Quand les gens de la culture sont pourchassés à travers le monde

Par Epo

Les cas de pression du régime russe sur les gens de la culture émigrés à cause de leur opposition à la guerre deviennent fréquents. Les ambassades russes partout dans le monde veillent à ce que des artistes en particulier ne puissent pas se produire en concert où que ce soit : aux Émirats arabes unis, en Thaïlande, au Kazakhstan, etc. Mieux encore, certains parmi ces gens de la culture désignés comme terroristes risquent d’être renvoyés en Russie. Notre caricaturiste Epo illustre cette situation en l’accompagnant d’un texte.

En Occident, on les appelle « Bi-2 » ! Il s’agit d’un groupe de rock alternatif post-grunge d’origine russo-bélarusse né pendant la période enchantée de la perestroïka à la fin des années 1980. Auteurs de nombreux tubes en Russie, ils sont devenus très célèbres au point de recevoir la MTV Russian Music Award en 2007. Difficile de comparer, mais à l’échelle de leur pays on pourrait évoquer le groupe comme Nirvana en termes d’impact musical.

Comme de nombreux intellectuels et artistes russes, ils se sont ouvertement opposés à Poutine et à l’invasion de l’Ukraine dès février 2022. Le divorce étant acté, et sous la pression du régime, ils ont définitivement quitté le pays. Ils ont fait, depuis, de grandes tournées aux USA et dans de nombreux pays du monde. Bien leur en a pris. Mais quand ils sont arrivés à Phuket, en Thaïlande, en janvier 2024, ils ont été arrêtés et placés en centre de détention par les services de l’immigration pour un bien opportun « problème de visa de travail », en fait, sous la pression russe. Accusés d’être des « soutiens du terrorisme », ils pourraient être condamnés à plusieurs années de prison en Russie.

La diplomatie et les services juridiques de la Fédération ont immédiatement exigé leur extradition au motif qu’ils étaient recherchés pour soutien au terrorisme. La justice thaïe, connue pour être facilement « influençable », s’apprêtait à satisfaire à ces exigences mais, heureusement, quatre membres du groupe sur sept possèdent une double nationalité, israélienne ou australienne. À la suite de nombreuses interventions diplomatiques occidentales, ils ont pu finalement être tous renvoyés en Israël.  

Outre les charges de « soutien au terrorisme » facilement retenues à l’encontre de personnes ayant un jour déclaré être contre cette guerre — accusation tellement ridicule qu’elle devrait discréditer toutes les déclarations du Kremlin —, la mobilisation des services consulaires russes dans un pays si éloigné pour tenter de faire extrader des artistes pour ce motif est la parfaite démonstration que ce pays est devenu complètement fou. De plus en plus de célébrités de la nouvelle diaspora russe ayant reçu cette étiquette infamante se sont vu refuser l’entrée dans un pays ou ont été victimes de tracasseries administratives dans un autre. Le message semble clair : « Où que vous soyez, méfiez-vous… »

Caricaturiste et dessinateur de presse. Epo est un pseudonyme.

Abonnez-vous pour recevoir notre prochaine édition

Toutes les deux semaines

Voir également

L’État russe face au terrorisme

Tout en continuant d’accuser l’Ukraine et ses « sponsors » occidentaux d’être derrière l'attentat du Crocus City Hall, la direction russe renforce sa répression antiterroriste… contre ses propres opposants politiques.

Pourquoi la culture cesse d’être un « soft power » en temps de guerre

Le politologue ukrainien appelle l’Occident à la lucidité, car les propagandistes russes se servent de la culture pour donner une image plus « humaine » à la barbarie génocidaire du régime de Poutine.

Les plus lus

Le deuxième front : comment la Russie veut saper le soutien occidental à l’Ukraine

La Russie mène un travail de sape auprès des Ukrainiens eux-mêmes, mais aussi en infiltrant les cercles de décision occidentaux, à Washington et dans les capitales européennes. Empêcher le soutien occidental à une victoire finale de l’Ukraine et décourager les Ukrainiens de se battre jusqu’à la victoire, tels sont les objectifs russes qu’analyse et dénonce notre autrice.

Réflexions sur l’attentat de Krasnogorsk

L’ampleur et l’atrocité de l’attentat de Krasnogorsk ont secoué le monde, en faisant ressurgir des images sanglantes d’autres...