L’OTAN : une formule pour l’Ukraine

La formule « l’Ukraine rejoindra l’OTAN à la fin des hostilités » semble avoir du sens d’un point de vue diplomatique. Vitali Portnikov, journaliste et analyste ukrainien, soulève pourtant ici une question : si la fin de la guerre russe contre l’Ukraine doit déboucher directement sur une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, la Russie voudra-t-elle un jour mettre fin à cette guerre ? Après tout, la prolongation de la guerre deviendrait une garantie que l’intégration euro-atlantique de l’Ukraine reste paralysée.

Pour l’intégration euro-atlantique de l’Ukraine, des solutions non conventionnelles s’imposent, mais elles relèvent de la volonté des dirigeants des principaux pays de l’Alliance. En d’autres termes, la Russie doit avoir la certitude que, quelle que soit la poursuite de l’action militaire, elle ne sera pas en mesure d’empêcher l’intégration euro-atlantique de l’Ukraine. C’est d’ailleurs le moyen le plus sûr de mettre fin à la guerre.

De nombreux fantaisistes politiques croient encore que si l’Ukraine peut être persuadée d’accepter des « acquisitions » de territoire par la Russie, la guerre s’arrêtera immédiatement et le Kremlin acceptera l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN sans insister sur sa neutralité. Mais ce n’est possible que si l’on croit que Poutine ne voulait vraiment s’emparer que de la Crimée et du Donbass. En réalité, les territoires occupés ne sont qu’un tremplin pour l’occupation de l’ensemble de l’Ukraine.

Poutine doit comprendre que la logique de tête de pont ne peut plus être utilisée, que l’Ukraine ne peut être occupée par ses forces et que la priorité du droit international restera l’élément déterminant dans les relations entre le monde civilisé et la Russie.

Pour cette raison, l’Ukraine n’est pas seule à avoir besoin d’adhérer à l’OTAN pour garantir sa sécurité et avoir la certitude qu’une attaque russe ne se reproduira plus. L’OTAN a besoin de l’adhésion de l’Ukraine pour démontrer que l’alliance défend de manière fiable les principes mêmes du droit international et de la sécurité, et qu’elle n’est pas disposée à tolérer leur violation.

Mais il s’agit là d’une approche générale. Quant aux mesures concrètes, elles doivent être négociées par les dirigeants des pays membres de l’Alliance. Plusieurs thématiques s’imposent. L’Ukraine ne peut-elle vraiment pas devenir membre de l’OTAN tant que la guerre dure ? Sa candidature pourrait-elle être approuvée au sommet de Vilnius, comme cela a été discuté par Jens Stoltenberg et Volodymyr Zelensky lors de la visite du secrétaire général de l’OTAN à Kyïv en avril ? Des garanties de sécurité pourraient-elles être données à l’Ukraine sur le modèle de celles données à la Suède et à la Finlande après l’annonce de leur candidature à l’OTAN ? Ces garanties pourraient-elles être étendues à l’ensemble du territoire du pays ou seulement au territoire où il n’y a aucune action militaire ni revendications russes ?

Le sort de l’Ukraine et celui de l’Europe dépendra de la réponse à ces questions. On peut bien sûr penser que les réponses peuvent attendre la fin de la guerre et qu’il faut d’abord armer l’Ukraine. Mais dans ce cas, on risque d’attendre la fin de la guerre très, très longtemps.

Traduit du russe par Desk Russie

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