Selon Dupont-Aignan : « Un seul chef d’État dans le monde, Poutine »

Notre auteur poursuit sa série de portraits de poutinolâtres, hélas, nombreux en France. Il dresse ici le portrait de Nicolas Dupont-Aignan, homme politique et chef du petit parti Debout la France, trois fois candidat à l’élection présidentielle. Souverainiste, violemment anti-européen, pro-Poutine affiché, il est crédité à chaque fois de centaines de milliers de votes, qui s’ajoutent à ceux collectés par le RN et autres formations d’extrême droite.

Si le Rassemblement national s’est abstenu, comme l’on sait, lors du récent vote relatif à l’accord de sécurité franco-ukrainien, les députés insoumis et communistes, soumis à Moscou, ont été les seuls parlementaires à voter contre, ainsi qu’une élue du groupe écologiste. Plus un : Nicolas Dupont-Aignan. Faut-il s’en étonner ?

Né simplement Dupont, il a ajouté le nom de sa mère pour le distinguer de la masse des Dupont-Durand… Ancien chef de cabinet de François Bayrou au ministère de l’Éducation nationale, il fut même adhérent du CDS, le parti centriste et européen de l’époque, pas vraiment un allié de Moscou.

Souhaitant se présenter à l’élection présidentielle de 2007, il reçoit l’appui de Jean-Marie Le Pen, « parce que c’est un patriote comme nous »1. Il bénéficie également du soutien d’un ex-ambassadeur, ancien conseiller de De Gaulle, dont il est acquis qu’il fut un agent de l’Est.

Dans le cadre de la préparation des élections européennes de 2009, Dupont-Aignan déclare « réfléchir à des alliances avec Jean-Pierre Chevènement, avec qui j’ai tenu une réunion publique. […] Je préférerai me rapprocher de lui plutôt que de Philippe de Villiers »2.

Dangereuse Amérique…

Il ne cessera dès lors de désigner les États-Unis comme responsables de tous les maux de la terre.

Au palais des congrès de Nancy, le 27 mai 2008, il dénonce « l’alignement » du président Sarkozy sur Washington, qualifié de « frénésie de démission ». Il s’en prend à la « vassalisation mentale d’une France bradant sa vision propre du monde », n’hésitant pas à comparer notre pays à « une sorte de land de l’État américain »3. Dans son emportement, il fustige l’OTAN,  « ce gendarme occidental sous domination américaine ». Peu après, il pense que celle-ci « renforce chaque jour un peu plus les talibans »4.

Au congrès de la fondation de son parti, alors nommé Debout la République, qui se déroule à la fin novembre 2008, Dupont-Aignan dégage trois axes, s’inspirant d’Emmanuel Todd5 : supprimer la Commission européenne, sortir de l’OTAN et promouvoir une Europe à la carte6. Dans Le Monde du 21 février 2009, sa plume se déchaîne contre l’OTAN, déclarant qu’il « est indigent de subordonner la France et l’Europe aux Américains »7.

Au deuxième congrès de Debout la République, qui se tient en novembre 2010, Dupont-Aignan invite le trio Plenel, Sapir, Coûteaux à débattre, se présentant comme le candidat de la sortie de l’euro, afin de retrouver « une France libre donc souveraine »8. En juin 2011, lors d’un déplacement à Athènes, il rencontre les représentants du parti d’extrême droite, le Laos, et du syndicat communiste, le Pame9. Pas les modérés.

Son programme à la présidentielle de 2012 préconise « la sortie du commandement intégré de l’OTAN pour retrouver notre indépendance militaire », on ne sache pas que celle-ci ait jamais été menacée.

Voilà qu’à la Journée du livre politique, le 8 février 2014, Dupont-Aignan traite le journaliste Frédéric Haziza de « merde intégrale, une vraie merde »10. Quel est donc le crime commis par ce dernier, honorablement connu ? Avoir révélé que Marion Sigaut, ex-membre de son parti, avait des liens avec Alain Soral ; elle-même fut candidate, aux législatives de 1986, sur une liste trotskiste-lambertiste, les extrêmes finissant toujours par se rejoindre.

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Nicolas Dupont-Aignan à Moscou en 2015 // Sa page Facebook

Pacifique Russie…

Ayant recruté sa femme comme assistante parlementaire11, tel Fillon, dont il loue « l’amour de la France »12 et — c’est nous qui l’ajoutons — de la Russie, Dupont-Aignan déplore que le président Hollande ne se soit pas rendu, le 9 mai 2015, à Moscou, pour fêter la victoire sur les nazis, estimant que « la soumission à une pensée obligatoire, recommandée, qui sert en réalité des intérêts totalement contraires à la France sur le conflit ukrainien, gâche une relation unique et vitale avec la Russie »13. En somme, il regrette que la défense de valeurs communes à l’Occident ait compromis notre soutien à la Russie. Du reste, on cherche en vain trace d’une réserve ou d’une condamnation de sa part relative à l’agression russe de 2014.

Il établit alors un singulier parallèle entre États-Unis et Russie, ne voulant pas que la France soit pro-russe ou pro-américaine14, comme si les deux systèmes étaient à mettre sur le même pied.

Au cours de la campagne présidentielle de 2017, le député de l’Essonne réclame la levée des sanctions économiques contre Moscou, se flattant de se placer dans la lignée Villiers (de retour en grâce par rapport à 2008), Pasqua, Séguin, Chevènement15. « Notre intérêt aujourd’hui, insiste-t-il, c’est d’avoir une belle relation avec la Russie. Ne pas comprendre cela, c’est faire une erreur géostratégique majeure »16.

Concernant l’attaque chimique menée par le régime de Bachar Al-Assad en Syrie en avril 2017, provoquant la mort de 1 400 civils, Dupont-Aignan met en doute sa réalité : «Moi, déclare-t-il, je demande une vraie enquête, je veux être sûr qu’on est pas dans une manipulation à l’irakienne… Je ne vois pas pourquoi Al-Assad aurait la folie d’utiliser des gaz alors qu’il vient de stabiliser son pays. Ça m’interroge, j’ai un doute. »17 Il fait sienne la déclaration du dictateur syrien, qui accusait — tel son protecteur Poutine — l’Occident, principalement Washington18. Dupont-Aignan persiste et signe, niant l’évidence : « Toute la petite oligarchie française suit comme des caniches le lobby militaire industriel américain. […] Al-Assad n’a aucun intérêt à faire ces frappes chimiques. »19 Ce n’est pas l’avis du directeur de la santé de la province d’Idlib, qui dénonçait « un enchaînement de crimes qui dépassent l’entendement »20.

Au second tour de l’élection présidentielle de 2017, le député de l’Essonne appelle à voter Le Pen. Il s’obstine à préconiser un rapprochement avec la Russie, estimant que « nous devons mettre fin unilatéralement aux sanctions contre-productives infligées à la Russie et favoriser enfin la réconciliation avec cette grande nation qui est aussi notre principale voisine »21, distante toutefois de quelques milliers de kilomètres…

N’avait-il pas lancé qu’il n’y avait « qu’un seul chef d’État dans le monde, Vladimir Poutine », comme l’a rappelé Yann Barte dans le portrait percutant qu’il en dresse pour Franc-tireur le 16 mars 2022 ? Il préconisait de « démilitariser l’Ukraine ». Avec un expert pour l’économie tel que Jacques Sapir22, comment s’étonner de telles outrances ?

À la suite de l’interview — complaisante — de Poutine par Tucker Carlson, le site Riposte laïque, complètement inféodé à Moscou, se félicite le 11 février 2024 de la réaction favorable de Dupont-Aignan.

Voilà qu’il se rapproche du petit-fils De Gaulle23, le pire poulinolâtre qui soit, au point de solliciter la nationalité russe. Pour les européennes de juin prochain, il cherche à faire liste commune avec des personnages plus que recommandables, tels François Asselineau et Florian Philippot, autres adorateurs de la Russie de Poutine24. Quand on sait que Dupont-Aignan rendit hommage, à sa mort, à Chavez, « une des grandes voix du monde libre »25 selon lui, encensé également par Mélenchon, Alain Soral, Dieudonné, Alain de Benoist et autres26, faut-il s’étonner de ces proximités entre les extrêmes, une fois de plus étalées ?

Auteur, membre du comité de rédaction de Commentaire, ancien fonctionnaire et élu local.

Notes

  1. Le Monde, 16 mars 2007.
  2. Lettre de l’indépendance, janvier 2008.
  3. Marianne, 31 mai 2008.
  4. Le Monde, 27 août 2008.
  5. Marianne, 6 décembre 2008.
  6. Le Monde, 25 novembre 2008.
  7. Marianne, 12 février 2009.
  8. Le Monde, 23 novembre 2010.
  9. Ibid., 17 juin 2011.
  10. 20 minutes, 17 février 2014.
  11. L’Obs, 28 janvier 2016.
  12. Famille chrétienne, 21 janvier 2017.
  13. Le Figaro magazine, 18 mars 2016.
  14. Famille chrétienne, 21 janvier 2017.
  15. Le Monde, 6 septembre 2016.
  16. Famille chrétienne, 21 janvier 2017.
  17. Paris Match, 7 avril 2017
  18. Le Monde, 15 avril 2017.
  19. Ibid., 12 avril 2017.
  20. Ibid., 7 avril 2017.
  21. Le Figaro, 18 avril 2017.
  22. Le Monde, 30 avril 2017.
  23. Valeurs actuelles, 15 février 2024
  24. Le Monde, 23 mars 2024.
  25. Ibid., 6 mars 2013.
  26. Olivier Schmitt, Poutine est notre allié, Hikar éditions, 2017, p. 96-97.

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