Navalny, journal de prison (suite)

Dans un message en russe et en français paru sur les réseaux sociaux et dont la presse hexagonale s’est fait l’écho, Alexeï Navalny a appelé à voter pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen le 24 avril, arguant de la compromission du Rassemblement national avec le régime du Kremlin. Desk Russie choisit de publier un autre de ses textes, sur les massacres de Boutcha. Une nouvelle fois, le plus célèbre opposant russe n’y mâche pas ses mots.

19 avril

Près du cadavre gisant sur le sol se trouve un passeport au nom de « Navalny ». C’est l’une des personnes tuées dans le village ukrainien de Boutcha. Navalny Ilya Ivanovitch.

Les circonstances laissent penser qu’il a été tué à cause de son nom de famille. Ce qui explique pourquoi on a jeté ostensiblement son passeport à côté de lui. Les bourreaux de Poutine (comment les appeler autrement — pas les « soldats russes » quand même) ont tué un homme complètement innocent parce que lui et moi sommes homonymes. Ils espéraient sans doute que nous étions apparentés.

Je ne sais pas s’il avait un lien de parenté avec moi. Il venait du même village que mon père, alors peut-être, mais il y a beaucoup de Navalny dans ce village.

Je me rappelle ma stupéfaction quand, enfant, j’ai observé le monument aux morts de la Grande Guerre patriotique. Mon nom de famille est rare, je le sais, mais il y avait là-bas une série de Navalny.

Eh bien, il y aura maintenant un nouveau monument aux morts de la guerre en Ukraine, où parmi d’autres figurera Navalny Ilya Ivanovitch, né en 1961.

Cette guerre a été déclenchée par un maniaque forcené, possédé par des délires géopolitiques et historiques sur l’ordre mondial. Ce maniaque ne s’arrêtera pas tout seul. Il est accro à la mort, à la guerre et aux mensonges, comme à une drogue — il en a besoin pour se maintenir au pouvoir.

Il est du devoir de chacun d’apporter sa contribution, si petite soit-elle, pour arrêter cette guerre et destituer Poutine. Protestez où vous pouvez et comme vous pouvez. Militez comme vous pouvez et pour qui vous pouvez. Le pire, c’est l’inaction. Désormais il en résulte la mort.

Traduit du russe par Ève Sorin

Lecture-spectacle Journal de prison d’Alexeï Navalny, organisée par Desk Russie au Théâtre du Nord-Ouest, le 17 mars 2022. Avec Anatole de Bodinat et Lilit Simonian.

© Desk Russie

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