Le 6 octobre, une Communauté politique européenne était inaugurée lors d’un sommet à Prague. Mais selon le géopoliticien Jean-Sylvestre Mongrenier, cet ensemble aux contours imprécis ne doit pas occulter la primauté des instances euro-atlantiques (Union européenne et l’OTAN), à la fois pour l’Ukraine et pour la défense d’une Europe unie et libre.
Il n’est pas certain que l’« opération spéciale » lancée contre l’Ukraine par Vladimir Poutine, le 24 février 2022, et la déclaration de guerre à l’« Occident collectif » qui suivit, le 30 septembre dernier, aient complètement levé le voile qui a longtemps occulté la menace russe. Le refus d’admettre que nous sommes bel et bien engagés dans un conflit hégémonique ainsi que la focalisation de la vie publique sur le thème du pouvoir d’achat, quand ce ne sont pas les rapports hommes/femmes, laissent penser le contraire. Pourtant, la résistance militaire de l’Ukraine et l’entreprise de reconquête des territoires perdus ont modifié la configuration géopolitique de l’Europe.
Dans un discours prononcé au Parlement européen, le 9 mai, Emmanuel Macron lançait l’idée d’une « Communauté politique européenne » qui, autour de l’Union européenne (UE), regrouperait un ensemble de pays amis, alliés et partenaires sur le continent et ses approches géographiques (Turquie et pays du Caucase du Sud). Formulée alors que l’« opération spéciale » lancée par Vladimir Poutine contre Kiev entrait dans son troisième mois, la proposition suscita un certain scepticisme, d’autant plus que le président français repoussait sine die la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne (une affaire de décennies, selon ses propos). Cette Communauté politique européenne ne serait-elle donc pas un subterfuge pour placer sur une « voie de garage » les pays des Balkans occidentaux et d’Europe centre-orientale ?
À l’origine de la Communauté politique européenne
La visite des dirigeants français, allemand, italien et roumain à Kiev, le 16 juin,, et l’affirmation selon laquelle l’Ukraine appartenait à la « famille européenne » levèrent une première hypothèque qui pesait sur la Communauté politique européenne. Le 23 juin suivant, le Conseil européen acceptait la candidature de l’Ukraine à l’UE. Cela permit à la diplomatie française de promouvoir le projet d’une communauté qui serait autre chose qu’un succédané (« voie de garage ») ou qu’une antichambre de l’UE. La chose était importante pour les pays candidats, Turquie comprise1, comme pour ceux destinés à demeurer à l’extérieur de son périmètre. Tel est le cas du Royaume-Uni (la « Global Britain »), de l’Islande, de la Norvège ou encore de la Suisse, parties prenantes du « grand marché » ou de l’espace économique européen.
Dans un discours prononcé à l’université Charles de Prague, le 29 août 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz précisait sa vision d’une future « Europe géopolitique »2. Engagé pour l’élargissement de l’Union européenne aux pays des Balkans occidentaux, à l’Ukraine, à la Moldavie et, en perspective, à la Géorgie, le chancelier allemand prit position en faveur d’une réforme du processus décisionnel dans le domaine de la politique étrangère, avec le renoncement de chaque État membre au droit de veto et le passage au vote à majorité qualifiée (la France serait mise au pied du mur). Dans le même mouvement, il se rallia pleinement à l’idée d’une Communauté politique européenne, définie comme un forum d’amis et de partenaires, sans confusion avec l’UE et la dynamique de l’élargissement. Dans les semaines qui suivirent, l’Allemagne insista notamment sur la présence de la Turquie, un partenaire stratégique ambiguë mais important pour la défense et la sécurité de l’Europe.
D’autres pays de l’Union européenne, tels que ceux d’Europe du Nord ainsi que la Pologne, insistèrent sur la présence souhaitée du Royaume-Uni ; la Communauté politique européenne devait être le cadre d’une nouvelle relation, d’autant plus que les rapports avec Londres souffrent encore des effets et conséquences du Brexit (voir les enjeux du protocole nord-irlandais et le risque d’une guerre commerciale entre Londres et Bruxelles). Tout juste portée à la tête du gouvernement britannique, Liz Truss saisit la main tendue. Lors d’une rencontre avec Emmanuel Macron, à New-York, le 20 septembre, elle acceptait de participer au sommet de Prague, le 6 octobre, sans obtenir le changement de nom de la Communauté politique européenne (qui rappelle la Communauté économique européenne) et sans obtenir que Londres soit la ville hôte du sommet.
Quarante-quatre chefs d’État et de gouvernement de l’UE, d’Europe et des pourtours se réunissaient donc à Prague, le 6 octobre, pour le premier sommet de la Communauté politique européenne. Outre les vingt-sept membres de l’UE, ce sommet regroupait les dirigeants des pays candidats des Balkans et d’Europe centre-orientale, des pays qui participent au « grand marché » et/ou à l’Espace économique européen, du Royaume-Uni ou encore de la Turquie. Bref, un vaste ensemble géographique qui s’étire du Grand Nord à la Méditerranée, des rivages atlantiques de l’Europe à l’Anatolie et au bassin de la mer Noire. En somme, il s’agit d’un forum géopolitique paneuropéen tourné vers le « dialogue politique » et la « coopération ». Dans le contexte de guerre en Ukraine, ce forum prit l’allure d’une « Europe anti-Poutine », et ce malgré les inclinations de pays comme la Hongrie de Viktor Orban et la Turquie de Recep Tayyip Erdogan.
Il n’en reste pas moins que les résultats de ce premier sommet furent maigres. Si les dirigeants des pays invités abordèrent les questions pressantes de l’énergie et de la sécurité, au sens large, rien de concret ne pouvait sortir d’un tel forum. En vérité, les vingt-sept États membres de l’Union européenne peinent déjà à accorder leurs politiques énergétiques : comment cela aurait-il été possible à quarante-quatre, dans un ensemble encore plus vaste et hétérogène ? La seule réunion de ces dirigeants, explique-t-on, devrait être considérée comme un succès d’Emmanuel Macron et de la diplomatie française, des institutions de l’UE (la présidence du Conseil européen et la Commission européenne) et du pays hôte, la République tchèque, qui assure la présidence tournante de l’UE (juillet-décembre 2022).
Des perspectives improbables
À l’issue de ce premier sommet, la finalité de la Communauté demeure imprécise. Le débat entre ceux qui y voient une instance de préparation à l’élargissement de l’UE et d’autres qui la conçoivent comme la préfiguration d’une sorte de « société des nations », à l’échelon paneuropéen, n’est pas clos. On voit mal comment le Royaume-Uni ou la Turquie, pour des raisons différentes, accepteraient de jouer les seconds rôles dans un ensemble qui gravitant autour de l’UE et de la question de l’élargissement (la Communauté politique européenne comme « partenariat oriental » élargi). D’autant que l’UE dispose d’instruments et de formats (partenariats, accords de libre-échange et d’association, programmes d’adhésion et budgets afférents) pour aborder la question de l’élargissement. Aucun exercice de diplomatie publique ne palliera l’absence de conscience historique, de volonté politique et de facteurs porteurs pour conduire à terme une telle entreprise.
L’autre vision de l’avenir de la Communauté politique européenne est celle d’une instance intergouvernementale souple, comparable à un forum géopolitique paneuropéen, qui présenterait l’avantage d’asseoir à la même table les dirigeants des pays participants et de traiter des problèmes communs et des conflits qui les opposent3. Par exemple, le conflit gréco-turc en Méditerranée orientale et le sort de Chypre, le conflit azéro-arménien dans le Caucase du Sud et le devenir du Haut-Karabakh4. On comprend l’idée générale : donner une forme et une direction à un système géopolitique paneuropéen qui contribuerait à la sécurité collective sur le continent. Ce « concept », on l’a dit, convoque le souvenir de la SDN (Société des Nations).
Rappelons cependant qu’en dernière analyse, un système de sécurité collective repose sur la bonne volonté de chacun de ses membres. Or, la théorie des biens publics et la sociologie de l’action collective montrent qu’une action désirable et profitable au plus grand nombre ne se produit pas sans qu’un acteur prenne en charge la plus grande part du fardeau. En l’absence d’un leadership hégémonique (l’UE n’est pas un acteur géostratégique global), de principes et de valeurs partagées, la capacité d’un forum tel que la Communauté politique européenne à servir de plateforme pour le règlement des problèmes géopolitiques paneuropéens suscite un certain nombre de doutes. Débuts et perspectives sont donc improbables, mais il est vrai aussi que le mouvement se prouve en marchant. Il est prévu que la Communauté se réunisse deux fois l’an, la prochaine fois en Moldavie et la fois suivante en Espagne (Londres viendra après).
Si la Communauté politique européenne recèle un certain nombre de potentialités et un intérêt certain pour les pays du continent, on ne saurait pour autant négliger l’importance primordiale des instances euro-atlantiques, qu’il s’agisse de l’UE ou de l’OTAN. La chose est particulièrement vraie pour l’Ukraine, à juste titre soupçonneuse à l’égard d’un éventuel « agenda caché » d’Emmanuel Macron : trouver un subterfuge pour maintenir à l’extérieur de l’UE les pays candidats, au prétexte de disposer du temps nécessaire et de la latitude d’action requise pour faire advenir le schéma constructiviste européen qu’il porte. C’est la résistance militaire de Kyiv, les bombardements de villes et les massacres de civils ukrainiens qui ont enfin révélé au président français la vacuité du thème « Poutine/Pouchkine » (la volonté de puissance soluble dans la littérature russe ?!) et la fiction d’une « Europe de Lisbonne à Vladivostok5 ».
Toujours est-il que l’Ukraine a obtenu le statut de pays candidat (le 23 juin) et c’est dans cette perspective que ses dirigeants doivent s’inscrire. D’ores et déjà, le soutien financier et économique de l’UE, renforcé par celui des institutions de Bretton-Woods (Fonds monétaire international et Banque mondiale), piliers de l’ordre international libéral, est vital pour une économie ukrainienne en partie détruite par la Russie. À plus long terme, l’Ukraine devra être pleinement intégrée à l’espace économique européen. Ainsi, ses exportations de grains, de matières premières et de produits manufacturés, structurellement dépendantes de la mer Noire et des Détroits turcs, pourraient être partiellement évacuées par un réseau ferroviaire et fluvial d’envergure continentale, en direction des ports de la mer du Nord, de la Manche et des rives européennes de l’océan Atlantique. La tâche n’est pas plus ardue que celle qui consiste à évacuer les grains produits dans les grandes plaines du Middle-West vers le port de la Nouvelle-Orléans et le golfe du Mexique.
Avenir et sécurité de l’Ukraine
Cela dit, il doit être rappelé que l’UE, aussi importante soit-elle comme système géoéconomique et incubateur de puissance, ne constitue pas un acteur géostratégique global capable d’apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine, dans la perspective d’une paix hypothétique et précaire. En d’autres termes, l’UE ne peut agir avec promptitude et poser des actes de souveraineté. Toute action extérieure suppose en effet l’unanimité de ses membres et, malgré la proposition allemande de passer au vote à majorité qualifiée en matière de politique extérieure, il n’existe pas de consensus sur la question. Et un passage en force serait susceptible de provoquer des chocs en retour, avec de redoutables effets. L’UE n’est donc pas parvenue à ce que Pierre Manent nomme le « moment cicéronien » de son histoire, i.e. le basculement vers une fédération des États-Unis d’Europe.
Reprise un temps par Volodymyr Zelenski lui-même, l’idée d’un statut de neutralité pour l’Ukraine, supposé être le point de résolution de tous les contraires, est nébuleuse. A moins de se contenter d’une pure déclaration de principe, un tel statut poserait ipso facto la question des garanties de sécurité. Même si elle était vaincue, sous l’effet d’un choc géopolitique qui la sonnerait, la Russie demeurerait une menace à moyen et long terme. De puissantes forces intérieures, sous l’emprise du « syndrome scythe » (voir le magnifique et terrible poème d’Alexandre Blok), crieraient vengeance et prépareraient une guerre de revanche. Et l’observation des faits laisse penser qu’une grande partie de l’opinion publique russe se montrerait au mieux apathique, au pire complice d’une telle entreprise6. En conséquence, il ne saurait être question pour l’Occident de revenir au caractère vague et proclamatoire du mémorandum de Budapest (1994), censé garantir l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine.
Quelle serait donc la valeur ajoutée d’un statut de neutralité pour l’Ukraine, comparé à ce que prévoyait le mémorandum de Budapest ? Sollicitées par Kyiv, la France, l’Allemagne, en particulier, seraient-elles prêtes à garantir cette neutralité, et ce avec plus de promptitude et d’efficacité que les États-Unis et le Royaume-Uni n’ont assuré la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans le cadre dudit mémorandum, au moment du rattachement manu militari de la Crimée et du déclenchement d’une guerre hybride au Donbass (février-mars 2014)? (Ne sous-estimons cependant pas l’aide militaire anglo-américaine à Kyiv entre 2014 et 2022). Quelles seraient les implications concrètes de telles garanties? À l’évidence, cela devrait aller jusqu’à un engagement militaire. Les principales puissances européennes pensent-elles pouvoir contracter de telles obligations sans l’appui et la présence militaire des États-Unis ?
Inéluctablement, la question des garanties de sécurité ramène l’OTAN sur le devant de la scène. Parce que les États-Unis en sont membres et qu’ils conservent les moyens d’un « stabilisateur hégémonique », du moins à l’échelle du monde occidental (la grande fatigue géopolitique qui a suivi les déconvenues en Irak et en Afghanistan a faussé l’appréciation de la puissance américaine). Parce que seule la profondeur stratégique de l’Atlantique Nord permet de contrebalancer la « Russie-Eurasie » de Poutine et sa masse terrestre7. Si l’on en doutait, il suffirait de considérer le rôle des États-Unis dans l’aide multiforme apportée à l’Ukraine et le renforcement de la défense de la zone euro-atlantique. Sans le leadership américain, il faudrait craindre que le « chacun pour soi » et la résignation l’emportent dans une Europe confrontée au bellicisme sans frontières de la Russie-Eurasie. S’en réjouiront ceux qui sacrifient au mythe de la régénération par le barbare et fantasment la transformation des Occidentaux de l’Ancien Monde en Eurasiates du XXIe siècle.
« Nato, as usual »
Vieille recette que cet appel à l’OTAN, objectera-t-on. Nenni. A peine envisagée, la candidature de l’Ukraine avait été reportée sine die, la France et l’Allemagne y faisant obstacle lors du sommet de Bucarest (2-4 avril 2008). Leur argument : ne pas provoquer la Russie. Cette politique d’apaisement a échoué, tout simplement, et elle a même encouragé Poutine à aller de l’avant ; Paris et Berlin y ont perdu une partie de leur capital politique international. Quant aux autres formules politico-diplomatiques — ouverture, et négociation d’une « nouvelle architecture de sécurité et de confiance » —, ce sont des expectatives. Elles reposent sur l’espoir d’une transmutation heureuse de la Russie. Y croit-on sérieusement ? Au vrai, ces formules se sont évanouies au fil des développements de l’« opération spéciale » russe. Nous basculons dans un autre univers mental, avec la possible escalade de nouveaux barreaux sur l’échelle de la violence.
En somme, la fondation d’une Communauté politique européenne ne saurait nous distraire de l’essentiel : le soutien militaire à l’Ukraine, son intégration européenne et le possible élargissement de l’OTAN à ce grand pays centre-est européen, avant-poste du système euro-atlantique dans les profondeurs du continent. L’OTAN donc, et ce malgré les sourires entendus ou les yeux levés au ciel de commentateurs qui ne dépassent guère le stade de la description à l’instant présent, faisant songer aux médecins de Molière. Au regard des effectifs chétifs des armées ouest-européennes, il est d’ores et déjà difficile de penser, concevoir et organiser la défense future de l’Europe en faisant l’impasse sur la principale armée du continent, voire la plus aguerrie. C’est bien d’une nouvelle Europe dont nous traitons, avec la constitution d’une « grande barrière » à l’Est qui n’est pas sans rappeler l’ensemble Pologne-Lithuanie d’autrefois (la « République des deux nations »).
Professeur agrégé d’histoire-géographie et chercheur à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII). Auteur de plusieurs ouvrages, il travaille au sein de l’Institut Thomas More sur les enjeux géopolitiques et de défense en Europe. Ses domaines de recherche couvrent la zone Baltique-mer Noire, l’Eurasie post-soviétique et la Méditerranée.
Notes
- Si l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne n’est certainement pas la priorité de Recep Tayyip Erdogan et l’axe de sa politique étrangère, il préfère une situation de blocage plutôt qu’une clarification de la relation Bruxelles-Ankara ou une dilution de cet objectif au sein d’une Communauté politique européenne.
- Cf. Cécile Boutelet, « À Prague, Olaf Scholz formule sa vision d’une Europe géopolitique », Le Monde, 30 août 2022.
- D’aucuns se reportent au G7 ou au G20 comme modèles de fonctionnement d’une Communauté politique européenne ainsi conçue (un « E-44 »). On voit mal cependant un ensemble aussi vaste et hétérogène pratiquer une diplomatie de club similaire à celle du G7, celui-ci formant un directoire informel du monde occidental. Quant au G20, l’expérience accumulée après la crise financière de 2008 montre la difficulté à travailler de manière efficace dans un tel cadre.
- On notera la difficulté de la Russie à établir une paix durable entre Bakou et Erevan, dans ce qu’elle considère être son « étranger proche ». L’Eurasie post-soviétique est aussi marquée par un conflit récurrent entre le Tadjikistan et le Kirghizistan. Du Caucase du Sud à l’Asie centrale, ces conflits remettent en cause la raison d’être et la légitimité de l’OTSC (Organisation du traité de sécurité collective).
- Utilisée depuis 2011 par Poutine, Macron semble avoir soudainement découvert cette expression quelques mois avant la rencontre des deux présidents au fort de Brégançon, le 19 août 2019, et s’en est alors emparé, comme s’il s’agissait d’une formule magique permettant de résoudre des conflits passagers et superficiels (le conflit avec la Russie-Eurasie serait un « dialogue manqué »). On se souvient du président français, lors de la Conférence des Ambassadeurs qui suivit, fin août 2019, admonester ses diplomates et mettre en accusation une sorte d’ « État profond » (dixit) qui entraverait sa politique russe.
- Sur ce point, voir le remarquable entretien de Laure Mandeville avec Iegor Gran : « La société russe est tombée dans un gouffre moral », Le Figaro, 7 octobre 2022.
- Ce fait géopolitique fondamental est entendu depuis les deux guerres mondiales du XXe siècle. Le concert des puissances établi lors du congrès de Vienne, en 1814, a failli un siècle plus tard et dès 1917, l’optique atlantique prévalait du côté français (Clémenceau voulait perpétuer l’alliance avec les États-Unis). Conçu pour déterminer un nouveau concert des puissances en Europe, le Pacte de Locarno (1925) n’a pu ensuite désarmer le révisionnisme géopolitique des « États perturbateurs » de l’entre-deux-guerres, ce qui a mené à la Deuxième Guerre mondiale.