Au cœur de l’arbitraire carcéral russe : le cas de Leniie Oumerova

Les auteurs présentent l’histoire d’une jeune Tatare de Crimée, arrêtée au moment où elle avait l’intention de rendre visite à son père malade en Crimée. S’ensuivirent presque deux ans de détention qui risquaient de se transformer en une peine bien plus longue, car Leniie a été accusée d’espionnage – un prétexte courant. Elle a finalement été échangée et a pu recouvrer sa liberté. Mais combien de milliers d’Ukrainiens restent dans des geôles russes, torturés, privés de nourriture, de médicaments, de contacts avec leurs proches ? C’est cela, la réalité de cette guerre que Donald Trump ne veut pas reconnaître et qu’il faut rappeler sans relâche.

La première fois que nous avons rencontré Leniie, jeune personne sereine, aimable et souriante, elle sortait de prison. Elle venait d’être libérée, deux semaines plus tôt seulement. C’était le début de l’automne, à Kyïv ; et tandis que Leniie parlait, nous fûmes tant frappés par le mélange de force intérieure et de douceur qui émanait d’elle, si abasourdis par ses propos, son histoire qu’elle nous racontait, que les mots nous manquèrent…

La deuxième fois que nous avons vu Leniie, c’était peu avant Noël. La jeune femme poursuivait son cycle de soutien psychologique et social, programme que l’État ukrainien prodigue aux personnes ayant subi de graves épreuves traumatiques. Leniie eut la gentillesse d’accepter notre invitation. À la maison, cette fois, nous eûmes plus de temps pour discuter avec elle, au calme, pour aller jusqu’au cœur du système carcéral et policier russe, mélange de guet-apens, de terreur et d’arbitraire, dans lequel Leniie venait de passer vingt et un mois. Mais commençons par le commencement.

Leniie est toute jeune – elle est née en 1998 à Djankoï, dans le nord-est de la Crimée. Elle est donc citoyenne ukrainienne et, comme son nom l’indique peut-être, Leniie appartient au peuple des Tatars de Crimée. Un peuple, hélas, très mal connu en Europe de l’Ouest1, bien qu’il fasse partie intégrante de l’Ukraine et qu’il soit un fer de lance dans la lutte menée par le pays pour recouvrer son intégrité territoriale et rejoindre le monde européen démocratique.

Le 20 février 2014, les préparatifs militaires d’une invasion russe débutent en Crimée. Les fameux « petits hommes verts », soldats russes agissant sans insignes, s’emparent du siège du gouvernement à Simferopol. En moins d’un mois, la péninsule est occupée.

Dès lors, la russification et la répression s’installent. Leniie, 16 ans, en classe de dixième à l’époque (l’équivalent, en France, de la première année de lycée), voit son professeur décrocher le drapeau ukrainien de la salle de cours et dire : « Voilà. Nous sommes Russes. » Cette résignation l’offusque. L’adolescente refuse le passeport russe. Or, sans ce passeport, le quotidien se remplit d’épreuves insurmontables, la vie est prise en otage : dans les territoires occupés, ceux qui refusent le passeport russe n’ont pas d’existence légale, pas d’accès à la propriété, aux soins, ni à l’école. Il était donc impossible pour Leniie d’aller à la fac. C’est à Kyïv qu’elle s’en va étudier.

Quant à ses proches, dont ses parents, ils décident de rester en Crimée malgré l’occupation. La grand-mère de Leniie avait 10 ans lorsque, le 18 mai 1944, les Soviétiques l’ont parquée, avec l’ensemble des Tatars de Crimée, dans des wagons à bestiaux pour les déporter en Asie centrale. Les parents de Leniie sont nés en Ouzbékistan, en exil. Comme tous les Tatars de Crimée, ils ont dû lutter des années durant, presque un demi-siècle, pour obtenir un droit au retour, lee simple droit de vivre en Crimée, sur leur terre, qui ne leur fut accordé qu’avec la chute de l’URSS. C’est pourquoi en 2014, et bien que l’oppression russe fût de nouveau là, beaucoup de Criméens de cette génération préférèrent rester dans la péninsule. Revenir leur avait été si difficile…

Une fois par an, Leniie quitte Kyïv pour aller voir les siens. Avant 2022, l’Ukraine du sud était encore libre. La ligne de démarcation se situait au niveau de l’isthme connectant l’oblast de Kherson à la Crimée. Là se trouvait la frontière entre le monde libre et le monde russe. Franchir cette frontière est long, procédurier ; et de l’autre côté, dans la zone occupée, c’est l’oppression. Les membres de sa famille parlent à voix basse, à huis clos, dans la cuisine. Ils ne ferment pas les yeux. Ils n’oublient rien. Ils n’abandonneront pas. Mais aborder les sujets politiques est dangereux. Toute voix s’élevant, même pacifique, est réprimée. Porter une vychyvanka, cette blouse traditionnelle ukrainienne brodée, afficher les couleurs jaune et bleue, coller sur le pare-brise de sa voiture des autocollants qui disent « Non à la guerre » ou « Vive l’Ukraine », tout cela vous expose à être arrêté, jugé, condamné à des amendes ou à la prison. La liberté d’expression est cernée par des pièges à mâchoires.

Le 24 février 2022, lorsque éclate l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, la jeune femme (24 ans à l’époque) se trouve à Kyïv. Premiers mois de guerre, l’Ukraine tient bon, ses militaires comme ses civils. En novembre de la même année, l’envahisseur est repoussé jusqu’au-delà d’Izioum. Hélas, les bonnes nouvelles nationales s’accompagnent de mauvaises nouvelles personnelles. La famille de Leniie la joint par téléphone. Son père a un cancer, bientôt, il sera opéré : la chirurgie est prévue pour le 4 décembre. Et l’on prie que… On prie pour le pays, pour la famille.

Or la ligne de front balafre l’Ukraine. Il est laborieux, très laborieux de se rendre en Crimée. À partir de Kyïv, il faut gagner la Roumanie, franchir la Bulgarie, atteindre Istanbul, traverser la Turquie, d’ouest en est, puis passer par la Géorgie, d’où l’on entre en Russie. Une fois ici, paraît-il, il est possible de rejoindre la Crimée occupée via le pont de Kertch. C’est précisément le trajet que suit Leniie, car de fait, son projet est de se rendre dans sa famille en Crimée, d’être au chevet de son père au lendemain de son opération. Elle ne prévient personne. C’est une surprise. Elle se met en route.

Parvenue en Géorgie, au poste-frontière vers la Russie (le poste de Verkhni Lars), Leniie est la seule à présenter un passeport ukrainien. Nous sommes le 3 décembre 2022. Immédiatement, la voyageuse attire l’attention de la police. On l’interpelle. On l’emmène à Vladikavkaz : c’est le plus proche commissariat. Là-bas s’ensuivent sept heures d’interrogatoire, la confiscation de ses papiers, l’auscultation de son téléphone. Transporte-t-elle de la drogue ? A-t-elle un projet terroriste ? Pour le moment, la jeune femme n’est guère étonnée de ce qui se passe. N’ignorant rien du régime russe, et bien placée pour le connaître en profondeur, elle n’envisageait qu’un contretemps, ou un refoulement en Géorgie. Mais bien qu’elle dise la vérité et coopère avec sincérité, le piège se referme. Voilà Leniie isolée. La visite à son père était une surprise. Personne ne sait où elle se trouve. Les puces téléphoniques ukrainiennes ne fonctionnent pas en Russie.

Maintenant, il est 2 heures du matin. L’interrogatoire a trop duré. On continuera demain, disent les agents. Demain, on lui dira si elle peut passer ou non. En attendant, l’étrangère n’a qu’à monter dans le taxi qu’on lui prépare, direction un hôtel, où elle devra passer la nuit. C’est un coup monté.

C’est l’hiver, la pleine nuit, en Ossétie du nord sous le contrôle de la Russie. Le taxi est soudain arrêté par une voiture de police. On demande à la voyageuse son « autorisation de passage » dans cette zone qui se révèle être une zone frontalière protégée et strictement interdite aux étrangers. Le piège s’est refermé. Leniie est en infraction. On l’arrête. On la menotte. On l’embarque.

umerova prison
Leniie Oumerova au moment de son transfert à la prison de Lefortovo

À 5 heures du matin, le tribunal local la condamne à l’expulsion vers la Géorgie. À la bonne heure. Sauf que l’Ukraine et la Russie étant en guerre, les expulsions, toujours bipartites, sont impossibles. Alors ? Alors, c’est la prison, au centre de détention pour apatrides et étrangers. « Je me souviendrai toujours de la porte de la cellule, extrêmement lourde, lorsqu’elle s’est refermée dans un vacarme sinistre », raconte Leniie. Le ventre de l’appareil répressif russe est métallique.

Le lendemain, la prisonnière emprunte le téléphone d’une cantinière, qui ne sait pas que c’est interdit. Pure chance. Sa mère sait maintenant où elle se trouve. Il faut agir. La famille cherche un avocat.

Malgré leurs efforts, Leniie resta enfermée dans la prison de Vladikavkaz durant trois mois. En mars, les démarches juridiques semblent devoir aboutir. Son avocat lui annonce qu’elle sera prochainement libérée, sans qu’aucune date ne soit encore fixée.

Le 13 mars 2023, à 21 heures, les gardes ouvrent la porte de sa cellule. On la mène au greffe. Elle franchit les grilles. On la pousse dehors. « Va-t-en, tu es libre ». Libre ?! Son téléphone ne fonctionne pas. Personne ne semble avoir été prévenu. Comment contacter qui que ce soit ? C’est la nuit. Elle décide de rester ici-même, juste devant la prison, car elle sait que sa mère, sitôt avertie, viendra la chercher. Mais les gardiens connaissent leur tâche. Elle n’a pas le droit de rester ici. C’est une zone interdite ! Qu’elle s’éloigne ! Leniie obéit. A-t-elle le choix ? Elle n’a pas fait cent mètres qu’une voiture lui barre le chemin. Nouveau coup monté. Quatre molosses, vêtus de noir, cagoulés, l’empoignent et l’embarquent. Ils lui mettent un sac en plastique sur la tête, qu’ils serrent avec du scotch.

Au bout d’un assez long trajet, une heure peut-être, la voiture s’arrête, les hommes lui ordonnent de descendre. Le véhicule s’en va. Elle est seule. Nous sommes toujours en pleine nuit, en plein hiver, on ne sait où. Elle enlève le sac qui lui couvre la tête. Elle doit s’asseoir un instant, pour reprendre son souffle et ses esprits. Au même moment, l’engrenage se remet en marche : quelqu’un s’approche, c’est encore un policier. Il l’interpelle, il la soupçonne de trafic de drogue. Il l’embarque.

Maintenant, c’est à Beslan qu’elle est emprisonnée, à une quinzaine de kilomètres de Vladikavkaz. L’aube se lève, nous sommes le 14 mars, jour de son anniversaire. Elle a vingt-cinq ans. Leniie n’a jamais compris pourquoi ils l’ont libérée pour la reprendre aussitôt.

L’Ukrainienne restera dans la prison de Beslan jusqu’en mai 2023. Dans une cellule individuelle, les douze premiers jours de sa captivité, elle n’a le droit de contacter personne. Ni sa famille, ni son avocat. Son incarcération est prolongée de quinze jours en quinze jours, pour des motifs factices : désobéissance, avoir mis trop de temps à rendre un téléphone prêté, etc. Car Leniie peut dorénavant appeler ses parents et les voir. Au parloir, ils doivent parler en russe. Ils sont filmés.

Durant ces sept semaines passées à l’isolement, une douleur très profonde la ronge de l’intérieur, mais Leniie résiste. Elle fait les cent pas dans sa cellule. Elle accorde sa respiration à sa marche et à ses pensées. Certains souvenirs, certains idéaux la soutiennent. Il y a aussi la lecture. La salle commune de la prison possède une bibliothèque riche d’une vingtaine de livres, des navets soviétiques mais, tranchant sur cela, une édition dépareillée du Comte de Monte-Cristo, le deuxième tome, celui où Edmond Dantès, dans le roman d’Alexandre Dumas, s’est évadé et va chercher à rétablir la justice.

Le 4 mai 2023, une clique vient la chercher dans sa cellule. On a quelque chose à lui proposer. Elle pourra être bientôt libérée, à cette condition : lire devant une caméra un texte, rédigé pour elle, et dans lequel elle se reconnaît coupable de ce dont on l’accuse. Cette fois-ci, la jeune femme ne tombera pas dans le piège : elle refuse. Les conséquences ?

Un jour que ses parents viennent lui rendre visite, ils apprennent que leur fille n’est plus là. Où ? Leniie a été transférée à Moscou, à la prison de Lefortovo, de sinistre renom, jadis et aujourd’hui, synonyme de purge et de terreur, officiellement réservée aux « espions » et aux « traîtres », c’est-à-dire aux dissidents, aux résistants, aux opposants au régime, mais aussi aux simples citoyens, comme Leniie, happés par le broyeur totalitaire. Si le FSB prolongeait sa peine de quinzaine en quinzaine, c’était pour se donner le temps de fabriquer des preuves pour son procès, qui se tiendrait à Moscou. Tout ceci, Leniie et sa famille le découvrirent a posteriori.

À Lefortovo, la jeune femme apprend ce dont on l’accuse : espionnage. On lui montre la une d’un journal : « Une espionne tatare arrêtée ! » D’une pierre deux coups : le totalitarisme russe l’a prise en otage et a alimenté sa propagande. Au passage, Leniie frôle la psychiatrie punitive, cet autre classique de la machine à broyer, héritage direct du soviétisme. Olga et Dmitri Dinze2, célèbre couple d’avocats spécialisés dans les prisonniers politiques, s’emparent de son cas. Leniie risque vingt ans de prison. Les premières séances d’un procès dilué dans le temps ont lieu. Les faux témoignages fabriqués par le FSB ne sont même pas concordants. Le verdict est repoussé à plus tard. En attendant, Leniie reste en prison.

Durant les sept premiers mois de sa captivité à Lefortovo, Leniie est enfermée dans une cellule individuelle. Malgré sa ténacité, sa santé se dégrade. Elle tombe malade, elle demande qu’on lui fasse parvenir des médicaments. La digue administrative bloque la demande. En effet, l’absence de traitement médical apporté aux prisonniers politiques constitue une étape-clef du processus tortionnaire. Leniie ne recevra ses médicaments que trois mois plus tard. Certains prisonniers ne les reçoivent jamais.

Dans sa cellule, elle fait les cent pas, encore, et encore. Elle réfléchit. Elle médite. Puis arrive une codétenue : Nina Slobodtchikova, une jeune Russe accusée de « trahison » pour avoir fait un don de 50 $ à une association ukrainienne au moment de l’invasion à grande échelle. Douze ans de prison. Un meurtrier écope en général de sept ans. Nina est prisonnière politique, comme Leniie. Les deux femmes parlent, s’entraident. Elles reçoivent du courrier, adressé par des inconnus du monde entier, des lettres de soutien, précieuses comme l’avenir. La codétenue écrit un roman, qu’au fur et à mesure, elle lit à Leniie. Celle-ci écrit aussi beaucoup, des lettres, dont une au président Zelensky en personne. Et en ukrainien, au surplus, ce qui est rigoureusement interdit. Chose épatante : cette lettre, écrite en ukrainien par une Ukrainienne, destinée au président d’Ukraine, est arrivée à bon port. Peut-être parce que la jeune femme s’est adressée au président en l’appelant par son prénom. Quoi qu’il en soit, un miracle. C’est à ce titre que nous mettons la traduction française de cette lettre en fin d’article.

Le reste du temps, c’est la routine carcérale, la promenade, la salle commune, où la télévision d’État est allumée. « Le plus grand pont de Kyïv a été abattu par nos glorieuses forces armées ! » Sur l’écran, Leniie, qui a vécu sept ans à Kyïv, reconnaît une passerelle piétonne, non loin de la place de l’Europe. Propagande encore, cette séance « pédagogique », quand un inspecteur lui montre une plaquette avec quatorze portraits. « C’est qui ? — Des Russes. — Qui ? — Ici, c’est Tolstoï, répond Leniie. Là, Pouchkine…Et les autres ? — Je ne sais pas. — Et pourquoi donc ? — Je n’ai pas à apprendre la liste de vos grands personnages. Je suis ukrainienne », rétorque-t-elle.

Le temps passe. Il y a désormais un an et six mois que Leniie Oumerova a tenté de se rendre au chevet de son père malade. Plus d’un an et demi qu’elle moisit en prison, en Russie. Sa famille, ses avocats, plusieurs journalistes et organisations gouvernementales et civiles travaillent activement pour elle. Pour éviter les faux espoirs, les déconvenues, un silence pudique flotte sur les démarches. Tout ne tient qu’à un fil.

Ainsi, sans qu’elle le sache, la roue était en train de tourner. Le 11 septembre 2024, au matin, un gardien déverrouille la cellule. Il ordonne à l’Ukrainienne de prendre ses affaires et de le suivre. On l’emmène dans la cour, où stationne un fourgon grillagé. C’est un panier à salade, divisé en cellules. Où va-t-on, cette fois-ci ? Il semble, au soleil, qu’on roule vers le sud. Le trajet dure, et dure. Et les détenus, perplexes, d’échanger des propos… Quoi ? Nous sommes tous ukrainiens ?! Ils sont 49, des hommes, des femmes, des militaires, des civils. Se trouvent parmi eux quelques défenseurs d’Azovstal. Un infirmier militaire, Viktor Ivtchouk, héros de l’Ukraine. Des prisonniers politiques ayant affiché des positions ukrainiennes dans le Donbass. Parmi les femmes, certaines ont été capturées chez elles par les armées d’occupation, à Donetsk, à Marioupol, simplement car elles étaient ukrainiennes. De fait, ces 49 personnes font partie d’un échange de prisonniers, grâce à la médiation du Qatar, du Vatican et de l’Arabie saoudite.

Le 13 septembre 2024, à 11 heures, le fourgon arrive à Briansk, à 100 km de l’Ukraine. Les prisonniers descendent du véhicule carcéral, grimpent dans un autobus civil. Il n’y a plus de doute : Leniie comprend qu’elle rentre à la maison, en Ukraine, qu’elle est relâchée, que le calvaire est fini.

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Leniie Oumerova, le jour de sa libération // crimeahrg.org

Deux semaines plus tard, nous faisions la connaissance de Leniie. Puis nous l’avons de nouveau rencontrée. Et nous remercions profondément cette très brave personne d’exister.

Merci en outre à tous les membres de l’Ukraine Crisis Media Center et de la Crimea Platform, en particulier Anna Sytnikova.

Lettre de Leniie Oumerova au président Zelensky, envoyée depuis la prison de Lefortovo, 2023.

« Cher Volodymyr Oleksandrovytch, je vous salue ! Je m’appelle Leniie Oumerova, je suis citoyenne ukrainienne et tatare de Crimée. Je vous écris cette lettre en tant que prisonnière politique détenue au centre de Lefortovo. Au début de l’hiver dernier, j’ai tenté de me rendre en Crimée pour rendre visite à mon père malade, mais j’ai été détenue par des policiers agissant comme des bandits, à l’entrée du territoire de la Fédération de Russie. Six mois plus tard, en mai, j’ai été inculpée sur de fausses accusations d’espionnage.

Aujourd’hui, je veux exprimer ce qui compte vraiment. Notre société traverse actuellement des moments difficiles et se bat pour ses droits à un avenir meilleur et à la vie. Et nous tous, citoyens de l’Ukraine, chacun à notre place, défendons courageusement ce que nous avons de plus précieux : notre dignité et notre liberté. Les fondations ont été posées par les générations précédentes et sont renforcées par notre propre expérience. Des mots qui, pour chacun d’entre nous, sont devenus des biens de première nécessité, et qu’il nous faut défendre !

Merci d’avoir montré par votre propre exemple que les mots « dignité » et « liberté » n’ont pas de prix !

Sincèrement, Leniie Oumerova »

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Lettre de Leniie Oumerova au président Zelensky envoyée depuis la prison de Lefortovo // pravda.com.ua

Anne & Laurent Champs-Massart sont des auteurs, poètes, romanciers, et voyageurs français. Leur démarche artistique est centrée sur l’écriture en duo et la connaissance du monde.

Notes

  1. Sur les Tatars de Crimée et la spoliation multiséculaire dont ils sont victimes de la part de la Russie, cf. A&L Champs- Massart, « Le combat des Tatars de Crimée », 2025, série de trois articles, revue Esprit.
  2. Ils furent notamment les avocats d’Oleh Sentsov, cinéaste ukrainien libéré en 2019 après cinq ans de détention.

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