 février 2024), rejoint par un Mélenchon qui, bien avant que cet opposant russe ne passe de vie à trépas, lançait que ce « libéral, ce n’est pas mon ami ».

L’autre réplique, à la une, signée du pseudonyme Cyrano, qui ne répond en rien à notre chronique de 2023 – insérée intégralement –, nous vaut d’autres commentaires, la plupart rédigés dans un français et des abréviations souvent impénétrables – à chacun ses capacités ! – sans rapport en tout cas avec ce que nous avons alors écrit. L’un d’eux nous traite de « sioniste », car comment ne pas considérer Israël victime de ces ignobles terroristes (jamais condamnés par Moscou) ? S’agissant de l’islam, le site, parfois fanatique, n’est-il pas quelquefois inspiré ?

On ne reprendra pas, depuis novembre 2023, le permanent récitatif moscovite de Jacques Guillemain, auquel l’on pourrait consacrer un fort volume. Contentons-nous de relever qu’il recopie, dans ses élucubrations du 16 avril, le discours moscovite concernant les trente-cinq morts et la centaine de blessés de Soumy, à savoir que cette tuerie serait le fruit des militaires ukrainiens, lesquels s’en seraient servis comme d’un bouclier humain. Le 23 février 2025, Guillemain titrait « Odieux silence de l’Occident face aux actes de barbarie ukrainiens », à l’opposé, en quelque sorte, de ces braves soldats russes, pacifiques, eux, qui ne font de mal à personne… Ou son autre papier, du 11 janvier, intitulé « Zelensky pousse à la troisième guerre mondiale car la paix lui fait peur ». Il n’est pas une de ses tribunes qui ne glorifie saint Poutine et n’accable l’Occident agressif, dévoyé, corrompu, traité de « nazi », bref désignant systématiquement les victimes en coupables.

Faut-il rappeler que Guillemain s’étonnait, en 2006, que l’on puisse s’inquiéter que la Corée du Nord et l’Iran acquièrent l’arme nucléaire alors qu’Israël la détenait, comme si l’on pouvait mettre en parallèle la seule démocratie régionale, menacée de toutes parts, avec ces États terroristes1 ?

Dans le genre Guillemain, Riposte laïque ouvre ses colonnes, le 23 janvier 2024, au dénommé Laurent Droit qui, dans sa « Lettre ouverte d’amitié à M. le président Vladimir Poutine », se prosterne face à « un grand homme et un grand chef d’État », au contraire des dirigeants français, présentés comme des « traîtres et criminels », pas moins.

Le 18 avril 2025, Christian Navis va jusqu’à établir, à propos de la tuerie de Soumy, un parallèle entre les militaires d’Ukraine et le Hamas, convaincu que des djihadistes ont été recrutés par Kyïv ! C’est ce même auteur qui, après la disparition de Navalny, aurait souhaité intituler son article « Mort d’un pourri », qui finalement devient « Navalny, un individu trouble dont le nouvel ordre mondial fait un héros » (17 février 2024), la victime de Poutine étant qualifiée toutefois de « repris de justice, traître à sa patrie ». Plus ignoble, l’on meurt ! Le même Navis prend la défense de Xenia Fedorova, « brillante journaliste, bâillonnée en France » (13 mars 2024), dont nombre d’auteurs, tel Yann Barte, dans Franc-tireur du 26 février 2025, ont rappelé les hauts faits et gestes, comme sa défense du Monde diplomatique.

Riposte laïque a aussi abrité les élucubrations de Michel Bugnon-Mordant. Le 15 décembre 2023, celui-ci se demande si Washington n’a pas provoqué le tremblement de terre en Turquie et Syrie. N’affirma-t-il pas, à l’instar d’un Thierry Meyssan, que l’Amérique aurait organisé les attentats du 11 septembre 2021 ? Faut-il s’étonner du compte rendu favorable, dans Le Monde diplomatique de décembre 1998, de son livre L’Amérique totalitaire, sous la plume de Paul-Marie de La Gorce, dont il a été révélé depuis lors que ce gaulliste intransigeant était un agent rémunéré des services soviétiques ?

Marc Rousset bientôt naturalisé russe ?

Se prétendant défenseur de notre langue mais usant et abusant de l’impropre « suite à » – que réprouve l’Académie française –, ce diplômé d’HEC de 81 ans a droit de cité permanent au sein de Riposte laïque, où il déverse sa haine de l’Occident et son fanatisme poutinien. Qu’on en juge. Le 15 mars 2022, il se vante d’avoir été le seul géopoliticien en France prédire, une semaine à l’avance, l’intervention russe, « en précisant que, si Poutine n’avait pas le courage d’intervenir militairement en Ukraine, ce ne serait plus un grand homme d’État ».

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Marc Rousset et la couverture de son livre // politique-actu.com

Le site fait grand cas, notamment sous la plume de Guillemain, de son livre de 370 pages, Notre faux ami l’Amérique – Pour une alliance avec la Russie, préfacé par Piotr Tolstoï, vice-président de la Douma. C’est la Russie, selon Rousset, qui a sauvé la France lors des deux guerres mondiales (3 mai 2024), tandis que l’Amérique n’est intervenue, en juin 1944, que pour s’emparer du pays et non le libérer (13 mai 2024). Trois papiers s’intitulent « Le mirage de la menace russe en Europe ! » (21, 22, 27 mai 2024), condamnant « l’agression de l’Amérique et de ses stupides valets européens, via l’OTAN » contre Poutine, « Européen visionnaire » (23 mai 2024), « un grand homme d’État : le nouveau De Gaulle russe » (16 juin 2024). Rousset invoque ce dernier, ainsi que Chevènement, Vincent Desportes, Alain de Benoist, Eric Branca, Noam Chomsky, Hélène Carrère d’Encausse, Régis Debray, Roland Dumas, Guaino, Oliver Stone, Védrine, Villiers, Julien Assange ou Renaud Girard. Il ne manque que Asselineau, Fillon, Todd et Philippot ! Le même Rousset dénonce « La scandaleuse expansion de l’OTAN à l’Est », citant Paul-Marie de La Gorce ou Pierre Lellouche  (29, 30 mai 2024). Pour cet oracle proclamé, « L’Amérique est la seule véritable responsable de la guerre en Ukraine » contre « l’homme d’État Poutine » (31 mai, 1er juin 2024).

Il va même jusqu’à titrer l’un des trois de ses articles « L’Amérique représente le camp du mal et des crimes contre l’humanité » (7, 9 juin 2024), à la notable différence de l’idéologie communiste et ses cent millions de victimes… Celui du 7 septembre 2024 s’intitule « L’avenir de la France est avec la Russie et non pas avec l’Amérique », l’enjoignant de « quitter l’OTAN et s’allier avec la Russie ».

On le voit participer à des journées organisées, en août-septembre 2024, par la revue antisémite Lectures françaises. Son livre susmentionné va devenir, selon son auteur, un « best-seller mondial » (20 décembre 2024), évidemment traduit en russe. Séjournant alors à Moscou : « J’ai été reçu chaleureusement, naturellement, écrit-il le 15 janvier suivant, et en toute simplicité à Moscou, pendant 10 jours […], par les plus hautes personnalités intellectuelles ou politiques, pour avoir été invité à déjeuner par M. Piotr Tolstoï […], pour avoir rencontré […] M. Antoli Torkounov, un très grand homme d’État très influent en Russie, un très grand historien […]. Il se vante d’avoir rencontré le petit-fils de Gromyko, lointain sinistre prédécesseur du non moins sinistre Lavrov, et proclame que son bouquin est un best-seller en Russie, « convaincu [ô modestie !] de l’importance de cet ouvrage, de ce livre unique de ma vie » (15 janvier 2025).

Dans le cadre de ce séjour moscovite, Rousset tient une conférence devant les étudiants du MGIMO, où il expose que la Russie, « bien plus amicale que les États-Unis », est davantage menacée que l’Europe et qu’il conviendrait que cette dernière cesse de la harceler avec sa « propagande mensongère », de même que l’Amérique (20 janvier 2025). Son « best-seller » – que l’on ne trouve dans aucune librairie du Quartier latin – ne lui aura valu, se lamente Rousset, qu’une réponse manuscrite de Philippe de Villiers (10 mars 2025), mais dont il a été question sur divers sites, parmi lesquels figure Omerta, évidemment. Faire préfacer son bouquin par ce Tolstoï qui a prévenu que la Russie pourrait frapper Paris avec l’arme nucléaire, on appréciera. Rousset annonce un prochain séjour à Moscou d’une durée d’un mois et demi. Aux frais de qui ? Sur son blog à la date du 20 janvier, il a lancé une pétition pour qu’un hommage solennel soit rendu aux Invalides au défunt Le Pen.

L’éditorial de Riposte laïque du 20 avril, toujours signé Cyrano, s’indigne que l’écrivain Renaud Camus soit interdit de séjour en Grande-Bretagne et l’on ne serait pas loin de le rejoindre, sauf quand ledit Cyrano accuse le Premier ministre britannique « d’entraîner toute l’Europe dans une guerre criminelle contre la Russie de Poutine ». Camus, fort inspiré à ce sujet, voire lucide, lui, n’hésite pas à qualifier ce dernier de « tyran sanguinaire et mafieux [qui] envahit un pays voisin et lui fait subir le martyre ». Plus anciennement, il estimait que le pays de Poutine « n’est pas le nôtre, que la Russie a opprimé affreusement la moitié de l’Europe pendant un demi-siècle, que leurs intérêts à elle et à lui, sur de très nombreux points, ne sont pas ceux de la France et des autres nations du continent » alors que « ce dont rêvent bon nombre de poutinomanes et d’actuels russolâtres, c’est plutôt que l’Europe devienne russe, dirait-on, se mette à la remorque de la Russie2 ».

Le parti de l’étranger continue d’œuvrer et ce depuis toujours : le régime hitlérien ne fut pas seulement soutenu par le pouvoir en place lors de la dernière guerre mais aussi, durant le pacte germano-soviétique (1939-1941), par le parti communiste, par ailleurs toujours inféodé à Moscou, suivi par les extrêmes d’aujourd’hui, dont la France dite insoumise, soumise également, plus que jamais, au diktat islamiste.

mystery man

Auteur, membre du comité de rédaction de Commentaire, ancien fonctionnaire et élu local.

Notes

  1. « Hypocrisie de haut vol », 20 minutes, 11 janvier 2006.
  2. Cité par Olivier Schmitt, Pourquoi Poutine est notre allié ? Autonomie d’une passion française, Hikari éditions, 2017, p. 25.

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