Cet essai est le dixième et dernier volet du projet du Centre pour l’intégrité démocratique (Vienne), « Russia’s Project “Anti-Ukraine” », dont Desk Russie est le partenaire francophone. Le chercheur viennois y analyse le comportement de Vladimir Poutine, et notamment son obsession de domination de l’Ukraine. Comme dans un récit de science-fiction, le chef de l’État russe, en quête d’une immortalité symbolique, espère corriger le cours de l’Histoire, en tentant de soumettre le peuple ukrainien qui, à cause de l’éclatement de l’URSS, a acquis la souveraineté. Mais un tel objectif fantasmé ne peut apporter à la Russie et à son président qu’une chose – la ruine.
Introduction
Alors que Vladimir Poutine commençait à renforcer son emprise sur le pouvoir au début des années 2000, en domptant l’opposition politique, en contraignant les voix indépendantes au silence et en soumettant les hommes d’affaires récalcitrants, une curieuse évolution a commencé à se dessiner dans le monde de la science-fiction russe. La fascination pour les guerres interstellaires, les sagas de vampires et les mondes fantastiques d’elfes et d’orques ont de plus en plus cédé la place à l’ivresse de l’histoire fictive et, plus particulièrement, de son sous-genre russe, le popadanstvo1.
Ce néologisme russe maladroit est dérivé du verbe popadat qui peut être traduit par « se retrouver (quelque part) ». Un roman de popadanstvo typique est centré sur un protagoniste russe (popadanets, au singulier, et popadantsy, au pluriel) qui est transféré ou se retrouve dans un temps et/ou un espace différent. Le sens le plus proche de ces expressions en anglais serait « accidental travel » pour popadanstvo, et « accidental historical tourists » pour popadantsy.
En tant que forme d’histoire fictive, le popadanstvo n’est pas nouveau : dès 1889, Mark Twain a publié un roman intitulé Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur, qui est considéré comme la première fiction de ce genre. Toutefois, le sous-genre russe se distingue nettement des autres formes de fiction historique par son souci de voir les protagonistes mettre leurs aventures au service de l’État russe.
Trois périodes historiques sont particulièrement populaires auprès des auteurs russes : La Rus’ de Kyïv, l’Empire russe et l’Union soviétique. Les protagonistes sont transférés à ces époques ou ont leur esprit transféré dans le corps de personnages importants de ces périodes. Armés de leurs connaissances historiques, ils aident à prévenir les développements tragiques de l’histoire russe ou à remporter des victoires sur les ennemis de la Russie. Ainsi, des hordes de commandos russes fictifs, de reconstituteurs et même de simples citoyens se rendent dans le passé de la Russie au fil des pages des romans de « voyages accidentels » pour lutter contre les envahisseurs nomades turcs, l’armée napoléonienne, le Troisième Reich et d’autres calamités. Mais il arrive aussi que des personnalités historiques soient transférées dans le futur. Par exemple, dans un roman, des agents du dictateur soviétique Joseph Staline se rendent dans la Russie contemporaine pour donner des conseils à Poutine sur la manière de vaincre l’Occident et les ennemis intérieurs.
L’essor de l’histoire fictive en Russie peut être considéré comme une réponse psychologique à une crise profonde de l’identité collective. Cette crise est née de la désintégration de l’Union soviétique, de la pauvreté extrême des années 1990 et de l’humiliation amère de la défaite militaire lors de la première guerre de Tchétchénie. En tissant des récits de triomphe personnel et national, l’industrie de la fiction a fait plus qu’offrir un moyen d’évasion : elle a puisé dans un sentiment omniprésent d’infériorité collective et dans la douleur d’une déresponsabilisation historique, et l’a peut-être même approfondi.
Dans ses écrits sur les mythes et les rituels, Mircea Eliade soutient qu’en s’immergeant dans la littérature d’aventure et en s’identifiant à des héros fictifs engagés dans des quêtes transformatrices, les jeunes lecteurs font l’expérience d’une forme très ancienne de rites de passage de l’adolescence à l’âge adulte2. De même, la littérature popadanstvo semble offrir aux lecteurs russes une compensation illusoire pour une identité nationale blessée, en nourrissant des schémas d’évasion et d’externalisation de la faute, et en transformant subtilement son public lui-même en popadantsy.
Un popadanets tristement célèbre dans le monde réel est Igor Guirkine (dit « Strelkov »), un officier à la retraite du Service fédéral de sécurité russe (FSB), qui a joué un rôle clé dans l’invasion russe de l’est de l’Ukraine en 2014. Passionné de littérature historique, Guirkine était très impliqué dans les reconstitutions militaires avant l’invasion. Il était particulièrement fasciné par la guerre civile russe, revêtant souvent l’uniforme d’un officier de la Garde blanche pour « jouer des batailles anciennes » contre les bolcheviks – il lui arrivait aussi de changer de camp – avec un cercle de passionnés partageant les mêmes idées.
Pour Guirkine, l’invasion russe de l’Ukraine est devenue un portail dans la vie réelle – une chance de se retrouver dans le « futur » en tant qu’« officier de la Garde blanche », luttant pour aider la Russie contemporaine à restaurer l’empire perdu lorsque les bolcheviks ont pris le pouvoir. En prenant part à la guerre de 2014 contre l’Ukraine, il a tenté d’inverser ce qu’il considérait comme la catastrophe nationale qui s’était abattue sur sa patrie dans « son » 1917, un passé auquel il se sentait profondément lié par la reconstitution historique.
Bien que différent de Guirkine par sa stature et son influence, Poutine peut lui aussi être considéré, dans un sens, comme un popadanets. Pour Guirkine, la rupture essentielle à réparer était l’effondrement de l’Empire russe. Pour Poutine, il y a deux blessures qui se chevauchent dans la trame de l’histoire. La première est la victoire de l’Occident dans la guerre froide – un triomphe qui a brisé le bloc socialiste et accéléré la chute de l’Union soviétique. La seconde est l’affirmation par l’Ukraine de sa propre identité nationale, son départ de l’attraction gravitationnelle du soi-disant « monde russe ».
La guerre de Poutine – à la fois contre l’Occident en général et contre l’Ukraine en particulier – apparaît donc comme une tentative de « corriger » l’histoire, de forger un présent dans lequel ces ruptures ne définissent plus le paysage historique. En d’autres termes, il s’agit d’une guerre d’« histoire alternative », une guerre visant à annuler le triomphe de l’Occident et à effacer l’Ukraine en tant que nation distincte de la Russie.
« Moscou est silencieuse »
Une vague de révolutions a déferlé sur le bloc de l’Est en 1989. Encouragées par les avancées démocratiques en Pologne et en Hongrie, les manifestations de masse en République démocratique allemande (RDA) ont pris de l’ampleur à l’automne de cette année-là, exigeant des réformes politiques et la liberté de circulation. Le 9 novembre, après des semaines de troubles, les autorités est-allemandes ont annoncé à l’improviste que les citoyens seraient autorisés à se rendre librement en Allemagne de l’Ouest et à Berlin-Ouest. Des milliers de personnes se sont rassemblées des deux côtés du mur de Berlin, l’escaladant ou traversant les postes de contrôle, marquant ainsi le début de son démantèlement et l’effondrement symbolique du rideau de fer.
À l’époque, Vladimir Poutine, alors un officier du KGB âgé d’une trentaine d’années, était en poste à Dresde, en Allemagne de l’Est. Opérant à partir de la résidence du KGB située dans une villa au 4Angelikastrasse, il aurait géré un réseau d’agents en Allemagne de l’Ouest à partir de 19853. Face à la pression politique croissante en Allemagne de l’Est, et suite à la prise d’assaut du quartier général de la Stasi à Dresde par des manifestants pro-démocratie le 5 décembre 1989, la résidence du KGB dans la ville a été fermée en février 1990. Le même mois, Vladimir Poutine est rentré en Union soviétique.
Dix ans plus tard, M. Poutine est sur le point d’être élu président de la Russie pour la première fois. Sa campagne s’est fortement appuyée sur ceux que l’on appelle les « technologues politiques » [équivalent russe de « spin doctor », NDLR], des spécialistes qui gèrent et manipulent les processus politiques par le biais de la communication stratégique, du contrôle des médias, de la propagande et des tactiques électorales en vue de façonner l’opinion publique4. Pour renforcer son image, ces technologues ont commencé à construire un mythe héroïque autour du dernier chapitre du service de Poutine au KGB à Dresde. Ils se sont appuyés sur un détail historique : après que des manifestants ont pris d’assaut le siège de la Stasi à Dresde, un petit groupe de 15 à 20 activistes allemands pro-démocratie s’est rendu à la résidence du KGB, située à quelques minutes de là.
Dans la version mythifiée, ce petit groupe s’est transformé en une « foule » indisciplinée d’hommes agressifs, majoritairement jeunes, déterminés à s’introduire dans la villa du KGB. Selon le récit, Poutine a appelé le commandement militaire soviétique à Dresde pour demander des renforts afin de protéger le bâtiment et ses secrets. Le commandement a répondu qu’il ne pouvait rien faire sans l’autorisation de Moscou et a promis de se renseigner. Lorsque Poutine a téléphoné, on lui a dit qu’on avait transmis la demande, mais Moscou est resté silencieux. En d’autres termes, ni le commandement militaire soviétique à Dresde ni les autorités centrales à Moscou ne voulaient ou ne pouvaient agir.
À ce moment-là, le récit prend une tournure cinématographique. Poutine est sorti pour faire face aux manifestants. Il leur a dit calmement que la villa appartenait à l’armée soviétique et qu’ils n’avaient pas le droit d’y entrer. Il a prévenu que les soldats soviétiques à l’intérieur avaient reçu l’ordre d’ouvrir le feu si quelqu’un tentait de pénétrer dans la villa. Puis il leur a tourné le dos et est rentré dans le bâtiment. Confuse et apparemment troublée, la foule s’est dispersée5.
Ce récit sur Poutine a été construit sur le modèle d’un espion soviétique fictif, connu sous le pseudonyme de Max Otto von Stierlitz, et qui a infiltré l’Allemagne nazie sous l’apparence d’un officier SS de haut rang pendant la Seconde Guerre mondiale. Inventé à l’origine par l’écrivain soviétique Ioulian Semionov dans les années 1960, Stierlitz est devenu l’une des figures cultes les plus aimées de la culture populaire soviétique et, plus tard, russe, grâce à la série télévisée soviétique Dix-sept moments de printemps (1973).
Le roman de Semionov, qui a inspiré la série télévisée, avait été commandé par le chef du KGB, Iouri Andropov. Le livre et son adaptation télévisée faisaient partie d’un effort de propagande visant à glorifier les espions soviétiques à l’étranger, à redorer l’image répressive du KGB et à attirer les jeunes recrues vers une vision plus héroïque des services secrets6. La série télévisée a incité de nombreux jeunes Soviétiques à rejoindre le service de renseignement extérieur du KGB, et Poutine n’a pas fait exception à la règle7. Fan de Stierlitz et d’autres romans de Semionov, il a rejoint le KGB en 1975, deux ans seulement après la diffusion de la série.
Au début des années 1990, alors que Poutine travaillait comme conseiller à la mairie de Saint-Pétersbourg après son retour de Dresde, un réalisateur local a fait un court documentaire sur lui. Dans ce film, Poutine reconnaît publiquement, pour la première fois, son passé d’agent du KGB à l’étranger. Le réalisateur lui propose alors de rejouer une scène de Dix-sept moments de printemps.
L’image précoce de Poutine en tant que Stierlitz des temps modernes, bien que peu reconnue par le public au cours des années 1990, s’est avérée très utile pour les technologues politiques préparant sa campagne présidentielle en 1999-2000. Des sondages d’opinion humoristiques ont montré à l’époque que Stierlitz figurait parmi les candidats fictifs à la présidence préférés des Russes. En mai 1999, une couverture de l’influent magazine russe Kommersant présentait même l’image de Stierlitz à la télévision soviétique, avec la légende suivante : « Président-2000 : un portrait du futur chef d’État ».
Les technologues politiques de Poutine ont veillé à ce que, si quelqu’un ne voyait pas le lien entre Poutine et Stierlitz, « des articles de presse lui rappellent la ressemblance et contribuent à créer l’association8 ». Au moment de l’élection présidentielle de 2000, les consultants de Poutine avaient renforcé la référence à Stierlitz en y ajoutant le récit de l’impasse de Dresde, créant ainsi une image héroïque apparemment solide et convaincante : un ancien espion sans peur, capable de calmer les foules en colère tout en restant inflexible lorsque la fermeté s’impose.
Aucune preuve indépendante ne permet de vérifier le récit que fait Poutine des événements survenus à Dresde le 5 décembre 19899, mais il reste plausible qu’il ait été témoin de l’afflux de manifestants allemands en faveur de la démocratie à l’automne et au début de l’hiver de cette année-là. En outre, les idées et les messages contenus dans ce récit peuvent donner une meilleure idée de la pensée politique de Poutine que les faits eux-mêmes.
« Nous sommes le peuple ! » Tel était le slogan de la révolution démocratique pacifique en Allemagne de l’Est, dont Poutine a été le témoin direct. En 1989, ce sont des gens ordinaires qui ont exigé des réformes démocratiques, et ce sont des Allemands ordinaires qui ont finalement démantelé la RDA autoritaire. Pour un officier du KGB représentant les intérêts de l’Union soviétique, le slogan et les événements qui le sous-tendent – incarnant le triomphe des petits sur les puissants – ont dû être profondément déstabilisants à de multiples niveaux.
La victoire du peuple sur le Parti est avant tout une humiliation. Le rôle central du KGB à l’intérieur du pays était de maintenir un contrôle répressif sur la population. Ce rôle a été exécuté de manière encore plus impitoyable par son homologue est-allemand, la Stasi, tristement célèbre pour l’intensité de sa surveillance intérieure10. Ces agences existaient pour s’assurer que les gens ne puissent jamais revendiquer la liberté ou la souveraineté.
Bien que les régimes de l’Union soviétique, de la RDA et d’autres États socialistes aient prétendu parler au nom du peuple, ils ne servaient en réalité qu’eux-mêmes – le parti et l’appareil de sécurité. Telle était l’arrogance ultime des élites socialistes corrompues : prétendre exprimer la volonté du peuple, tout en utilisant tous les instruments de coercition, jusqu’à l’élimination physique, pour l’écraser. Le Parti était l’autorité suprême ; le rôle du peuple était d’obéir. Et c’est la police secrète qui y veillait.
Ce qui s’est passé à Dresde et dans toute la RDA en 1989 a été la répudiation brutale du dogme élitiste que Poutine avait été formé à appliquer. Ce fut la première « révolution de couleur » victorieuse qu’il vit de près, et la première d’une longue série qu’il allait détester, à la fois pour ce qu’elles lui rappelaient et pour la souveraineté démocratique populaire qu’elles représentaient.
Le sentiment d’impuissance de l’Union soviétique face aux événements de 1989 en Allemagne de l’Est, un pays que les Soviétiques considéraient comme leur satellite, n’est pas moins humiliant. Moscou est restée silencieuse – elle n’a pas pu réagir comme Poutine et ses collègues agents secrets l’espéraient, comme elle l’avait fait lors du soulèvement est-allemand de 1953, de la révolution hongroise de 1956 ou du Printemps de Prague de 1968. L’Union soviétique n’ayant pas réussi à renforcer sa domination sur ses satellites, c’était la fin de l’État pour Poutine. Comme il s’en souviendra plus tard, il a « alors eu le sentiment que le pays n’existait plus. Il est devenu évident que l’Union était malade. Il s’agissait d’une maladie mortelle et incurable appelée paralysie. Une paralysie du pouvoir11. »
La révolution pacifique de 1989 en RDA et l’effondrement plus large de la domination soviétique n’ont pas seulement constitué un choc géopolitique, mais aussi un choc profondément personnel et existentiel pour Poutine. Même si ses perspectives de carrière au sein du système de privilèges élitistes restaient relativement sûres, pour un officier du KGB formé à se dévouer entièrement à l’État – à vivre pour et par lui – la paralysie mortelle de l’État a marqué une profonde crise d’identité. En 2005, il a qualifié l’effondrement de l’Union soviétique de « plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle » et a exhorté l’élite russe à « reconnaître » cette perte12. Et si beaucoup ont partagé sa vision de l’effondrement comme une tragédie nationale, pour Poutine, il s’agissait avant tout d’un traumatisme profondément personnel.
Il est naturel pour l’homme – en tant qu’espèce uniquement capable de comprendre l’inévitabilité de la mort – de chercher à concilier l’instinct de conservation avec la connaissance de la mortalité, en s’identifiant à des entités plus grandes et plus durables que le moi individuel : la famille, les communautés de foi, la nation, l’État. Nous imaginons que, si nous laissons des descendants derrière nous, nous continuerons à vivre à travers eux – tout comme nos ancêtres continuent à vivre à travers nous. Nous pouvons également nous imaginer vivre à travers une collectivité que nous concevons comme notre nation ou notre État : en contribuant à sa prospérité et à sa grandeur, nous gagnons l’espoir d’être inclus dans sa mémoire culturelle et, ainsi, de nous assurer une place durable dans son histoire13.
Or, plus nous intériorisons ces croyances, moins nous devenons tolérants envers ceux qui sont perçus comme menaçant les identités collectives auxquelles nous nous associons. La maladie mortelle de l’Union soviétique, suivie de sa dissolution, n’a pas seulement constitué une rupture géopolitique, mais aussi un coup porté à l’armure psychologique de Poutine, qui l’avait protégé de la peur de la mort en lui promettant de survivre grâce à l’État soviétique.
Le contraire de l’immortalité symbolique, c’est l’oubli. Trois décennies après l’effondrement de l’Union soviétique, Poutine établira un parallèle direct entre la paralysie du pouvoir et l’oubli, associant ainsi indirectement la survie de l’État à l’immortalité symbolique : « À la fin des années 1980, l’Union soviétique s’est affaiblie et s’est ensuite effondrée. Cette expérience […] nous a montré que la paralysie du pouvoir et de la volonté est le premier pas vers la dégradation complète et l’oubli14. »
Cependant, l’Union soviétique ne s’est pas simplement « affaiblie » et « désagrégée ». Le coup porté à l’armure psychologique de Poutine est venu de l’Occident : c’est l’Occident qui est sorti victorieux de la guerre froide, qui s’est achevée avec la chute de l’Union soviétique. Mais l’Occident, s’il est la première source de ce traumatisme géopolitique, n’est pas la seule. Ce sont également les citoyens ordinaires et leur quête de souveraineté démocratique populaire qui ont démantelé et humilié les fondements de l’État répressif et, ce faisant, ont brisé la structure même qui avait maintenu cette armure psychologique.
La logique sous-jacente du popadanstvo est qu’une fois qu’un tournant historique spécifique est identifié comme préjudiciable à la Russie – qu’il s’agisse de l’Empire russe ou de l’Union soviétique – un protagoniste peut voyager dans le temps pour le changer et ainsi « corriger » le présent. Au fil du temps, Poutine semble avoir progressivement adhéré à l’idée qu’une histoire fictive pouvait être transformée en réalité politique.
Son histoire en Ukraine
Maksym Boutkevytch, militant ukrainien des droits de l’Homme, s’est porté volontaire pour rejoindre les forces armées en tant que lieutenant immédiatement après le début de l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie en février 2022. En juin 2022, il a été capturé par les forces russes avec plusieurs soldats de son peloton, puis condamné à treize ans de réclusion. Les Russes ont cherché à briser son esprit et sa volonté, et la torture physique et psychologique est devenue une routine.
La première fois que Boutkevytch a été sévèrement battu en captivité, c’était pendant un cours sur l’histoire de l’Ukraine. Lui et ses compagnons d’armes ont été contraints de s’agenouiller devant un officier russe. Celui-ci a sorti son smartphone et a commencé à lire à haute voix le discours de Poutine annonçant l’invasion de l’Ukraine en février 2022, en se concentrant sur les parties concernant l’histoire de l’Ukraine. Les prisonniers ont reçu l’ordre de répéter chaque ligne mot pour mot. Chaque fois que quelqu’un trébuchait ou hésitait, l’officier frappait Boutkevytch avec un bâton en bois. À la fin de la torture – et longtemps après – l’« histoire de l’Ukraine » de Poutine était gravée dans le corps tourmenté de Boutkevytch15.
Une grande partie du discours de Poutine a été consacrée à ses multiples griefs à l’égard de l’Occident et à la menace politique, militaire et culturelle qu’il ferait peser sur la Russie. Selon lui, les puissances occidentales ignorent les préoccupations de la Russie en matière de sécurité. L’Occident est hypocrite et sans morale. Il impose avec force des valeurs corrosives à la Russie – des valeurs qui, selon Poutine, vont à l’encontre des traditions russes et affaiblissent la société russe.
Cependant, le discours présentait également les explorations « historiques » de l’Ukraine par Poutine – des récits qui seront plus tard utilisés dans le cadre de la torture des prisonniers de guerre ukrainiens. Poutine a nié la souveraineté de l’Ukraine en la présentant comme historiquement et culturellement inséparable de la Russie. L’idée d’une Ukraine souveraine est présentée comme une entreprise nazie et, par conséquent, comme dangereuse et illégitime. L’Ukraine est décrite comme un objet passif manipulé par l’Occident dans le but d’affaiblir la Russie.
Les récits de Poutine sur l’Ukraine s’appuient sur son article pseudo-historique « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », publié environ six mois avant l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie et largement considéré comme la préparation « théorique » de cette invasion.
L’article partait du principe que les Ukrainiens sont en fait des petits Russes (malorossy) qui, avec les grands Russes (velikorossy) et les Russes blancs (beloroussy), forment une seule et grande nation russe. Le projet national ukrainien, qui rejette l’idée de « petits Russes », est ainsi dépeint comme illégitime, artificiel et le produit d’une ingérence étrangère. L’article conclut que la Russie a le devoir fraternel de préserver « l’unité des Russes et des Ukrainiens », en présentant l’indépendance ukrainienne comme une erreur historique et une menace géopolitique.
L’« histoire » de l’Ukraine selon Poutine est moins sa propre création qu’un écho de mythes plus anciens et reçus en héritage. En 1975, l’année où Poutine a rejoint le KGB, Ioulian Semionov a écrit un autre roman sur Stierlitz, Une troisième carte, qui mettait cette fois l’accent sur le mouvement de libération nationale ukrainien, un mouvement que le roman cherchait à discréditer16.
Le moment choisi pour cette publication est loin d’être accidentel. En 1975, presque tous les pays européens – ainsi que l’Union soviétique, les États-Unis et le Canada – ont signé l’Acte final d’Helsinki, un accord politique non contraignant visant à améliorer les relations entre l’Est et l’Ouest pendant la guerre froide. Ce document affirme notamment que tous les peuples ont le droit de déterminer librement leur statut politique interne et externe, et que les signataires s’engagent à « respecter l’égalité des droits des peuples et leur droit à l’autodétermination ».
Dans plusieurs républiques soviétiques, en particulier en Ukraine, dans les républiques baltes, en Géorgie et en Arménie, l’Acte final a stimulé les mouvements de libération nationale et de défense des droits de l’Homme, exigeant de plus en plus de droits culturels nationaux, d’autonomie et même d’indépendance. La formation, en 1976, du groupe ukrainien d’Helsinki est un exemple notable de cette évolution. Le groupe a directement cité l’Acte final dans sa tentative de faire pression sur les autorités soviétiques pour qu’elles respectent les droits de l’Homme et l’autodétermination nationale. Il n’est guère surprenant que le régime soviétique ait considéré ces mouvements comme une menace et qu’il ait déclenché des répressions à leur encontre.
Les répressions contre les membres des mouvements de libération nationale – ukrainiens en particulier – allaient de mesures « douces » telles que la surveillance, le harcèlement, la censure et l’émigration forcée, à des tactiques plus sévères, y compris la violence physique, l’emprisonnement à long terme dans des camps de travail et l’hospitalisation psychiatrique punitive. Il existait également une forme plus subtile de répression : la guerre culturelle. Le roman Une troisième carte, écrit par Ioulian Semionov et qui visait à diaboliser le mouvement de libération nationale ukrainien par le biais de la fiction, illustre cette approche.
Comme toutes les autres œuvres de Semionov sur Stierlitz, Une troisième carte mêle des éléments de reconstitution historique, de thriller d’espionnage et d’histoire fictive. Le roman transporte le lecteur en 1941 – un tournant clé dans l’histoire soviétique – lorsque l’Allemagne nazie lança son invasion de l’URSS. L’agent de Moscou, Stierlitz, est chargé de déstabiliser l’ennemi de l’intérieur en exploitant les tensions entre les SS et la Wehrmacht, et en utilisant les nationalistes ukrainiens qui collaborent avec les nazis, à savoir l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) dirigée par Stepan Bandera, pour attiser les divisions au sein de l’establishment hitlérien.
Le roman lie l’idée même d’une Ukraine souveraine, indépendante de l’Union soviétique, presque exclusivement à Bandera et à ses partisans (Banderistes), dépeignant l’idée de l’indépendance de l’Ukraine comme une entreprise criminelle instrumentalisée par le Troisième Reich. Ce faisant, elle prive les Ukrainiens de leur dignité et de leur rôle historique. L’Abwehr « promet » à l’OUN un État ukrainien indépendant, mais les officiers allemands admettent entre eux que le nationalisme ukrainien n’est rien d’autre qu’un « mouchoir en papier » – à utiliser et à jeter une fois qu’il a rempli sa fonction dans la guerre contre l’URSS.
Dans ce récit, l’idée du projet national ukrainien devient une « troisième carte » sacrifiable et finalement redondante dans les jeux géopolitiques des grandes puissances. Sans l’Union soviétique, l’Ukraine est un territoire sans avenir, un vide colonial qui doit être façonné et occupé par des forces plus puissantes. Les Ukrainiens eux-mêmes sont décrits comme incapables de construire ou de maintenir un État indépendant.
Mais le roman comportait aussi un rebondissement. Une troisième carte est le huitième roman de Semionov mettant en scène Stierlitz, mais c’est le premier à révéler – ce qui n’est pas un hasard – que l’espion soviétique Vsevolod Vladimirov, qui opérait sous le pseudonyme de Stierlitz, avait des racines à la fois russes et ukrainiennes. Son père était russe et sa mère ukrainienne, fille d’un « révolutionnaire ukrainien » exilé en Transbaïkalie par le régime tsariste russe pour ses activités politiques. Ce détail implique que la mère de Vladimirov avait une biographie idéologiquement correcte : dans la terminologie soviétique, un « révolutionnaire ukrainien » était considéré comme faisant partie des forces progressistes ukrainiennes qui agissaient de concert avec les Russes. Les antécédents familiaux de Vladimirov ne font cependant pas de lui un être à la fois russe et ukrainien. Cela signifie simplement que l’ukrainité biographique de Vladimirov n’est qu’un ruisseau qui se jette dans le fleuve de la russité. Vladimirov/Stierlitz incarne « l’unité historique des Russes et des Ukrainiens » telle qu’elle est comprise à travers le paradigme colonial russe.
Ainsi, le roman de Semionov, Une troisième carte, présente deux types d’Ukrainiens très différents. L’un était composé de Banderistes criminels, manipulés par les forces anti-russes pour imaginer la création d’un État ukrainien indépendant comme moyen de saper l’Union soviétique. L’autre type était constitué d’Ukrainiens dont l’ukrainité était subordonnée à l’identité ethnoculturelle russe et intégrée à la nation « Grande Russie ». Le premier type était déshumanisé en raison de son association avec le nazisme ; le second était humanisé en raison de sa relation, bien qu’inégale, avec l’ethnicité russe. C’est ce deuxième type d’Ukrainiens – pleinement intégrés dans la culture russe, leur appartenance à l’Ukraine se réduisant à leur nom de famille ou à un léger accent – que Poutine a vu autour de lui au KGB et qui, en fait, différaient peu de leurs collègues ethniquement russes.
Il est facile d’imaginer qu’Une troisième carte a eu un impact direct sur la façon dont Poutine, alors une recrue du KGB âgée de 25 ans, en est venu à percevoir le projet national ukrainien. Les romans de Semionov étaient immensément populaires en Union soviétique – Stierlitz était un James Bond soviétique – et Poutine lui-même a admis qu’il aimait les thrillers d’espionnage soviétiques dans sa jeunesse17.
Même si cette idée peut sembler farfelue, il convient de rappeler que Semionov était un collaborateur du KGB et que les thèmes politiques abordés dans Une troisième carte n’étaient pas le fruit du hasard, mais reflétaient les positions du KGB sur la « question ukrainienne » au moment même où Poutine entamait sa carrière au sein de l’agence. Il ne fait guère de doute qu’il a intériorisé la position du KGB sur le projet national ukrainien, à la fois par le biais de son service et des produits littéraires de la propagande culturelle soviétique.
De plus, la distinction de Semionov entre deux types sociaux d’Ukrainiens n’est ni son invention, ni celle du KGB. À l’époque où il écrit, ces stéréotypes sont déjà établis depuis longtemps. Mykola Riabtchouk fait remonter leur origine au XVIIIe siècle : d’un côté, les petits Russes, « éduqués, loyaux et fondamentalement intégrés à la culture impériale » ; de l’autre, les khokhly, « paysans locaux analphabètes […] à la culture autochtone rudimentaire mais pittoresque et au dialecte étrange18 ».
La montée des nationalismes en Europe centrale, orientale et méridionale à la fin du XIXe siècle et l’effondrement des empires européens au début du XXe siècle ont donné de l’élan au mouvement de libération nationale ukrainien, qui était idéologiquement diversifié, allant de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par le centre. Toutefois, dans la typologie coloniale russe des Ukrainiens, la figure du « paysan local analphabète » qui, sous l’emprise malveillante des puissances étrangères antisoviétiques, a osé rêver d’un État ukrainien indépendant, a été grossièrement recomposée en Banderiste criminel et fasciste. Le stéréotype des « bons petits Russes », en revanche, n’a pas changé : il s’agit de ceux qui acceptent la primauté de la culture « grande-russe » et qui sont essentiellement considérés comme faisant partie de « l’unique et grande nation russe ».
Ironiquement, l’Ukraine est devenue indépendante en 1991, non pas grâce aux efforts de construction nationale des « Banderistes », mais à la suite de la « paralysie du pouvoir » de Moscou, qui a conduit à la chute de l’Union soviétique. Toutefois, dans les premières années post-soviétiques, la souveraineté de l’Ukraine n’a guère suscité d’inquiétude au Kremlin. Alors que le pays luttait contre l’effondrement de l’économie planifiée, l’hyperinflation, une privatisation défectueuse, la dépendance énergétique et le déclin de la population – le tout exacerbé par une corruption omniprésente – il restait fermement dans la sphère d’influence de la Russie, avec une souveraineté plus symbolique que substantielle. Pour Moscou, cela semblait confirmer une croyance de longue date selon laquelle les khokhly étaient incapables de soutenir un État ukrainien véritablement indépendant. Et tant que des « petits Russes » favorables à Moscou étaient au pouvoir à Kyïv, le Kremlin se contentait de tolérer le statu quo.
Pourtant, à mesure que la société civile ukrainienne mûrissait, une série d’intenses manifestations populaires ont remis en question le pouvoir des « petits Russes » en Ukraine, pour aboutir à la révolution de libération nationale de 2014 qui a renversé le régime du président pro-russe Viktor Yanukovych. Pour Poutine, il s’agissait d’un sinistre écho du passé – une répétition des événements traumatisants dont il avait été témoin à Dresde : un mouvement populaire affirmant la souveraineté démocratique en rejetant le pouvoir des marionnettes de la Russie dans un pays que Moscou considérait comme un État satellite. « L’Ukraine, c’est l’Europe ! – le slogan populaire de la révolution de 2014 – était la version ukrainienne de « Nous sommes le peuple ! ». Le mouvement révolutionnaire s’est exprimé au nom du peuple ukrainien et a fait un choix géopolitique clair : s’éloigner de Moscou et se tourner vers une Europe unie.
Cependant, la révolution de 2014 en Ukraine était, pour Poutine, encore plus menaçante qu’une répétition des événements de Dresde. Contrairement à ce qui s’est passé en RDA en 1989-1990, ce ne sont pas simplement des citoyens ordinaires qui ont contesté la domination politique et culturelle de la Russie dans la région – ce sont des Ukrainiens ayant une conscience nationale, des représentants de ce type dangereux dans l’imaginaire russe, que le Kremlin a immédiatement identifiés comme des fascistes manipulés par l’Occident pour nuire à la Russie.
Cette configuration a ajouté une nouvelle dimension à l’atteinte portée au sentiment d’immortalité symbolique de Poutine, qui était centré sur la survie grâce à l’État : l’autodétermination nationale de l’Ukraine. Il en est venu à considérer l’existence même de la nation ukrainienne – qui a fait voler en éclats l’État « grand-russe » et, avec lui, l’armure psychologique qui le protégeait de la peur existentielle – comme une nouvelle rupture qui pouvait être réparée.
Contrairement à ce qui s’est passé à Dresde en 1989, Poutine s’est assuré que Moscou ne resterait pas silencieuse plus longtemps. La guerre contre l’Ukraine a commencé alors.
« Un coup d’État fasciste ! »
La légende veut que lorsque les bourreaux de Staline se sont préparés à abattre Grigori Zinoviev – un éminent révolutionnaire bolchévique et proche allié de Lénine qui s’est ensuite brouillé avec Staline – il a crié que son exécution était le fait d’« un coup d’État fasciste19 ». La vie et la mort de Zinoviev sont paradoxales : il a participé à l’édification de la dictature soviétique, avant d’être détruit par le système même qu’il avait contribué à créer. Tout aussi paradoxales ont été les conséquences politiques de son utilisation du terme « fascisme », dont l’interprétation et la manipulation ont pu contribuer à de nombreux triomphes de l’inhumanité.
C’est Zinoviev, alors président de l’Internationale communiste, qui a introduit, en 1923, le concept de « social-fascisme » pour salir et saper le parti social-démocrate d’Allemagne, qui n’était « rien d’autre qu’une fraction de fascistes allemands sous un masque socialiste20 ». L’adoption du concept de « social-fascisme » par les communistes allemands a aggravé les hostilités entre eux et les sociaux-démocrates. Ces hostilités ont fini par fracturer les forces de gauche allemandes et ont ainsi ouvert la voie à l’accession au pouvoir d’Hitler au début des années 193021.
Et c’est Zinoviev qui, alors qu’il était en exil en 1933, a produit une traduction en russe bien particulière de Mein Kampf d’Hitler. Primo, il a omis les sections traitant des réflexions autobiographiques d’Hitler et des discussions sur la construction du parti nazi. Secundo, il a manipulé les positions anticommunistes et antisoviétiques d’Hitler, présentant le fascisme principalement comme une menace géopolitique pour l’URSS, tout en minimisant ses dangers idéologiques et racistes plus larges22. La version russe de Mein Kampf de Zinoviev a été publiée en édition limitée « pour l’usage officiel » de l’élite du parti communiste soviétique et a donc eu un impact direct sur la façon dont les dirigeants soviétiques – y compris Joseph Staline – percevaient le fascisme.
Officiellement et sur le plan académique, les dirigeants soviétiques ont largement adhéré à l’interprétation kominternienne du fascisme en tant que « dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins et les plus impérialistes du capital financier23 ». Toutefois, de manière plus lâche – et surtout après l’invasion de l’Union soviétique par le Troisième Reich – le fascisme a fini par être définié avant tout comme de l’« antisoviétisme ».
À un niveau symbolique plus profond, l’invasion nazie de l’URSS – que les Soviétiques appellent « Grande guerre patriotique » – n’a pas été perçue comme une guerre de classes, comme le suggère la définition marxiste officielle du fascisme. Au contraire, elle est devenue une « guerre sacrée24 », non pas contre le système soviétique, mais contre le peuple soviétique, présentant ainsi le fascisme comme une menace pour la nation.
Après la Seconde Guerre mondiale, les références à la lutte « sacrée » contre le fascisme en Union soviétique ont pris une dimension évidente d’immortalité symbolique, souvent liée au nationalisme soviétique. Des expressions telles que « l’exploit immortel du peuple soviétique », « gloire éternelle aux héros », « votre nom est inconnu, votre acte est immortel » et « les héros ne meurent jamais » sont devenues partie intégrante de la politique soviétique de la mémoire autour de la « Grande guerre patriotique25 ». Ces expressions sont devenues des clichés quasi-religieux indispensables, utilisés dans les cérémonies d’État, la culture populaire, le journalisme, la littérature éducative, entre autres.
Ces concepts et sentiments n’ont pas disparu du discours public russe après la chute de l’Union soviétique en 1991, mais leur reproduction post-soviétique a été transformée : le terme « soviétique » a souvent été remplacé par le terme « russe ». Le remplacement de « l’exploit immortel du peuple soviétique » par « l’exploit immortel du peuple russe » est devenu naturel.
La présentation du fascisme à l’époque soviétique comme une idéologie ciblant le peuple soviétique, combinée à l’estompement post-soviétique de la frontière entre « soviétique » et « russe », a organiquement conduit à la perception imaginaire du fascisme comme une idéologie dirigée spécifiquement contre la nation russe. En outre, la lutte contre le fascisme – désormais interprété comme une idéologie ou une pratique anti-russe – a acquis des caractéristiques sacrées, promettant une immortalité symbolique à ses combattants, tout comme les « héros soviétiques » ont été immortalisés en affirmant qu’ils ne « mourraient jamais ».
Ces métamorphoses ont eu deux conséquences politiques et culturelles majeures, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Poutine. D’une part, le Kremlin – et ses agents d’influence – se sentent désormais autorisés à qualifier de « fascisme » ou de « nazisme » toute évolution politique perçue comme hostile à la Russie ou au peuple russe. Dans le cas de l’Ukraine, cela a renforcé la représentation par les dirigeants russes des Ukrainiens conscients de leur identité nationale et aspirant à une véritable indépendance politique, comme étant intrinsèquement anti-russes – une représentation qui a culminé avec la description de la révolution ukrainienne de 2014 comme un « coup d’État néo-nazi », nécessairement manipulé par l’Occident26. Cela a permis à Poutine de présenter la guerre contre la nation ukrainienne comme une opération de « dénazification » – un terme qu’un technologue politique pro-Kremlin a décrit comme une désukrainisation pure et simple du territoire de l’Ukraine moderne27.
D’autre part, la « dénazification » de l’Ukraine – essentiellement une manière codée de décrire la destruction d’une nation ukrainienne indépendante de la Russie – a été présentée comme une mission sacrée, promettant l’immortalité symbolique à tous ceux qui participent à son exécution. Pour Poutine, en ce sens, l’élimination de l’Ukraine représente un moyen de fortifier la Russie et, par extension, de renforcer l’illusion de sa propre permanence.
La logique tordue qui sous-tend cette démarche repose en partie sur la conviction qu’une nation ukrainienne véritablement souveraine est un instrument de la « guerre hybride » séculaire de l’Occident contre la Russie. Selon ce raisonnement, la destruction du projet national ukrainien neutralise cet instrument et porte un coup de représailles à l’Occident sans l’affronter directement.
L’effacement de l’identité ukrainienne devient ainsi à la fois une fin en soi – un « exploit immortel » – et un moyen de parvenir à une fin : la vengeance pour la victoire de l’Occident sur l’Union soviétique pendant la guerre froide, qui, jusqu’à son effondrement, avait protégé Poutine d’une peur existentielle. D’une manière ou d’une autre, la guerre d’élimination contre l’Ukraine est devenue une voie – directe ou indirecte – vers sa propre immortalité.
L’architecture d’un crime
Une connaissance de Viatcheslav Volodine, président de la chambre basse du Parlement russe, le décrit comme « pas la personne la plus intellectuelle », mais quelqu’un qui « est capable de sentir beaucoup de choses – pas avec son cerveau, mais avec sa colonne vertébrale. Beaucoup de ses gestes sont instinctifs – il suit son flair et sait dans quelle direction souffle le vent28. »
C’est exactement le sentiment instinctif de Volodine qui a conduit l’un des élus les plus influents de Russie non seulement à identifier Poutine à l’ensemble du pays, mais aussi à lier l’avenir de la Russie à la continuité personnelle de Poutine : « S’il y a Poutine, il y a la Russie. Sans Poutine, il n’y a pas de Russie », a déclaré Volodine lors d’une réunion à huis clos en 2014.
L’adulation de Volodine pour Poutine – probablement étayée par ses propres aspirations au pouvoir – est l’un des innombrables éléments de la boucle de rétroaction russe : un système qui a soutenu, amplifié et renforcé le mythe central de la vision de Poutine sur l’Occident et l’Ukraine – un mythe façonné à la fois par les héritages impériaux russes et soviétiques, et par les expériences personnelles de Poutine. C’est précisément ce jeu de miroirs qui a transformé la quête individuelle d’immortalité symbolique de Poutine en une guerre collective de la Russie contre l’Ukraine, et qui a contribué à transformer son idée de changer le passé pour « corriger » le présent en la réalité brutale d’une entreprise génocidaire anti-ukrainienne.
Cette transformation était presque inévitable. Au fur et à mesure que le régime de Poutine se durcissait dans un autoritarisme plus profond – en particulier après la première invasion de l’Ukraine par la Russie en 2014 – ceux qui, autour de lui, osaient suggérer des voies moins radicales pour traiter avec l’Occident et l’Ukraine ont été progressivement marginalisés et réduits au silence. À leur place, des voix plus extrémistes se sont élevées, non seulement tolérées, mais intégrées au courant dominant. Au moment où la Russie a lancé son assaut sur l’Ukraine, la vision personnelle de Poutine sur l’Occident et l’Ukraine était devenue le fondement rhétorique de la guerre : les politiciens et les fonctionnaires étaient autorisés à être plus extrémistes que Poutine – mais jamais, en aucun cas, moins.
Le popadanstvo réel de Poutine s’est appuyé sur trois mécanismes majeurs, qui se chevauchent et se renforcent mutuellement : l’ultranationalisme panrusse, le révisionnisme historique et la technologie politique déshumanisante.
Les principaux amplificateurs de l’ultranationalisme panrusse de Poutine sont les « siloviki », les représentants des ministères armés et des agences de sécurité russes. Poutine lui-même est l’un d’entre eux, issu des rangs du KGB/FSB. Martin Kragh et Andreas Umland ont exploré les idées politiques des siloviki russes, en se concentrant sur Nikolaï Patrouchev, qui a succédé à Poutine à la tête du FSB en 1999 et a ensuite occupé le poste de secrétaire du puissant Conseil de sécurité de la Russie de 2008 à 2024.
M. Patrouchev partage entièrement avec M. Poutine la vision mythologique de l’Occident et de l’Ukraine par rapport à la Russie : « Dans le but de supprimer la Russie, les Américains, par l’intermédiaire de leurs mandataires à Kiev, ont décidé de créer un antipode de notre pays, en choisissant cyniquement l’Ukraine à cette fin, en essayant de diviser une nation [panrusse] essentiellement unie. En parlant de dénazification, notre objectif est de vaincre la tête de pont du néonazisme créée par les efforts occidentaux près de nos frontières29. » En d’autres termes, l’Occident est considéré comme ayant transformé l’idée d’une Ukraine souveraine en un instrument fasciste de division et de trahison à l’égard de la Russie.
Pour Kragh et Umland, la virulence des sentiments anti-ukrainiens de Patrouchev reflète la position caractéristique des siloviki – une position enracinée dans la négation de la légitimité de l’Ukraine en tant qu’État et peuple. En dépeignant l’Ukraine comme un pays en proie au fascisme et à la subversion occidentale, Patrouchev et ses alliés cherchent à expliquer comment une nation qui, selon eux, n’existe pas vraiment, peut néanmoins résister à l’assaut de la Russie. Dans l’imaginaire des siloviki, les Ukrainiens deviennent des ennemis de la Russie soit en refusant de s’accepter comme une simple branche du peuple russe, soit en collaborant avec l’Occident dans sa prétendue guerre contre la Russie, soit en faisant les deux.
À son tour, le mécanisme du révisionnisme historique renforce la sacralisation de l’histoire russe et insuffle un sentiment de perpétuité à l’idée d’une conspiration occidentale contre la Russie, l’Ukraine étant présentée comme un élément maléfique parmi d’autres.
Le révisionnisme historique en Russie est largement canalisé par la Société d’histoire militaire russe, dirigée par Vladimir Medinski, conseiller de Poutine et ancien ministre de la culture (2012-2020), et par la Revue d’histoire militaire (Voïenno-istoritcheski journal), supervisée par le ministère de la Défense. La Société d’histoire militaire russe inonde la sphère publique de ferveur patriotique par le biais d’expositions multimédias, de monuments commémoratifs, de reconstitutions de batailles, de tourisme militaro-historique et d’un travail intensif avec les enfants et les jeunes30. À sa tête, Medinski est devenu l’architecte principal d’une version nationaliste et étatique de l’histoire, défendant un récit « patriotique » singulier qui exalte la grandeur russe, défend les mythes de l’ère soviétique et présente la Russie à la fois comme la cible éternelle de l’agression occidentale et comme le rempart inébranlable contre elle.
Comme le montre Andreas Heinemann-Grüder, la Revue d’histoire militaire sert également d’amplificateur pour une vision glorifiée et contrôlée par l’État de l’histoire russe et soviétique, jouant un rôle central dans le projet plus large de la politique de la mémoire – le remodelage de la conscience historique pour répondre aux besoins politiques actuels. Sa mission est d’instiller la fierté nationale à travers des récits d’héroïsme russe et soviétique, en particulier sur le champ de bataille.
Dans ces récits, la Russie se présente comme l’unique héritière morale légitime de la victoire de l’Union soviétique dans la « Grande guerre patriotique », tandis que les autres nations européennes sont accusées de falsifier l’histoire et de blanchir leur prétendue collaboration avec l’Allemagne nazie. Dans le même temps, ces mythes nient farouchement toute complicité soviétique dans le déclenchement de la guerre, effaçant de la mémoire le pacte nazi-soviétique et l’invasion conjointe de la Pologne en 1939.
La critique de la collaboration de l’Union soviétique avec le Troisième Reich est présentée comme une attaque contre l’honneur et la réputation morale de la Russie. Vue sous cet angle, la guerre russe contre l’Ukraine « apparaît comme une défense de la “Grande Victoire” de la Seconde Guerre mondiale, et donc plutôt comme une guerre sainte pour défendre l’image collective de soi que comme une guerre pour atteindre des objectifs définis. Le récit est fondamentalisé et essentialisé, élevé au rang d’obligation religieuse31. ».
Comme dans le cas de la négation du pacte germano-soviétique, le révisionnisme historique de la Russie cherche également à effacer les preuves de sa propre culpabilité, en particulier en ce qui concerne l’Ukraine. L’un des exemples les plus honteux de cette pratique est la suppression délibérée de la mémoire d’environ deux cents personnalités intellectuelles et culturelles ukrainiennes – écrivains, dramaturges, scientifiques et autres – qui ont été arrêtées sur la base d’accusations forgées de toutes pièces par les agences de sécurité soviétiques et exécutées dans la forêt de Sandarmokh, en Carélie, en 1937.
Sergueï Lebedev note que les exécutions de Sandarmokh mettent en évidence une continuité historique dans la violence systématique de Moscou contre l’identité nationale, la culture et l’autonomie politique de l’Ukraine. La reconnaissance de cet héritage obligerait la Russie à affronter son passé colonial et répressif, à reconnaître sa politique de longue date de suppression de l’identité nationale ukrainienne (et d’autres pays non russes) et à saper l’idée selon laquelle l’Ukraine appartient naturellement à la Russie.
Puisque le révisionnisme historique russe imagine la Russie comme l’éternelle victime de l’agression occidentale, des événements tels que les exécutions de Sandarmokh et l’occupation nazie et soviétique de la Pologne en 1939 doivent être effacés de la mémoire publique, soit en criminalisant toute discussion à ce sujet, soit en supprimant les sites de commémoration.
En définitive, le révisionnisme historique russe cherche à parfaire le passé en construisant une continuité mythifiée de la civilisation de la « Grande Russie », dont l’intégrité est présentée comme étant constamment remise en cause, directement et indirectement, par l’Occident. La guerre d’élimination menée aujourd’hui contre l’Ukraine est présentée à la fois comme l’expression existentielle du destin historique de la Russie et comme l’acte qui fait entrer ce passé mythifié dans la réalité. Cela crée une boucle fermée : le maintien du passé inventé exige de la violence, et la violence, une fois déchaînée, alimente à nouveau le mythe du conflit tripartite dans lequel l’Occident utilise l’Ukraine pour nuire à la Russie.
L’ultranationalisme panrusse et le révisionnisme historique amplifient les éléments existants de la vision que Poutine a de l’Occident et de l’Ukraine. À son tour, la technologie politique renforce cette vision d’un point de vue managérial. Aujourd’hui, bien que nombre de technologues politiques soient encore au service de politiciens et de fonctionnaires, ils se considèrent de plus en plus comme une caste distincte d’architectes sociaux. Ils sont guidés par leur propre et sinistre philosophie, fondée sur la conviction que les gens ordinaires sont incapables de se gouverner eux-mêmes et qu’ils doivent être façonnés, dirigés et gouvernés d’en haut pour assurer le bon fonctionnement de la société.
Dans son analyse du rôle des technologues politiques dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine, Andrew Wilson montre comment leur refus de l’action individuelle s’est traduit par des directives géopolitiques impérialistes. S’appuyant sur la théorie du « monde russe » développée par Gueorgui Chtchedrovitski, le concept de « supra-sociétés » formulé par Alexandre Zinoviev et la notion de « grands espaces » de Carl Schmitt, des technologues politiques tels que Sergueï Kirienko dénient à l’Ukraine tout droit à l’autodétermination géopolitique. Ils affirment que si les élites russes – en tant que représentants d’une « supra-société » – le souhaitent, le « monde russe » doit être imposé à l’Ukraine, indépendamment de la volonté de ses citoyens, car l’Ukraine ne possède pas les caractéristiques définissant un « grand espace ». Après cela, les Ukrainiens doivent être reprogrammés et rééduqués pour devenir des Russes ; ceux qui ne se conforment pas doivent être exilés – ou anéantis32.
Ni l’ultranationalisme panrusse, ni le révisionnisme historique, ni la technologie politique n’ont introduit d’éléments qualitativement nouveaux dans la vision intellectuellement superficielle de Poutine concernant le rôle du projet national ukrainien dans la guerre perpétuelle de l’Occident contre l’État « grand-russe ». Sa compréhension de ce rôle a été façonnée bien avant qu’il ne commence à travailler dans la Russie post-soviétique. Pourtant, son idée qu’une histoire alternative pouvait être transformée en réalité politique aurait pu rester à l’état de fantasme sans l’environnement favorable créé par ces trois mécanismes, chacun amplifiant et renforçant la fièvre de son imagination. Que les opérateurs de ces mécanismes partagent les visions d’immortalité symbolique de Poutine ou qu’ils soient – plus vraisemblablement – motivés par le gain financier et l’ambition de carrière, ils sont devenus les exécutants volontaires de son rêve malsain et les complices à part entière de son crime inhumain.
Conclusion
L’adolescent Poutine, impressionné par les reconstitutions historiques mettant en scène des agents soviétiques luttant contre les menaces occidentales pesant sur la Russie, s’émerveillait, selon ses propres termes, de voir « comment les efforts d’un seul homme pouvaient permettre de réaliser ce que des armées entières ne pouvaient pas faire. Un espion pouvait décider du sort de milliers de personnes33. » Pour Poutine, l’immersion dans les thrillers soviétiques et l’identification à des héros tels que Stierlitz sont devenues un rite de passage de l’adolescence à l’âge adulte, où il deviendrait officier du KGB.
Ses années au KGB n’ont fait qu’approfondir son hostilité envers l’Occident, ainsi qu’envers toute éclosion de souveraineté populaire ou de libération nationale – qu’il est venu à percevoir à travers un prisme sécuritaire, défiant ainsi la répression soviétique, comme des attaques délibérées orchestrées par l’Occident contre la Russie.
Le traumatisme de Dresde en 1989 et l’effondrement du pouvoir soviétique semblent avoir porté les préjugés anti-occidentaux de Poutine à un niveau supérieur, brisant l’armure psychologique qui l’avait protégé de la peur de la mort en lui promettant de survivre grâce à la permanence de l’État soviétique. Au fur et à mesure qu’il devenait plus puissant en tant que président de la Russie – et qu’il se rapprochait de la mort en tant qu’être physique – il a dû considérer de plus en plus la victoire de l’Occident dans la guerre froide, ainsi que l’existence du projet national ukrainien, comme des ruptures historiques qui pouvaient être annulées par la guerre, sauvant ainsi la promesse de son immortalité symbolique.
La guerre s’est déjà révélée catastrophique non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour la Russie. C’est là que se révèle la véritable nature de la quête d’immortalité de Poutine : en fin de compte, il n’a pas atteint la grandeur de la Russie, mais seulement sa ruine – la destruction d’innombrables vies ukrainiennes, russes et autres, sacrifiées comme la suite d’un pharaon mourant, pour l’accompagner vers son inévitable fin.
Traduit de l’anglais par Desk Russie
Anton Shekhovtsov est directeur du Centre pour l'intégrité démocratique (Autriche) et Senior Fellow invité à l'Université d'Europe centrale (Autriche). Son principal domaine d'expertise est l'extrême droite européenne, l'influence malveillante de la Russie en Europe et les tendances illibérales en Europe centrale et orientale. Il est l'auteur de l'ouvrage en langue russe New Radical Right-Wing Parties in European Democracies (Ibidem-Verlag, 2011) et des livres Russia and the Western Far Right: Tango Noir (Routledge, 2017) et Russian Political Warfare(Ibidem-Verlag, 2023).
Notes
- Voir la discussion sur le popadanstvo russe dans Eliot Borenstein, Unstuck in Time : On the Post-Soviet Uncanny, New York : Cornell University Press, 2024.
- Voir, par exemple, Mircea Eliade, The Sacred and the Profane : The Nature of Religion, New York : Harper & Brothers, 1961 ; idem, Myth and Reality, New York : Harper & Row, 1963.
- David Crawford, Marcus Bensmann, “Putins frühe Jahre”, Correctiv, 30 juillet 2015.
- Andrew Wilson, Political Technology : The Globalisation of Political Manipulation, Cambridge : Cambridge University Press, 2024.
- Ot pervogo litsa. Razgovory s Vladimirom Poutinym, Moscou : Vagrius, 2000, p. 71-72 ; Steven Lee Myers, The New Tsar : The Rise and Reign of Vladimir Putin, New York : Vintage Books, 2016.
- Arkady Ostrovsky, L’invention de la Russie : The Rise of Putin and the Age of Fake News, New York : Penguin Books, 2017, p. 230 ; Phillip Knightley, The Second Oldest Profession : Spies and Spying in the Twentieth Century, Londres : Pimlico, 2003, p. 368.
- En 2019, se référant à une conversation avec une personne de l’administration présidentielle russe, la fille de Semionov, Olga Semionova, a déclaré que Dix-sept moments de printemps était le roman préféré de Poutine, Sputnik Belarus, 22 mai 2019.
- Voir Ivan Zassoursky, Media and Power in Post-Soviet Russia, Armonk : ME Sharpe, 2004, p. 132-134.
- Un rapport de recherche sur l’occupation de l’administration de district de la Stasi à Dresde et la période qui a suivi ne confirme pas l’implication de Poutine dans l’impasse de la résidence du KGB le 5 décembre 1989, cf. Ilona Rau, “Besetzung der Dresdener Bezirksverwaltung und die Zeit danach – ein Recherchebericht”, voir ici.
- Le film allemand de 2006 La vie des autres (Das Leben der Anderen, 2006), réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck, donne un excellent aperçu de l’horreur de la surveillance exercée par la Stasi en Allemagne de l’Est.
- Ot pervogo litsa, p. 71-72.
- « Discours annuel à l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie », site officiel du Kremlin, 25 avril 2005.
- Voir Sheldon Solomon, Jeff Greenberg, Thomas A. Pyszczynski, The Worm at the Core : On the Role of Death in Life, Londres : Penguin Books, 2016.
- « Discours du Président de la Fédération de Russie », site officiel du Kremlin, 24 février 2022.
- Boutkevytch a survécu à la captivité russe et a été libéré en octobre 2024 dans le cadre d’un échange de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie. Voir également “Life After Captivity and Justice for Ukraine. Maksym Butkevych et Misha Glenny in Conversation”, Institut des sciences humaines, 19 mars 2025. Voir aussi l’entretien avec Boutkevytch paru sur Desk Russie.
- Ioulian Semionov, « Tretia karta », Ogoniok, N° 37-52 (1975).
- Ot pervogo litsa, p. 24.
- Mykola Riabchuk, “Ukrainians as Russia’s Negative ‘Other’ : History Comes Full Circle”, Communist and Post-Communist Studies, Vol. 49, No. 1 (2016), pp. 75-85 (77). Aujourd’hui, khokhol (au singulier) et khokhly (au pluriel) sont des insultes ethniques péjoratives utilisées à l’encontre des Ukrainiens.
- Simon Sebag Montefiore, La Cour du Tsar Rouge, Paris, Editions des Syrtes, 2005.
- Zinoviev cité dans Lea Haro, “Entering a Theoretical Void : The Theory of Social Fascism and Stalinism in the German Communist Party”, Journal of Socialist Theory, Vol. 39, No. 4 (2011), pp. 563-582 (565).
- Haro, “Entering a Theoretical Void”, p. 581 ; Roger Griffin, Fascism : An Introduction to Comparative Fascist Studies, Cambridge : Polity Press, 2018, p. 15.
- Aron Brouwer, « L’antifascisme autoritaire en Russie : Embrasser les symboles et les pratiques fascistes au nom de l’antifascisme ». Document présenté lors de la cinquième convention de l’International Association for Comparative Fascist Studies, “Beyond the Paranoid Style – Fascism, Radical Right and the Myth of Conspiracy”, qui s’est tenue à l’université de Florence, en Italie, du 14 au 16 septembre 2022.
- Cité dans Griffin, Fascism, p. 16.
- Le refrain de « La guerre sacrée », l’une des plus célèbres chansons soviétiques de la « Grande guerre patriotique », dit : « Que la noble colère déborde comme une vague ! C’est la guerre du peuple, une guerre sacrée. »
- Voir une discussion utile de ces développements, en particulier dans la période post-soviétique, dans Galia Ackerman, Le Régiment immortel : la guerre sacrée de Poutine (Paris : Premier Parallèle, 2019).
- « Signature des traités d’adhésion des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk et des régions de Zaporojié et de Kherson à la Russie », Président de la Russie, 30 septembre 2022.
- Timofeï Sergueïtsev, RIA Novosti, 3 avril 2022, cf. l’analyse de Françoise Thom.
- Andreï Pertsev, Meduza, 7 avril 2022.
- Ivan Egorov, RG, 26 avril 2022.
- Dietmar Neutatz, “Putins Geschichtspolitikmaschine : Die Russländische Militärhistorische Gesellschaft”, Osteuropa, n° 12 (2022), 143-164.
- Ibid.
- Anton Shekhovtsov, “The Shocking Inspiration for Putin’s Atrocities in Ukraine”, Haaretz, 13 avril 2022.
- Ot pervogo litsa, p. 24.