Le 28 juin 2025, sur la pelouse du Théâtre du Soleil, et avec la complicité d’Ariane Mnouchkine et de sa merveilleuse compagnie, Desk Russie a fêté ses quatre ans d’existence et la sortie prochaine (que voici) du 100e numéro de sa newsletter. Près de 150 personnes étaient présentes, mais des milliers de non-Parisiens (à l’exception de quelques-uns) n’ont pu venir. Pour eux, nous publions un bref récit de cette fête, une occasion importante de se retrouver ensemble à un moment particulièrement difficile pour l’Ukraine.

Ventes de nos ouvrages, prises de paroles, excellent dîner et musique, voilà les ingrédients du succès. Nous étions sous la chaleur, mais à l’ombre, et nous avons eu un plaisir particulier à entendre plusieurs personnalités. Comme l’a dit notre hôtesse Ariane Mnouchkine dans son mot d’introduction, nous jouissons ici du bonheur de la paix, mais ne devons pas oublier les combats à mener.

L’intervention du général Nicolas Richoux nous a en partie rassurés. « Même si la Russie a la supériorité sur le plan matériel, il lui faudrait près de cent ans pour occuper l’Ukraine », a-t-il déclaré. La guerre ne va certainement pas se terminer en 2025, selon ce grand expert, mais le comportement erratique de Donald Trump empêche d’avoir des prévisions fiables.

Plusieurs orateurs ont parlé de Desk Russie, de ses réalisations et ses projets. Alain Madelin a souligné l’importance et l’extraordinaire lucidité de notre média qui a su reconnaître les traits totalitaires dans le régime russe et chez ses alliés chinois, coréen du Nord et iranien. Pour lui, la différence entre le totalitarisme et l’autoritarisme, c’est que le premier s’attaque à la pensée même des citoyens.  

Françoise Thom et Philippe de Lara ont exposé le concept de notre université libre, qui ouvrira ses portes en septembre. Philippe de Lara a expliqué que l’objectif de cette université est de contrer la guerre cognitive menée par la Russie. Selon lui, « face à sa puissance de pénétration, à sa réécriture de l’histoire, à son utilisation perverse des concepts, il faut un réarmement intellectuel, à un moment où une sphère intellectuelle libre a des difficultés à exister ». Françoise Thom, professeure de l’université libre, qui y donnera le cours intitulé « Les instruments et les méthodes de projection de puissance du Kremlin de Lénine à Poutine », a souligné que « pour comprendre la Russie, il faut étudier le fonctionnement de son élite, et les stratagèmes qui perdurent pour brouiller les pistes. Depuis toujours, au moins depuis le XIXe siècle, les Russes tentent de contrôler le récit sur la Russie. » Une autre technique est celle de « brouillage des pistes », avec des concepts fumeux comme « l’âme russe », ce qui relève du dénigrement de l’approche rationnelle.

Sylvie Rollet, présidente de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre, a esquissé les principaux axes de l’activité de l’organisation et mis en avant sa complémentarité avec Desk Russie, et notamment les actions dans plusieurs régions françaises, inspirées par notre média. En effet, les membres de cette association sont souvent invités à nos débats, et notre concertation intellectuelle résulte en tribunes communes, etc. Desk Russie a récemment interviewé Sylvie Rollet et l’un des fondateurs de l’association, Pierre Raiman.

Notre auteur Jean-François Bouthors a prononcé un très beau discours dont nous publions une version plus élaborée dans ce numéro. Il a affirmé que l’Ukraine est une nation dissidente qui ne tolère ni soumission ni mensonge, à l’instar des dissidents de jadis, qui ont œuvré dans une grande solitude. Pour lui, la guerre est un moyen d’ensauvagement du monde, et ce sont les silences – hélas si nombreux ! – qui assassinent.

Dans le programme figurait également notre auteur ukrainien et futur professeur de l’université libre, Constantin Sigov, qui voulait nous saluer à distance. Cela s’est avéré techniquement impossible, mais il nous a envoyé un petit discours audio que vous pouvez écouter ici. Pour Constantin, Desk Russie est un média de confiance pour les Ukrainiens. Et il cite notre publication après la mort tragique, dans un bombardement, d’une grande écrivaine Victoria Amelina, dont nous étions les premiers à publier l’hommage.

Constantin Sigov : le rôle de Desk Russie vu depuis l’Ukraine

Ce fut aussi un grand bonheur de rencontrer nos abonnés et nos auteurs, dont certains sont venus de loin – d’Albi, de Lannion, de Grenoble, de Suisse, de Belgique ! Et l’équipe du Soleil a été extraordinaire, le dîner et les rafraîchissements servis avec une formidable efficacité et sympathie, dans les meilleures traditions de ce théâtre, qui est maintenant – après cinq soirées consacrées à l’Ukraine l’année dernière que nous avons coorganisées – comme notre deuxième maison.

Cette soirée a été celle du lancement de notre nouveau livre, Le Vocabulaire du poutinisme, de Michel Niqueux qui nous a fait l’honneur de venir de Lisieux pour faire une séance de dédicaces. Cet éminent spécialiste de la civilisation russe signe ici un ouvrage très important pour comprendre les racines et l’essence du régime poutinien. Desk Russie est fier de publier le premier livre consacré à ce sujet si important. Nous avons également été heureux de recevoir l’autrice du premier livre de notre maison d’édition, Olga Medvedkova, qui a été ravie d’échanger avec les nombreux lecteurs de son ouvrage Dire non à la violence russe.

Enfin, n’oublions pas la musique. Comme l’a remarqué le président de l’association Kalina, Florent Murer, la prestation du groupe SC, dirigée par Volodymyr Shpinov (chant, claviers, guitare), en dépit de la chaleur dans la salle, fut un régal tant dans les compositions que dans les reprises. Nous avons aimé en particulier les chansons du groupe Okean Elzy que Shpinov et ses trois musiciens – Eric Bernard (chant, guitare), Jean-Alexis Fressoz (basse), Florentin Ménage (batterie) – ont interprété avec beaucoup de talent et d’entrain !

Que dire d’autre ? Vive Desk Russie ! Vive le Théâtre du Soleil ! Et un immense bravo pour le soutien de ceux qui sont venus et le travail formidable de notre équipe avant et pendant le déroulement de la fête !

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Galia Ackerman. Photo : Olga Medvedkova
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Ariane Mnouchkine et Galia Ackerman. Photo : Olga Medvedkova
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Françoise Thom. Photo : Johanna Möhring
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Le général Richoux. Photo : Johanna Möhring
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Sylvie Rollet. Photo : Johanna Möhring

Née à Moscou, elle vit en France depuis 1984. Après 25 ans de travail à RFI, elle s’adonne désormais à l’écriture. Ses derniers ouvrages : Le Régiment immortel. La Guerre sacrée de Poutine, Premier Parallèle 2019 ; Traverser Tchernobyl, Premier Parallèle, 2016.

Johanna Möhring est chargée de recherche, Center for Advanced Security, Strategic and Integration Studies (CASSIS), Université de Bonn.

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