Philippot-Royal, même combat !

Dans ce nouvel article, notre auteur, qui a déjà dressé une galerie de portraits de responsables politiques français et autres personnalités publiques connues pour leur propension à la poutinophilie, se penche sur le parcours et les idées de Ségolène Royal et Florian Philippot, que décidément tout n’oppose pas…

Le soufflé est retombé, dame Royal a plus ou moins amendé ses incroyables propos favorables à la guerre de Poutine contre l’Ukraine, qui auront encore un peu plus disqualifié l’image, ou ce qu’il en reste, de la candidate de gauche à la présidentielle de 2007. On se souvient qu’en septembre 2021, à l’élection des sénateurs représentant les Français de l’étranger, elle obtint le score écrasant de 11 voix sur 533 suffrages exprimés, soit 2,1 %…

Dans le domaine de la politique étrangère, entre Ségolène Royal et le gaullo-chevènementiste Florian Philippot, rallié à l’extrême droite, existe-t-il quelque différence ou divergence ? À voir leur engagement, à lire leurs déclarations, on reste frappé par leurs étonnantes convergences.

Ainsi, entre autres exemples, quand Chavez disparaît, Philippot, comme Mélenchon, rend hommage à son courage, tandis que Mme Royal, qui représente la France aux obsèques de Fidel Castro, se prosterne, le qualifiant, pas moins, de « monument de l’histoire ».

Philippot, « patriote gaulliste »1

C’est ainsi que se décrit l’éphémère candidat à l’élection présidentielle de 2022, où il finit par se rallier à Dupont-Aignan. Dans son bureau trônent, en 2002, un portrait du général et un autre de Marine Le Pen, avec laquelle il finira par se brouiller. À partir de novembre 2013, il se rendra, presque chaque année, à l’anniversaire de sa disparition, sur la tombe dudit général, à Colombey-les-deux-Eglises, où, en 2016, le rejoint une centaine de militants du Front national2.

« Mon grand homme, c’est le général de Gaulle », déclare-t-il et Mémoires d’espoir son livre de chevet3. « Nous défendons clairement, poursuit-il, le projet pour la France du général de Gaulle, c’est-à-dire l’indépendance nationale, la grandeur de la France »4.

Il s’est d’abord engagé auprès de Chevènement, rendant hommage à son projet qui, selon lui, est porté, en 2002 par Marine Le Pen5, ce qu’il confirme douze ans plus tard : « Le chevènementisme mène au marinisme »6.

Ce partisan de la sortie et de l’Union européenne et de l’Otan n’hésite pas à participer en novembre 2014 à un meeting de Mélenchon, ainsi qu’à apporter son soutien, en février suivant, au parti de la gauche radicale grecque. Comment s’en étonner dès l’instant où l’on connaît les liens qui le rattachent à Bertrand Dutheil de La Rochère, successivement communiste, chevènementiste pour finir au Front national, comme du reste nombre de transfuges issus du parti stalinien ou de l’extrême gauche ? Philippot associe souvent Karl Marx à De Gaulle7, tout un programme en effet.

Une certaine candidate aux élections législatives de 2022, dans la 12e circonscription de Paris, Sidonie Vierne, se recommande de Philippot et de Dupont-Aignan, prêchant, dans sa circulaire officielle, que « préserver la paix, c’est quitter l’Otan ».

À l’égard de l’Ukraine, Philippot se révèle un fin analyste… En juillet dernier, sur Twitter, il estime que « Zelensky est lâché par tout le monde ! De plus en plus seul au monde ! »8 Ne conviendrait-il pas plutôt de remplacer le nom de Zelensky par celui de Poutine ?

Toujours est-il que notre subtil énarque reprend l’antienne de l’Otan agresseur, dont il dénonce la « responsabilité » dans le déclenchement de la guerre9.

Comme de bien entendu, il attribue à Washington l’assassinat de la fille Douguine, dénonçant les « saillies guerrières de Macron, les provocations de Zelensky autour des sites nucléaires à la recherche d’un incident… Il est clair que le clan washingtonien veut la guerre ! »10. Bref, toujours et encore la même rengaine, le coupable est transformé en victime, le pauvre Poutine résiste, avec courage, à ces odieux agresseurs venus de l’Ouest.

« Ségolène, une inculture de taille encyclopédique »11

Ce jugement n’est pas à porter au compte de la droite mais à un de ses camarades du parti socialiste, l’ancien ministre Louis Mexandeau, qui évoque « une ignorance crasse, comme si elle n’avait pas lu un seul livre ». Rejoint par un autre hiérarque du parti, l’ancien premier ministre Michel Rocard lui-même, qui n’hésitait pas à la qualifier de nulle : « Elle n’a à l’évidence pas les capacités nécessaires aux responsabilités qu’elle postule »12.

Dame Royal se rend au Liban en décembre 2006, où elle assiste à une envolée d’un député du Hezbollah qui n’hésite pas à comparer le comportement d’Israël à celui de l’occupation hitlérienne, réagissant à peine13, surenchérissant même quand elle répond que « il y a beaucoup de choses que je partage de ce que vous avez dit, notamment votre analyse sur les États-Unis »14. Dame Royal essaie de s’attribuer une stature internationale en s’envolant cette fois vers la Chine au début 2007, évitant tout de même de faire halte en Corée du Nord, que visita, en février 1981, le grand défenseur des droits de l’homme que se targuait d’être François Mitterrand…

Logée à la résidence officielle réservée aux hôtes de marque, elle verse alors dans la complaisance, s’en prenant, sans les nommer, aux États-Unis : « Nous partageons avec la Chine, proclame-t-elle, la même vision du monde. Nous ne voulons pas de la domination d’une seule hyperpuissance, qui a fait beaucoup de dégâts récemment »15. On remarquera aussi l’élégance qu’il y a de critiquer en terre étrangère, communiste en l’espèce, un État étranger, lequel jusqu’à nouvel ordre fait partie de nos alliés.

Elle avance fièrement que la Chine est l’un des premiers pays où elle se rendra si elle est élue car « c’est avec la Chine qu’il faut tracer des voies futures »16. En revanche, il faut se prémunir de l’Amérique : « La France gardera sa liberté d’action et de jugement par rapport aux États-Unis. Je ne serai pas celle qui ira serrer la main de George Bush comme si de rien n’était »17. Elle récidive dans sa circulaire officielle du premier tour de la présidentielle, voyant en son principal concurrent « la soumission à l’Amérique de Bush, c’est une politique atlantiste qui porte atteinte à une certaine idée de notre indépendance nationale ».

Bref, l’ennemi, ce n’est pas la Chine pacifique mais toujours et encore l’Amérique et l’Otan. Du Mélenchon-Le Pen-Zemmour à plein nez.

De la justice chinoise « rapide » à une Ukraine agressive…

La candidate Royal achève de se déconsidérer, y compris dans son propre camp, quand elle rend hommage à la justice chinoise, qualifiée de « plus rapide que la nôtre. Avant de donner des leçons aux autres pays, regardons tous les éléments de comparaison »18.

Son incroyable complaisance pour la justice chinoise (aux ordres du parti) va jusqu’à déclencher des réserves au sein même de la délégation qui l’accompagne à Pékin, tel l’avocat Jean-Pierre Mignard qui estime que « rapidité ne veut pas dire qualité ». François Bayrou juge la candidate « soumise », l’Union syndicale des magistrats rappelant, pour sa part, qu’en Chine, « des milliers de personnes sont condamnées à mort et que ce sont les familles qui paient la balle ».

Mais c’est surtout l’ancien premier ministre, Lionel Jospin, qui déplore sa position : « Qui ne connaît les terribles carences de la justice chinoise ? Contrôle politique de la procédure, précarité des droits de la défense, caractère expéditif des jugements, fréquence des condamnations à mort. Les propos de touriste de la candidate ont sidéré l’opinion »19.

Au cours de ce déplacement officiel, elle ne dira mot de la sécurité de Taïwan, pas davantage du nucléaire ou le fait que le pays est l’un des plus pollueurs de la planète.

Toujours au début 2007, elle visite le Québec, où elle rend hommage au « Vive le Québec libre ! » de De Gaulle, ce qui lui vaut cette sèche réplique du premier ministre canadien : « L’expérience enseigne qu’il est tout à fait inapproprié pour un leader étranger de se mêler des affaires démocratiques d’un autre pays »20.

Au terme de l’élection présidentielle de 2002, elle encense évidemment Chevènement et déclare que, entre le candidat centriste, François Bayrou, et Besancenot, celui de l’extrême gauche, elle ne ferait pas de choix.

La lâcheté semble l’animer en toutes circonstances : c’est ainsi qu’elle prit position contre la publication des caricatures de Mahomet et déconseilla vivement à François Hollande de se présenter au procès des terroristes21. Dans le même ordre, lors de l’assassinat de Samuel Paty, elle parle simplement d’agression et non de décapitation. Et la jeune Mila fait l’objet de son mépris : « Ériger une adolescente qui manque de respect en parangon de la liberté d’expression ? Sûrement pas »22. On comprend que dame Royal se soit soumise aux injonctions des mollahs à porter le voile lorsqu’elle effectua un déplacement en Iran, en 2016. A la différence de Hillary Clinton, Angela Merkel, Michelle Obama ou des hôtesses de l’air de la compagnie Air France, refusant le voile sur la ligne Paris-Téhéran.

Envoyée officielle du gouvernement aux obsèques de Fidel Castro, elle encense le régime, estimant qu’il n’y a pas de prisonniers politiques et que « la France n’a pas à donner des leçons à Cuba ». Human Rights Watch dénonce sa complaisance : « Elle préfère rester solidaire avec un mort au lieu de s’occuper du sort des vivants et des innombrables victimes qui ont été torturées, emprisonnées, harcelées »23.

S’agissant de l’Ukraine, son stupéfiant tweet du 21 janvier 2022, rapidement effacé, signe de nouveaux errements. Qu’on en juge : « Il nous faudrait un nouveau général de Gaulle qui se faisait respecter de nos amis américains en leur disant de retirer leurs troupes. La Russie n’a-t-elle pas droit au respect des accords sur la sécurité à ses frontières ? Les sanctions économiques pénalisent bien plus l’Europe ».

C’était un mois avant la guerre déclenchée par Poutine mais cela ne l’empêche pas de persister à soutenir l’agresseur quand elle met en doute l’attaque contre la maternité de Marioupol et autres édifices civils, prétextant l’absence de victimes alors que le bilan se révèle lourd24. Au même moment, elle se rallie au candidat de Poutine, Mélenchon, ce qui hérisse le socialiste Menucci, qui estime qu’« être au second tour avec un candidat populiste pro-Poutine, qui a manifesté avec les Frères musulmans et dont le programme nous conduirait dans un gouffre, ce n’est pas ma vision de la gauche »25.

Elle persiste et signe en septembre, se ralliant complètement à la propagande russe, s’en prenant aux « insultes anglo-saxonnes »26 ce que Nathalie Loiseau n’hésite pas à qualifier de « négationnisme révoltant. Je ne savais pas qu’on pouvait se vautrer aussi profondément dans l’immonde »27.

Évidemment, Mme Royal bénéficie du soutien d’Eric Zemmour, qui la juge « très courageuse, comme souvent »27 et, pire encore, le 3 septembre, du site complotiste Riposte laïque, complètement inféodé à Moscou : « Elle mérite un soutien appuyé, un encouragement, un remerciement et des arguments pour rappeler les manipulations grossières des autres guerres et coup (sic) d’État fomentés par les Américains par exemple ».

mystery man

Auteur, membre du comité de rédaction de Commentaire, ancien fonctionnaire et élu local.

Notes

  1. Le Point, 6 octobre 2011.
  2. Society, 9 mai 2017.
  3. Le Figaro magazine, 28 février 2014.
  4. Le Figaro, 12 décembre 2013.
  5. Le Monde, 11 janviere 2002.
  6. Le Figaro magazine, art. cit.
  7. Le Monde, 8 août 2021.
  8. Franc-Tireur, 27 juillet 2022.
  9. Ibid., 20 juillet 2022.
  10. Ibid., 31 août 2022 et Le Monde, 26 août 2022.
  11. Le Figaro magazine, 28 octobre 2006.
  12. Le Monde, 17 janvier 2008.
  13. Bernard-Henri Lévy, Un grand cadavre à la renverse, Grasset, 2007, p. 100.
  14. Le Monde, 3 décembre 2006.
  15. Le Monde, 9 janvier 2007.
  16. Ibid., 10 janvier 2007.
  17. Libération, 12 avril 2007.
  18. Le Figaro, 11 janvier 2007.
  19. Le Monde 2, 22 septembre 2007.
  20. Le Monde, 24 janvier 2007.
  21. Philippe Val, Causeur, février 2015.
  22. Le Figaro, 18 janvier 2021.
  23. Le Monde, 6 décembre 2016
  24. Franc-Tireur, 23 mars 2022.
  25. Le Figaro, 18 février 2022.
  26. Ibid., 21 septembre 2022.
  27. Ibid., 6 septembre 2022.

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