Il y a 30 ans, le « dimanche sanglant » à Moscou

Il y a 30 ans, à Moscou, la crise politique majeure tourne à la violence. Le président Boris Eltsine dissout le Soviet suprême, à savoir le Parlement, contrôlé par les forces réactionnaires. À leur tour, les députés, barricadés à l’intérieur, déclarent le président illégitime. Eltsine finit par pilonner le parlement avec des chars. Le nombre de victimes des affrontements meurtriers reste inconnu. L’ONG Memorial a pu confirmer la mort de 159 personnes, dont des passants. L’enquête a vite été étouffée, et les chefs de l’insurrection ont été amnistiés.

Ces événements sanglants font encore l’objet de vifs débats. Certains des anciens partisans d’Eltsine pensent aujourd’hui que les choix faits au Kremlin pendant la crise de l’automne 1993 ont sapé le projet démocratique, semé la graine de l’autoritarisme et ouvert la voie vers la guerre en Tchétchénie.  

Desk Russie publie une série de photos prises dans les rues de Moscou par Dmitri Borko fin septembre — début octobre 1993.

À l’occasion du vingtième anniversaire des événements de 1993, j’ai publié un album de photos. J’y ai réuni les histoires dramatiques des affrontements de Moscou d’août 1991 et d’octobre 1993. Lors de sa rédaction, j’ai consulté les gens de mon réseau. La plupart d’entre eux ne comprenaient pas pourquoi j’établissais un lien entre des événements si différents, à leur avis. C’est un homme intelligent, aux opinions très démocratiques, qui l’a le mieux exprimé. « Si vous le voulez tant, je vous conseille de faire deux livres : un sur le mois d’août et un sur le mois d’octobre. Et faites-en un en blanc et l’autre en noir », a-t-il déclaré. Vingt ans après les événements, des gens qui avaient appartenu alors à des camps différents ne voulaient toujours pas se parler, ni même apparaître dans le même livre. Aujourd’hui, ces caractéristiques de nos compatriotes —intransigeance et refus de tirer les leçons de leur propre histoire — portent encore leurs fruits.

Dmitri Borko

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