Mélenchon, l’adulateur des états de non-droit

Dans la classe politique actuelle, celui qui apparaît l’un des plus inconditionnels de la Russie n’est autre que Jean-Luc Mélenchon qui, par ailleurs, se fait le porte-parole systématique des régimes les plus répressifs comme la Chine, Cuba, le Venezuela, voire la Syrie.

Au point que Daniel Cohn-Bendit condamne « Mélenchon [qui] a toujours soutenu les plus totalitaires. S’il s’agit des Américains, il soutiendra la Corée du Nord ! Il hait les Américains, il hait les Allemands » (lepoint.fr, 4 mars 2014). De son côté, le socialiste Jean-Paul Huchon, qui présida la région Ile-de-France, dénonce « son langage proche de l’extrême droite, mais c’est plus grave que Le Pen. Il incarne le populisme d’extrême gauche » (L’Express, 27 oct. 2010). Ses prises de position vont jusqu’à gêner aux entournures un Benoît Hamon. C’est ainsi que l’ancien ministre de l’Éducation nationale constate que Mélenchon « fait preuve de beaucoup d’indulgence, en matière de politique étrangère, à l’égard de pays qui restreignent les libertés publiques » (Libération, 15-17 avril 2017). On ne saurait mieux dire. Parmi le premier de ces pays figure la Russie, dont « la moindre contestation la visant ou [visant] la Chine est frappée d’illégitimité », constate, s’agissant de Mélenchon, la journaliste Ursula Gauthier (L’Obs, 23 mars 2017).

Ô sainte Russie !

En 2008, à la disparition de Soljenitsyne, le futur candidat à la présidentielle s’en réjouit, avec l’élégance qui le caractérise, crachant sur le prix Nobel, qualifié d’« inepte griot de l’anticommunisme officiel. […] C’était une baderne passéiste absurde et pontifiante […]. C’était un perroquet utile de la propagande occidentale, une voix de droite parmi les plus réactionnaires » (Le Figaro, 10 oct. 2008, et Pierre Rigoulot, « L’effet Soljenitsyne en France », Histoire et liberté, déc. 2018, p. 39) !

Après avoir rejoint le groupe communiste du Sénat en 2008, Mélenchon n’hésite pas, lors d’un meeting à Rouen, à lancer que les communistes « n’ont pas de sang sur les mains » (Valeurs actuelles, 5 avril 2012). Le nombre de morts dus à cette idéologie mortifère s’élevant à 100 millions, il aurait sans doute été de bon ton de parler au moins d’un « point de détail »

Quel que soit son comportement, il défend la Russie, s’indignant, en 2010, que « le Parlement européen, où il est élu, soit embrigadé dans des campagnes anticommunistes qui [l’]exaspèrent » (Le Monde, 18 déc. 2010). Au vrai, L’Humanité du 9 mars 2015 se félicite qu’il entende « lutter contre le déchaînement de la propagande antirusse ». Et lorsque l’opposant à Poutine Boris Nemtsov, proche de Navalny, est assassiné, dans des circonstances jamais élucidées mais où le pouvoir en place pourrait être impliqué, il soutient, là encore, Poutine, qu’il présente comme une victime, face à ce « libéral fanatique, un voyou politique ordinaire », poussé par l’extrême droite russe, aux ordres des « provocations américaines » (ibid., 10 mars 20151). Et de déclarer être « en campagne contre la diabolisation de Poutine » (L’Humanité, 9 mars 2015), s’indignant de l’absence, à Moscou, du président Hollande à la célébration du 8 mai 1945, « une très grave faute, par excès de servilité à l’égard des Américains. La Russie est une grande puissance et un partenaire » (Le Figaro, 18 mai 2015), achevant de condamner par ailleurs la dénonciation par la France du contrat livrant deux porte-hélicoptères Mistral à la Russie (L’Obs, 20 nov. 2014).

Sur sa lancée, l’année précédente, en 2014, Mélenchon ne pouvait pas ne pas applaudir à l’annexion, en violation du droit international, de la Crimée par la Russie, dont « les ports sont vitaux » pour cette dernière (LCI, 1er mars 2014) — mais les vrais coupables, ce sont évidemment « l’OTAN et l’Amérique se livrant depuis des années à une provocation face à la Russie » (ibid.) —, se félicitant que « la Crimée soit perdue pour l’OTAN. Tant mieux ! » (Libération, 25-26 oct. 2014) et s’en prenant aux « récitants des médias [qui] ont débordé d’irresponsabilité en prêchant la haine antirusse, en étouffant les crimes de guerre du gouvernement d’extrême droite ukrainien, son président oligarque, et en diabolisant d’une manière irresponsable la Russie et Vladimir Poutine » (Libération, 12 fév. 2015).

Lorsque, à la rentrée 2016, survient un net refroidissement entre la France et la Russie, Mélenchon dénonce cet « alignement total sur les États-Unis », rejoignant son émule d’extrême droite, Mariani, qui considère François Hollande comme « un laquais de la politique américaine » (Le Monde, 13 oct. 2016).

Et de poursuivre, glorifiant les Russes qui sont des partenaires, pas des ennemis (ibid., 1er déc. 2016), des partenaires historiques, quel que soit le régime en place, réprouvant les sanctions qui, selon lui, ne mènent nulle part (ibid., 6 janv. 2017), énonçant gravement que « la Russie ne représente en réalité aucun danger contre l’Europe » (Marianne, 20 janv. 2017).

Tandis que notre Mélenchon estime que la Russie fait partie, au contraire de l’Amérique, du même continent, permettant de lui accorder confiance (Le Monde, 7 avril 2017), il propose, lors de la présidentielle de 2017, de sortir de l’OTAN — son obsession — pour créer une alliance bolivarienne, fondée par Chávez et Castro en 2004 : il s’agit de l’engagement n° 62 de son programme (tempsreel.nouvelobs.com, 14 avril 2017), peut-être pour arrimer Venezuela, Nicaragua et Cuba au même continent européen… Ajoutons que cette alliance comprend comme observateurs la Russie et l’Iran, qui partagent — ô combien ! — nos valeurs démocratiques et laïques…

Après l’élection présidentielle de 2017, il ne modifie d’aucune façon son engouement poutinien. Ainsi, après l’empoisonnement de Skripal et de sa fille en Grande-Bretagne, les Occidentaux, dont la France, décident d’expulser 134 agents, qualifiés de diplomates, ce qui irrite l’ex-candidat, pour lequel cette opération est « une comédie provocatrice sans objet réel. Une escalade absurde et dangereuse » (Twitter, 27 mars 2018, 8 h 19).

En mai 2018, il se rend en voyage quasi officiel à Moscou, où il se complaît à délivrer un message « d’amitié et de fraternité » à un pays qu’il faut prendre garde de « diaboliser. Je ne veux pas ajouter ma voix au concert d’hystérie antirusse sous prétexte que Vladimir Poutine est au pouvoir. En s’alignant sur Washington, les Européens s’isolent, alors que la Russie est ouverte sur le monde » (Le Figaro, 11 mai 2018). Il en profite pour accabler Navalny de critiques — pensez donc, un adversaire du régime officiel — et de déplorer que l’Allemagne ait « annexé la République démocratique allemande » (Le Monde, 12 mai 2018). Il continue à marteler que la peur des Russes est absurde (Libération, 11 mars 2019), qu’il s’agit d’une « hystérie visant à ancrer la vassalisation avec les États-Unis » (Marianne, 17 mai 2019).

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Jean-Luc Mélenchon et son conseiller de l’époque Djordje Kuzmanovic participent au défilé du « Régiment immortel » sur la Place Rouge le 9 mai 2018 // La chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon, capture d’écran

La Syrie et le brave Assad

« L’avocat le plus outrancier du maître du Kremlin », pour reprendre l’expression de Nicolas Hénin (Nicolas Hénin, La France russe, Fayard, 2016, p. 122 et suiv.), modifie sa position, pour la Syrie, selon que celle-ci est défendue par la Russie ou combattue par les Occidentaux, s’alignant systématiquement sur Moscou, qu’il soutient envers et contre tout. On cherche en vain quelque réserve — ne parlons pas de condamnation — quand l’aviation russe bombarde avec précision écoles et hôpitaux, tuant ou mutilant d’innombrables civils, dont de nombreux enfants, ce qui ne saurait l’émouvoir, ne serait-ce que sous la forme d’une simple déclaration.

Au début 2013, la France, avec le concours de la Grande-Bretagne, propose d’armer les rebelles syriens, Mélenchon s’irrite de cette « erreur absolue » (Le Monde, 19 mars 2013), qui devient vite « gigantesque » (lepoint.fr, 27 août 2013). La solution, pour lui, consiste à parler avec Assad. Il loue l’attitude des Russes, « beaucoup plus sensée que celle de n’importe qui » (lefigaro.fr, 6 sept. 2015), rejetant en bloc les accusations selon lesquelles la Russie bombarderait avant tout des forces rebelles opposées à Assad et à l’État islamique, allégations contredites par la réalité (lejddfr, 22 fév. 2016). De toutes les manières, à quoi bon argumenter face à Mélenchon pour qui Daech n’est autre que la création, un comble, de Washington et d’Ankara (Le Parisien, 7 oct. 2015) ?

Les braves soldats russes sont à encourager et à féliciter, pas comme les frappes américaines après l’utilisation d’armes chimiques par la Syrie — que Mélenchon met en doute (Le Figaro, 11 mai 2018) —, alors que lesdites frappes, elles, sont « criminelles, irresponsables » (Le Monde, 11 avril 2017).

La haine des Américains

Mélenchon ne dissimule nullement qu’il les « déteste. Un empire prétentieux et arrogant, composé d’incultes, de chefs pitoyables » (ibid., 21 juin 2011), si différents de ses parfaits et exemplaires Russes. Pour lui, l’Amérique représente « le premier problème du monde » (Le Figaro, 3 avril 2012), pas moins, autrement grave que la menace terroriste. On a pourtant l’impression qu’il commet le descriptif de la Russie, transposé à l’Amérique, « empire agressif, violent, organisateur permanent de complots, de coups d’État, de tentatives d’assassinat et de déstabilisation […]. Le responsable principal du mal, du désordre, des tentatives de guerre civile, c’est l’impérialisme américain » (Le Monde, 12 oct. 2017).

Son obsession, puisqu’elle porte ombrage à la Russie, c’est la sortie de l’OTAN — à l’instar des Le Pen-Zemmour-Xavier Bertrand —, « la négation de notre indépendance et le symbole de notre soumission aux États-Unis et à leur folle politique impériale », confie-t-il à L’Humanité du 22 janvier 2016.

Il ne cesse de hurler contre « un atlantisme d’un niveau de violence même pas atteint durant la guerre froide » (Le Figaro, 7 janv. 2017), enjoignant voire ordonnant au président Hollande de s’opposer à l’accord donné pour l’installation de batteries antimissiles en Pologne, qui risqueraient de menacer sa pacifique Russie (ibid., 10 avril 2017). Il ne peut que rendre hommage, invité du Grand Orient, au général de Gaulle qui, lui, s’était désengagé du commandement militaire intégré de l’OTAN (L’Express, 8 juin 2016).

Des modèles : Venezuela, Cuba, Chine

Dès l’instant où le Venezuela — ou Cuba — s’oppose à Washington, il faut lui porter aide et assistance. Mélenchon devient un véritable affidé, d’aucuns diraient un séide, de la direction vénézuélienne, aveugle face à sa gestion qui a conduit le pays à son effondrement, à la fuite de sa population et à de graves atteintes à la démocratie, au point d’en faire, avec le Nicaragua et Cuba, un pays totalitaire. Même un Laurent Joffrin, alors à la tête de Libération, a consacré un éditorial inquiet face à un Mélenchon adepte du déni (« Mélenchon et le Venezuela : l’inquiétant déni », Libération, 28 août 2017), dont Le Monde, sur le même sujet, constate le sens assez limité de la nuance (Le Monde, 3 oct. 2012), sans parler d’un autre organe, également orienté à gauche, L’Obs, qui dénonce son « idolâtrie pour Cuba » (L’Obs, 13 avril 2017).

Mélenchon, adepte des contre-vérités, ose proclamer que Chávez « a fait progresser d’une manière considérable la démocratie » (Le Monde, 8 mars 2013), « source d’inspiration, au point de donner des larmes » (Le Nouvel Observateur, 26 juil. 2012), se complaisant à cosigner avec Ramonet, autre inconditionnel du castrisme, des dithyrambes à l’égard du tyran de Caracas (Le Monde, 5 oct. 2012), ardemment soutenu par Cuba bien sûr, mais aussi par l’Iran, Kadhafi et Assad.

Pour sa part, son successeur, Maduro, pire encore, saluait avec enthousiasme « Mélenchon, notre grand ami, notre camarade », n’oubliant pas non plus de rappeler son compatriote Carlos, le terroriste condamné à perpétuité (ibid., 3 mai 2013). Mélenchon passe ses vacances au Venezuela à l’été 2012. Il demeure le soutien indéfectible de Maduro avec, s’étonne Le Point du 7 février 2019, les dirigeants chinois et coréen du Nord — la référence absolue —, Erdogan, Poutine et Hassan Rohani.

Sa servilité est telle que lorsque le Parlement européen décerne le prix Sakharov au dissident cubain Guillermo Farinas, Mélenchon est l’un des rares, avec les élus communistes, à refuser de s’associer à cet hommage, en l’absence du bénéficiaire, interdit de sortie de La Havane (Libération, 3 mars 2010), continuant à affirmer que Cuba n’est pas une dictature (France Inter, 5 janv. 2011) (Ségolène Royal était tout aussi enthousiaste !).

La Chine, après que Mélenchon a critiqué le Dalaï-lama, « n’a jamais été une menace » (Le Figaro, 3 avril 2012), car « il y a entre nous une culture commune bien plus étendue et profonde qu’avec les Nord-Américains. […] Dans leurs relations internationales, ils ne pratiquent pas l’impérialisme aveugle des Américains » (Le Monde, 18 déc. 2010), et Mélenchon d’aller jusqu’à soutenir la Chine, pour contrer le dollar, dans son projet de créer une nouvelle monnaie commune mondiale (Jean-Luc Mélenchon, L’Ère du peuple, Fayard, 2014, p. 71), plaidant pour « une coopération privilégiée avec ce pays » (Le Point, 3 nov. 2011).

L’ancien maire socialiste d’Hénin-Beaumont, Gérard Dalongeville, se demande alors pour qui il roule, estimant que « Mélenchon boit à deux sources étrangères, la Chine et le Venezuela » (Marianne, 11 mai 2013).

Sa récente brochure, « Pour une France indépendante », confirme ces orientations : alliance de fait avec la Chine et la Russie contre l’OTAN, « symbole de soumission à l’impérialisme américain » (« Pour une France indépendante », Les Cahiers de l’avenir en commun, 2021, n° 4, p. 15).

Ajoutons que René Balme, un candidat de son parti aux législatives de 2012, dans la 11e circonscription du Rhône, n’hésitait pas à saluer Thierry Meyssan comme à donner, sur son site, la parole à Soral et Dieudonné, saluant Ginette Skandrani, la négationniste des Verts, sans pour autant être désavoué par Paris (Le Monde, 7 juin 2012).

Tandis que Marine Le Pen admettait que les constats faits par le Front de gauche (devenu la France insoumise) ne sont « pas très éloignés » de ceux du Front national (Le Figaro, 4 nov. 2014), et que son père avouait avoir « une indulgence coupable pour Mélenchon » (Causeur, été 2021, p. 51), le dernier mot appartient au terroriste Carlos appelant, du fond de sa cellule, « à voter Mélenchon » (Frédéric Charpier, Un homme sous influence, Grasset, 2020, p. 129).

Auteur, membre du comité de rédaction de Commentaire, ancien fonctionnaire et élu local.

Notes

  1. On se reportera également à Cécile Vaissié, Les Réseaux du Kremlin en France, Les Petits Matins, 2016, p. 238-242 ; elle rappelle que même le site Mediapart s’est indigné des positions de Mélenchon, pas non plus partagées par le si complaisant Parti communiste.

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