En Ukraine, les animaux, bien réels ou imaginaires, font eux aussi la guerre contre les Russes.
Les bestiaires existent de longue date. Ceux du Moyen Âge, richement illustrés, sont la référence du genre. De l’Antiquité aux livres fantastiques contemporains destinés aux jeunes comme aux adultes, les bestiaires ont toujours su émerveiller et stimuler l’imagination. Une raison à cela : en explorant le fantastique, c’est bien notre propre psyché que nous sondons à travers l’imaginaire collectif. De quoi avons-nous peur ? À quoi aspirons-nous ? Comment le bien et le mal se manifestent-ils et comment les reconnaître ?
Au Moyen Âge, le bestiaire était un traité didactique qui répertoriait des animaux réels ou imaginaires. Souvent vus, à tort, comme des précurseurs des sciences naturelles, ils étaient au cœur de la science merveilleuse. La science du merveilleux. Le mot même de « monstre » vient du latin monstrum, dérivé de monere qui signifie « attirer l’attention sur ». C’est donc une expression divine, un prodige, un signe à voir et à comprendre. Chaque animal y était avant tout un symbole et de ce point de vue un animal bien réel, voire domestique, n’était pas moins extraordinaire qu’une licorne ou un dragon.
D’un épisode à l’autre, au fil des mèmes et des expressions nouvelles qui émergent, la guerre contre l’Ukraine menée par la Russie depuis février 2014 a fini par créer son propre corpus d’animaux symboliques, réels ou fantastiques. Le bestiaire de la guerre russe en Ukraine, que nous dit-il de cette guerre, des Ukrainiens et de nous-mêmes ?
Commençons par le mème le plus récent, apparu cet automne et déjà devenu culte…
Le raton laveur de Kherson
Un animal réel devenu un mème ukrainien.
Le raton laveur apparaît en novembre 2022 à la suite de la retraite de l’armée russe de Kherson : une journaliste propagandiste russe, Anna Dolgareva, publie alors un post sur sa chaîne Telegram indiquant qu’elle avait « une bonne nouvelle » : un de ses amis « a pu voler le raton laveur du zoo de Kherson ». L’information est confirmée par le fondateur de l’association UAnimals, Oleksandr Todortchouk, et la vidéo du vol est publiée par un média d’Odessa en ligne. On y voit un soldat russe traiter l’animal avec une brutalité qui frise la cruauté.
Dans un premier temps, cet animal symbolisait surtout les pillages et la cruauté de l’armée russe vis-à-vis des animaux. Ainsi, les tous premiers mèmes font le lien entre le raton — bien nommé laveur — et de nombreuses machines à laver que les soldats russes ont volées aux Ukrainiens dans les territoires occupés. Devant abandonner une partie du fruit de leur pillage à cause d’un retrait difficile de la rive droite du Dnipro, l’armée russe se serait donc contenté d’emporter ce qu’elle pouvait transporter plus facilement : un raton laveur. Le symbole est d’autant plus fort que la libération de la ville de Kherson a révélé l’échelle du pillage institutionnalisé : l’armée russe a pillé les musées, les églises, les archives nationales et même volé des animaux du zoo municipal.
Beaucoup ont été frappés par l’inutile cruauté qu’a subi le pauvre animal, brutalement tiré de sa cage par la queue. Cela rappelle tous les témoignages de sévices envers les animaux commis par l’armée d’occupation depuis 24 février 2022. Un détail attire l’attention : le raton laveur maltraité résiste. C’est ainsi qu’apparaît une deuxième catégorie de mèmes, présentant le raton laveur comme un Ukrainien prisonnier ou résistant. Et même comme un agent de renseignement opérant derrière les lignes russes. De nombreux mèmes mettent en scène l’attente de son retour ou exigent sa libération immédiate. Une façon de souligner que pour les Ukrainiens chaque vie compte et que l’Ukraine n’abandonne personne — ni les hommes, ni les animaux — et se battra jusqu’au bout pour libérer de la violence russe tous les prisonniers, militaires, civils et même les animaux.
NAFO Fella
Un autre mème à dimension internationale d’un animal combattant est apparu cet été, c’est celui de NAFO Fella.
Il s’agit d’un chien de race shiba inu déguisé en soldat de l’OTAN et incarnant un NAFO Fella, c’est-à-dire un membre du groupe d’activistes sur Internet qui moque la propagande russe. NAFO est un jeu de mots qui évoque l’OTAN (North Atlantic Treaty Organization, ou NATO) et désigne une organisation imaginaire : North Atlantic Fellas Organization (l’Organisation des Fellas de l’Atlantique Nord). Et « Fella » signifie en slang anglais un gars, un soldat. Cette communauté est très active sur Internet, et particulièrement sur Twitter, pour lutter contre la propagande russe, apporter son soutien à l’Ukraine et collecter des fonds pour diverses causes ukrainiennes. L’image du chien représentant le NAFO Fella — un soldat de l’OTAN virtuel — est l’un des principaux codes de reconnaissance pour les membres du groupe. Elle est souvent utilisée pour des montages photo et vidéo ou plus généralement comme image de profil sur les réseaux sociaux par ceux qui s’identifient à cette communauté.
Aux origines de ce groupe informel, il y a l’artiste Kama qui dessine les premiers NAFO fellas en mai 2022. La communauté se constitue un mois plus tard à l’occasion d’un tweet de Mikhaïl Oulianov, l’ambassadeur de Russie auprès des organisations internationales à Vienne : ce tweet fait objet d’une campagne de dénonciation sur un ton parodique de la part de ceux qui deviendront les premiers NAFO fellas. Ainsi le groupe se crée et des milliers d’internautes commencent à se réclamer de cette communauté qui, à l’image des Ukrainiens eux-mêmes, parvient à conjuguer la résistance et l’action caritative avec un humour assumé. Ceci explique la popularité du groupe auprès des internautes internationaux qui trouvent ici un moyen de s’identifier à la résistance ukrainienne dans tout ce qu’elle a de plus attirant dans l’imaginaire collectif : unité, utilité, efficacité, humour, insolence.
Très réactifs, les représentants des autorités ukrainiennes s’associent volontiers à cette communauté aussi sérieuse que bon enfant. Le ministre de la Défense ukrainien, Oleksii Reznikov, a même publié sur Twitter sa photo où il apparaît avec le museau du chien shiba.
La chauve-souris et la chouette
Parmi les animaux combattants de cette guerre, il y a ceux qui sont proprement dits emblématiques : la chauve-souris, la chouette et le loup-garou. Ils représentent des forces armées qui s’affrontent dans ce conflit, comme le GRU russe et le GUR MOU ukrainien.
La chauve-souris, sur fond d’un globe terrestre bleu, est l’emblème semi-officiel et très utilisé des spetsnaz du GRU, les forces spéciales du service de renseignement militaire russe. Ces spetsnaz sont connues pour leur participation aux « opérations spéciales » à l’étranger. Très secrètes et peu connues pendant les premières décennies de la guerre froide, ces unités commencent à s’exposer dans les années 1980 durant la guerre en Afghanistan. C’est aussi à cette occasion qu’apparaissent les premières images de la chauve-souris en tant qu’emblème préféré de ces forces qui ont l’habitude d’effectuer leurs missions sans insigne ou au contraire avec n’importe quel insigne de leur choix. C’est aussi probablement grâce à cette guerre et aux apparitions publiques de nombreux vétérans que l’emblème est progressivement devenu si populaire qu’il a même été, un temps, officialisé par le GRU russe. Cela alors même que les spetsnaz ne représentent qu’une partie du GRU ! Il est à noter que malgré l’adoption d’un œillet à cinq pétales comme emblème officiel du GRU, la chauve-souris continue d’être utilisée : ainsi dans le hall d’entrée du QG du GRU l’œillet décore un mur tandis qu’une mosaïque représentant une chauve-souris décore le sol.
Le passé soviétique, commun aux armées russe et ukrainienne, explique que la chauve-souris a été utilisée chez les homologues ukrainiens du GRU… jusqu’en 2016 ! C’est au début de cette année et deux ans après le début de l’agression russe qu’apparaît le nouvel emblème du service de renseignements militaires ukrainien, le GUR MOU. Emblème rendu public en octobre de cette même année à l’occasion de la présentation du nouveau directeur du service, Vassyl Bourba. Les photos postées par le site de la présidence ukrainienne du président Petro Porochenko prononçant un discours sur un fonds reproduisant ce nouvel emblème ont immédiatement provoqué une hystérie dans les plus hautes sphères russes. Le vice-Premier ministre russe, Dmitri Rogozine, s’est empressé de dire que le nouvel emblème du GUR MOU était « débile ». Plus sérieuse, la vice-présidente de la Douma, Irina Iarovaïa, a exigé des explications et la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a pointé « un problème ornithologique ». Le problème ornithologique en question ? Sur fond de globe terrestre, toujours, l’emblème du GUR MOU arbore une chouette armée d’une épée dirigée vers la Fédération de Russie. Tout comme la chauve-souris du GRU, la chouette est un animal nocturne et de ce fait secret. Elle a pourtant des atouts particuliers : non seulement la chouette est depuis toujours un symbole assez courant de la sagesse et de l’intelligence, mais c’est aussi un prédateur redoutable. Un prédateur qui mange… des chauves-souris !
Cerise sur le gâteau : alors que la devise des spetsnaz du GRU est « Seules les étoiles sont au-dessus de nous », l’emblème du GUR MOU comporte une devise en latin, Sapiens dominabitur astris, « Le sage dominera les étoiles ».
Le loup-garou
C’est un autre animal emblématique. Emblème des forces des opérations spéciales d’Ukraine. Constituées d’unités de la Direction générale ukrainienne du renseignement (GUR MOU), elles deviennent une branche des armées à part entière en 2018. C’est ainsi qu’elles se dotent de leur propre emblème ancré dans la tradition ukrainienne : un loup-garou (sur l’image, la ceinture indique qu’il ne s’agit pas d’un simple animal, mais d’un guerrier transformé en loup).
Le premier témoignage d’un tel guerrier aux pouvoirs surnaturels nous vient directement de la Geste d’Igor, le poème épique ukrainien du Moyen Âge relatant une campagne militaire menée en 1185 par Igor Sviatoslavitch, prince de Novgorod-Siversk, contre les Coumans de Kontchak1. Le grand-prince de Kyïv, Vseslav, y est décrit comme un ensorceleur qui se transforme régulièrement en un loup pour pouvoir « se draper du brouillard bleu » (se rendre invisible) ou encore parcourir des centaines de kilomètres en une nuit. Par la suite, cette image d’un guerrier-ensorceleur est devenue celle des Cosaques, dont on trouve régulièrement des traces à partir des sources polonaises du XVIIe siècle et jusque dans des recueils consacrés au folklore ukrainien tout au long du XIXe siècle.
Ce recours au surnaturel visait à mettre en scène, à glorifier l’insolente tactique militaire des Cosaques. Ils étaient en effet réputés pour leur audace, leur inventivité et leur facilité à braver la mort, tout en excellant dans ce que l’on qualifierait aujourd’hui d’opérations psychologiques, de sabotage ou de renseignement. Ainsi, on aimait à les croire dotés du pouvoir de se transformer en animaux, particulièrement en loup, d’arrêter ou faire dévier les balles avec les mains, de trouver des objets soigneusement cachés, d’ouvrir les portes fermées à clé, de voir à des centaines de kilomètres ou encore de respirer sous l’eau, etc. On en trouve un écho dans le célèbre recueil Les Veillées du hameau (1831) de Nicolas Gogol : dans ces textes empreints d’humour, on trouve le personnage d’un ancien Cosaque, Patsiuk, devenu guérisseur du village, qui utilise ses pouvoirs magiques en ordonnant à la nourriture de sauter jusque dans sa bouche.
Tout cela fait d’un loup-garou guerrier non seulement un symbole approprié pour une telle branche de l’armée, mais aussi un symbole éminemment ukrainien. Son ancrage dans l’Histoire est parachevé par la devise des forces spéciales : « Je viens vers vous ! », la célèbre formule d’un autre prince de Kyïv, Sviatoslav, le fils d’Igor, resté dans l’histoire comme un chef d’État guerrier ayant bravé Byzance.
Les orques
Quant à la représentation plus générale des armées russe et ukrainienne dans l’imaginaire ukrainien, elle nous fait revenir aux mèmes, comme celui du monstre symbolisant un soldat russe, un orque.
Dans l’univers fantasy, l’orque est une créature humanoïde apparentée à des bêtes à cause de sa laideur repoussante, de sa bêtise, de son manque d’humanité et de la cruauté qui la caractérise. Dans la culture populaire, les orques sont surtout connus grâce à la célèbre saga de J.R.R. Tolkien Le Seigneur des anneaux, et au succès mondial du jeu World of Warcraft qui s’inspire librement de ces créatures tout en conservant leur caractère laid et cruel. Dans la première version de ce jeu sorti en 1994, Warcraft : Orcs and Humans, les orques sont des envahisseurs qui tentent d’asservir l’humanité.
Les premiers à désigner ainsi les soldats et les mercenaires russes furent, en 2014, les militaires ukrainiens et les bénévoles des associations qui leur venaient en aide. Avec le temps, cette appellation est devenue de plus en plus courante, au point de donner lieu à toutes sortes de comparaisons : les Russes étant des orques, le président Poutine serait donc le maléfique Sauron de l’œuvre de Tolkien, Moscou serait Mordor, et ainsi de suite. De manière tout à fait étonnante, c’est le président russe Vladimir Poutine lui-même qui a popularisé cette comparaison en dehors des frontières ukrainiennes, en offrant des anneaux aux dirigeants de la Communauté des États indépendants, le 26 décembre 2022.
Les Ukrainiens qui, depuis le 24 février 2022, ont tous pris l’habitude d’appeler ainsi leurs envahisseurs (comptes officiels de l’armée et responsables politiques inclus), n’attendaient que cela. « Et maintenant, peut-on officiellement appeler l’armée russe des orques ? », a par exemple tweeté le député ukrainien Oleksii Goncharenko.
Les chatons
Et pour affronter les orques ? Des chatons de combat !
Le lien entre les chatons et l’armée ukrainienne commence avec le début de la guerre en 2014. Les positions des soldats attirent naturellement de nombreux animaux errants qui sont à la recherche de nourriture et de compagnie. Compagnie à son tour très appréciée par les soldats soumis à rude épreuve par la guerre. Ainsi commencent à apparaître de nombreuses photos, mettant en scène ces animaux qui partagent le quotidien des soldats ukrainiens, qui sont postées par les militaires eux-mêmes ou par les membres des associations qui leur apportent de l’aide. Pour ces derniers poster des photos avec des animaux présente un intérêt : sans surprise, les chatons attirent un maximum d’interactions et de réactions favorables sur les réseaux sociaux, permettant ainsi d’atteindre une audience maximale pour faire passer des appels aux dons.
Les comptes officiels de l’armée ukrainienne ne sont pas en reste et publient régulièrement des photos de soldats avec leurs amis et « camarades de combat » animaux. Là aussi, aucune surprise : les chats et les chatons rencontrent un énorme succès. Dans l’imaginaire collectif, ces adorables animaux sont vus comme des amis qui soutiennent moralement leurs proches qui défendent l’Ukraine. Une aide qui, dans un registre plus ironique et humoristique, va jusqu’à une aide réelle, d’où l’expression courante de « chatons de combat », qui peut désigner à la fois les chats réels (vus comme des tireurs ou guetteurs) ou alors les soldats ukrainiens eux-mêmes qu’on appelle souvent « nos chatons ».
C’est encore aux bénévoles des associations que l’on doit cette dernière expression. D’abord sonnée par l’invasion russe, impressionnée par l’illusoire professionnalisme de l’armée russe, la société ukrainienne de 2014 avait l’impression d’être un chaton (en Ukraine, on utilise souvent ce mot pour désigner une personne faible et naïve), un petit animal sans défense face à un prédateur redoutable. Au fur et à mesure que les forces armées ukrainiennes prouvaient leur courage et effectuaient des prouesses dans le Donbass, cette crainte s’était transformée en une fierté de la société pour ses « chatons » qui s’étaient avérés être bien plus forts qu’on ne le pensait dans les premiers mois de l’invasion. Ainsi est née cette expression ironique faisant des soldats ukrainiens « nos chatons » — doux et adorables, mais pas si « chatons » que ça avec l’ennemi russe.
Le chien Patron
Et puisqu’on parle des chatons, qu’en est-il des chiens ?
C’est un animal bien réel. Un chien détecteur d’explosifs de race Jack Russel terrier appartenant au Service d’urgence de l’État et devenu la mascotte de ce service. Patron accède à la notoriété en mars 2022 grâce aux publications sur les réseaux sociaux de son maître, un démineur de la région de Tchernihiv, l’un des axes principaux de l’invasion russe le 24 février 2022. À la fois mignon, mais aussi réellement utile pour sauver des vies, ce chien a vite gagné les cœurs de tous les Ukrainiens. Tout petit — c’est même cette caractéristique qui lui permet de détecter des explosifs sans risque de les déclencher — il est aussi un symbole rassurant : contrairement à l’univers de la propagande russe qui met en valeur la force brute des grands, en Ukraine même les petits peuvent être très utiles en temps de guerre et aider à résister à ses horreurs. Aimé par les grands et les petits, Patron est vite devenu la mascotte nationale qui accompagne les Ukrainiens à travers les drames qu’ils vivent. Il rend visite aux enfants blessés et participe à de nombreux événements. Personnage de fan art, il est aussi un modèle pour des jouets pour enfants et de nombreux goodies : même la ministre des affaires étrangères Catherine Colonna en a un sur son bureau.
Le coq Tocha
Sans oublier des coqs…
Animal réel devenu mème. Le coq est l’animal de compagnie d’une retraitée de Marioupol réfugiée en Pologne. Le 15 avril 2022, une vidéo du coq est postée sur les réseaux sociaux par un bénévole du centre hébergeant la réfugiée et devient rapidement virale. La propriétaire explique alors qu’il était inconcevable qu’elle abandonne « son ami qui l’avait accompagné à travers les bombardements et la faim ». L’animal devient vite le symbole de l’humanité et de la force morale des Ukrainiens. De nombreux internautes relèvent également la fière attitude du coq en question, en faisant de l’animal un soutien actif, voire un sauveur de sa propriétaire en détresse : suivent alors des centaines de mèmes et de dessins célébrant l’amitié et l’entraide entre la femme et son animal de compagnie.
Le coq en terre cuite de Borodianka
Animal en terre cuite qui décorait l’appartement d’un immeuble à Borodianka, bombardée par l’armée russe. Symbole de la résilience ukrainienne, le coq de Borodianka devient célèbre le 7 avril 2022 quand une journaliste de Suspilne, chaîne de télévision ukrainienne publique, Yelyzavetta Zervatyns’ka publie des photos d’un immeuble bombardé à Borodianka, une petite ville au nord de Kyïv qui a beaucoup souffert dans les premières semaines de l’invasion russe, à l’instar d’Irpin ou de Boutcha. Sur les photos postées sur Twitter on peut voir les restes de l’un des murs de l’immeuble, en partie encore debout après le bombardement. Détail saisissant : un placard de cuisine reste accroché au mur désormais à nu et, sur sa porte, trône un coq en terre cuite. Un double symbole ! Ce coq au style reconnaissable est fabriqué dans une célèbre usine de la région de Kyïv, connue pour sa production fidèle à la tradition ukrainienne. Le placard et tout particulièrement le coq qui sont restés miraculeusement intacts et qui s’accrochent au mur malgré tout, deviennent alors le symbole de la résilience ukrainienne. Un modèle de ce même coq est offert au président ukrainien Volodymyr Zelensky et au Premier ministre britannique Boris Johnson à l’occasion d’une de ses visites en Ukraine.
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L’ours russe a donc fort à faire avec les ratons laveurs, les NAFO fellas, les chouettes, les loups-garous, les chatons, les coqs et le chien Patron !
Marianna Perebenesiuk est comparatiste, spécialiste de la littérature française, des métiers du livre et de l’audiovisuel. Auteur d’un essai en thanatologie, elle avait également travaillé avec des sociétés de production et des ONG et collabore avec l’hebdomadaire national ukrainien Ukraïnskyi Tyzhden. Depuis le début de la guerre, elle décrypte régulièrement le contexte ukrainien dans les médias français.
Notes
- Il s’agit de la plus ancienne œuvre littéraire des Slaves orientaux, datant de la fin du XIIe siècle, l’époque de la Rus’ de Kyïv. Ce poème épique est revendiqué tant par la littérature russe que par la littérature ukrainienne, cette question étant difficile à trancher car la plus ancienne version de cette épopée, transmise oralement, est une copie russe du XVIe siècle adoptée au lectorat russe (NDLR).